Notre Walmart : au Québec dès l’automne

2013/04/05 | Par Maude Messier

La version québécoise du mouvement américain OUR Walmart fera son entrée au Québec dès l’automne prochain.

« L’automne constitue une fenêtre intéressante parce qu’il y aura de la mouvance dans le commerce de détail avec l’ouverture des magasins Target au Québec », fait valoir la responsable des communications du Syndicat des travailleurs et des travailleuses unis de l'alimentation et du commerce – section locale 500, Roxane Larouche.

L’expérience de syndicalisation des employés du géant mondial du commerce de détail est un terrain connu chez les TUAC, notamment avec les épisodes des magasins de Jonquière, Gatineau et St-Hyacinthe. Mais Notre Walmart n’est pas une campagne de syndicalisation traditionnelle. Ce n’est d’ailleurs pas une campagne de syndicalisation.

L’aut’journal a rencontré l’équipe de coordination des TUAC 500, qui pilote présentement la mise sur pied du regroupement d’employés de Walmart, largement inspiré du mouvement américain.

À l’automne 2012, Walmart a connu la toute première grève de son histoire : une série de débrayages et d’arrêts de travail dans différents magasins et entrepôts de l’entreprise ont culminé en un mouvement de grève de plus de 500 employés dans une centaine d’établissements à travers les États-Unis, le jour du Black Friday.

Aux États-Unis, le mouvement a bénéficié du support de United Food and Commercial Workers (UFCW), dont la branche canadienne est le Syndicat des travailleurs et des travailleuses unis de l'alimentation et du commerce (TUAC).

La principale différence avec OUR Walmart, c’est l’implication des employés dans le processus et l’organisation au niveau local, sur des enjeux spécifiques à chaque magasin où l’organisation est présente. OUR Walmart, ce sont des employés qui choisissent de s’impliquer et de militer pour faire valoir leurs droits.

C’est le b.a.-ba de l’organisation ouvrière, en dehors du cadre juridique des relations de travail parce que Walmart ne respecte pas les règles du jeu de toute façon. Il n’y a pas de représentants, pas d’employés, pas de bureau, pas de paperasse à la charge de l’organisation.

Les membres sont représentés en cas d’accidents de travail, devant les tribunaux des droits de la personne, pour les relations de travail. Les TUAC offrent des formations en droits du travail, puis, ce sont les organisateurs de OUR Walmart qui forment ensuite leurs pairs.

Les TUAC offre un support organisationnel et financier de départ. Rapidement, le mouvement doit s’autogérer puisque le modèle est justement basé sur des cellules locales dans les magasins. L’objectif, c’est aussi que le mouvement soit autofinancé. Il y a actuellement 2 000 « supers militants » OUR Walmart, selon leur appellation, dispersés dans 40 États américains et dans 600 magasins, auxquels se greffent des membres militants.

C’est ce modèle qui sera appliqué au Québec. L’équipe des TUAC 500 œuvre à la mise en place de la « structure d’accueil ».

Notre Walmart n’est pas un syndicat. C’est une organisation indépendante que les TUAC 500 contribuent à mettre sur pied et qui évoluera de façon autonome. « C’est évident qu’on peut prêcher pour notre paroisse et faire le pari que si le projet fonctionne bien et s’implante, ces travailleurs voudront peut-être se syndiquer ensuite », fait valoir l’équipe.

Mais, à tout le moins, ils pourront compter sur une structure minimale pour les aider à défendre leurs droits. « Un syndicat requiert l’adhésion de la majorité. Notre Walmart, c’est une adhésion individuelle. On peut avoir des résultats rapidement sans se lancer dans tout un dédale juridique qui décourage les travailleurs. »

Un modèle différent donc, adapté à une entreprise qui met tout en œuvre, pratiques antisyndicales, représailles et artillerie juridique, pour contrer la syndicalisation de ses employés. Les TUAC s’y sont d’ailleurs casser le nez et connaissent la chanson. « Ce modèle répond aux besoins actuels des travailleurs », précise-t-on.

Les relations de travail diffèrent entre le Québec et les États-Unis. Ici, les employés de chaque magasin peuvent, en vertu du Code du travail, former une association de salariés reconnue.

À la différence des travailleurs syndiqués, ils ne bénéficieront pas d’une convention collective et n’auront pas le droit de grève. Mais, ils pourront s’exprimer et revendiquer leurs droits, protégés des représailles de leur employeur par la loi.

Nicolas Lemieux, organisateur syndical au TUAC 500 et responsable des activités de terrain de Notre Walmart, revient d’une visite à Washington où il a pris part à des activités de OUR Walmart. « Nous pouvons profiter d’une expérience positive, d’un modèle qui fonctionne. Mais ça fait deux ans qu’ils travaillent sur ce mouvement. Nous n’en sommes évidemment pas là. »

Pour le moment, l’équipe indique qu’ils en sont toujours à l’étape d’organisation : établir des contacts, recueillir des données et des informations, bâtir une structure. Si des travailleurs ont besoin d’aide pour des représentations en cas d’accidents du travail par exemple, les TUAC sont présents pour offrir du soutien. Mais tout le volet de formation des « super militants » n’est pas encore mis sur pied.

Nicolas Lemieux indique que les conditions de travail de travail sont différentes entre le Québec et les États-Unis. Mais la philosophie de l’entreprise demeure partout la même. « Ici comme aux États-Unis, ce que les travailleurs réclament, c’est le respect, notamment entre employés et cadres. Leurs demandes concernent la liberté d’expression. Ils veulent pouvoir s’exprimer librement, sans mesures de représailles. »

Lorsqu’il est question des relations de travail dans ses magasins, Walmart insiste pourtant sur l’importance qu’elle accorde à sa politique de « porte ouverte ». « Il semble que ça ne fonctionne pas selon ce qu’on nous rapporte », indique Nicolas Lemieux.

Il y a aussi certaines problématiques avec les horaires, connus seulement une semaine à l’avance et qui auraient tendance à changer régulièrement, généralement vers une diminution des heures travaillées. Les augmentations salariales annuelles avec évaluation auraient aussi diminué au cours de la dernière année, de même que les bonus de performance.

L’équipe indique qu’en bout de ligne, Notre Walmart prendra la forme que lui donneront les militants. « 90 % du travail est fait localement, dans les magasins. C’est ça le modèle. Ils verront quels sont leurs besoins, leurs priorités. Nous, on leur donne les moyens, les outils et les ressources pour se prendre en charge. Le reste, c’est eux. Ils développeront leurs solutions », explique Mme Larouche.

La problématique de la liberté d’expression en milieu de travail offre surtout une porte d’entrée, une prise de contact avec les travailleurs, comme ce fut le cas pour OUR Walmart.

L’équipe des TUAC 500 relate qu’à l’occasion d’une activité de distribution de dépliants sur les droits des travailleurs, une campagne d’envergure mondiale à laquelle participait le syndicat, les travailleurs de certains Walmart, dont celui de la Plaza Côte-des-Neiges à Montréal, ont été escortés jusqu’à leur voiture, dans le stationnement, par des cadres pour qu’ils ne soient pas en contact avec les représentants syndicaux.

« Vous savez, nous n’entrons pas dans un Walmart en disant aux gens : Signez vos cartes, on vous syndique! C’est parce qu’on a reçu des appels et qu’on sent une volonté chez les travailleurs qu’on se présente. »

Walmart emploie 16 000 personnes au Québec. Le salaire moyen se situe aux alentours de 10,11 $ de l’heure selon le syndicat. Rappelons que le salaire minimum est actuellement de 9,90 $ de l’heure et qu’il passera à 10,15 $ en mai prochain.

L’équipe de coordination soutient ne pas avoir eu de contact avec Walmart directement. « Ça commence à être public. C’est sûr que l’article de La Presse  le 1eravril a créé un buzz médiatique. On verra pour la suite. »