Polytechnique : vers une grève historique?

2013/03/29 | Par Maude Messier

Ce jeudi, les 236 professeurs et chargés d’enseignement de l’École Polytechnique de Montréal ont déclenché une grève d’une journée.

C’est la deuxième alerte envoyée à la direction de l’établissement, les syndiqués ayant accordé un mandat de grève à l’Association des Professeurs de l’École Polytechnique (APEP) à 73,2% au terme d’un référendum la semaine dernière. Le déclenchement d’une grève générale n’est donc pas exclu après le congé pascal.

En entrevue à l’aut’journal, le président l’APEP, Christian Mascle, affirme que le syndicat entend bien bénéficier du rapport de force dont il dispose maintenant, alors qu’il ne reste que deux semaines de cours et une période d’examens avant la fin de la session.

« La direction s’est traînée les pieds depuis mai dernier. Ils prennent des mesures dilatoires. Pour nous, la conciliation en est une aussi. Nous avons faisons face à un bloc immobile. »

Le dirigeant syndical soutient le mandat de grève accordé par les membres, avec un taux de participation de 81%, est le reflet de leur exaspération quant à l’attentisme de la direction.

L’APEP et la direction de l’École Polytechnique ont débuté les négociations pour le renouvellement de la convention collective en juin 2011 et signé les clauses normatives en avril 2012 avec une entente sur les salaires pour un an, « avec une clause de réouverture pour les salaires et le régime de retraite. »

Il y a donc presque un an maintenant que les parties négocient sur la question des salaires et l’impasse semble inévitable. D’ailleurs, au moment où le syndicat lançait un référendum pour consulter ses membres quant à l’éventualité d’une grève, la partie patronale demandait la nomination d’un conciliateur au dossier.

M. Mascle explique que l’APEP demande un rattrapage salarial et que c’est précisément sur les bases comparatives que les parties ne s’entendent pas. « La Polytechnique a la prétention d’offrir les meilleurs salaires des écoles d’ingénieurs du Québec. Mais lorsqu’on regarde de près, ce n’est pas si vrai; les courbes se croisent en plusieurs endroits. En plus, dans certaines écoles, il y a des primes pour tout, qui s’ajoutent au salaire. Sans compter que d’acheter une maison à Sherbrooke, ce n’est pas le même prix qu’à Montréal. »

L’APEP réclame un rattrapage de 2,6%, 3,25% et 3,5% pour les années restantes de la convention, auquel s’ajouterait un intéressement sous forme de prime. M. Mascle soutient que la partie patronale offre pour sa part l’équivalent de la politique gouvernementale. « Ça ne fait que 1,5% à 2% par année. Ce n’est même pas la hausse du coût de la vie, surtout pas à Montréal où les charges ont augmenté de 4% environ si on compte les taxes, l’électricité, etc. »

L’employeur réfère au salaire moyen de l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) comme comparatif, ce qui ne reflète aucunement les responsabilités qui incombent aux professeurs de l’établissement, fait valoir le dirigeant syndical. L’APEP estime plutôt que le rattrapage devrait être basé sur les échelons supérieurs de l’OIQ.

«C’est une question de reconnaissance de la charge de travail et des responsabilités. Il n’y a pas que la qualité de l’enseignement. Chaque professeur est une petite PME. Ce qu’on lui demande, ce sont des résultats. L’argent pour la recherche ne tombe pas toute seule, il doit aller la chercher auprès des entreprises, des subventions, des conseils de recherche. La charge de travail grandit et les stress augmente. Être professeur aujourd’hui, dans une école comme la Polytechnique, n’a rien à voir avec ce que c’était quand j’ai commencé

À la question des salaires, s’ajoute celle du régime de retraite. M. Mascle explique qu’il y a un seul régime pour l’ensemble des employés de l’école et qu’une entente doit donc être conclue entre la direction et l’ensemble des sept syndicats et associations de la Polytechnique.

Une entente verbale aurait été conclue en décembre dernier, ce qui fait dire au président de l’APEP que les concessions à prévoir doivent aussi être prises en compte dans la négociation des clauses salariales.

La grève d’une journée tenue ce jeudi est la deuxième de l’histoire de l’établissement, fondé en 1873. « La première a eu lieu il y a sept ou huit ans et n’avait duré que deux heures. Il y avait un conflit avec la direction en place et la grève avait mené à la démission du directeur en place », raconte Christian Mascle.

Dernière heure

De retour du congé de Pâques, l’Association des professeurs de l’École Polytechnique de Montréal avait une rencontre de conciliation à l’agenda dès le mercredi.
« Nous avions déjà prévu un débrayage pour midi trente si ce qui était sur la table n’était pas satisfaisant », indique Christian Mascle, joint par l’aut’journal.
Les professeurs et les chargés d’enseignement ont donc tenu une grève générale illimitée ce mercredi… débrayage qui s’est terminée à 13h15! « Les négociateurs patronaux nous ont rapidement indiqué que de nouvelles offres étaient sur la table. »
Une entente de principe a été conclue entre les parties le jour même, puis entérinée à forte majorité en assemblée générale ce jeudi après-midi : 146 votes pour, 12 contre et 1 abstention.
Le président du syndicat ne veut pas donner de chiffres précis, mais indique que « fondamentalement, on est loin du rattrapage avec les échelons supérieurs de l’OIQ. Ce n’est pas l’entente que nous aurions voulue, mais c’est une entente acceptable dans l’état actuel des coupures du ministère qui n’aident pas à la négociation. »
Il ajoute que ça fait une vingtaine d’années qu’il est question de rattrapage salarial aux négociations, « mais on n’est toujours pas en mode rattrapage. »
Pourquoi les membres ont-ils accepté aussi rapidement cette entente alors? « Je crois que c’est surtout le pas qu’a fait la direction vers nous qui a changé les choses. Nous ne sommes pas satisfaits, mais c’est acceptable. »