Couche-Tard : vers une solidarité syndicale Québec-Norvège

2013/04/18 | Par Maude Messier

Cette semaine, une délégation de la CSN s’est rendue à Oslo pour rencontrer des représentants du Syndicat norvégien des employés de commerce et de bureau (HK), affilié à la plus importante confédération syndicale norvégienne, Landsorganisasjonen (LO).

En avril 2012, Couche-Tard annonçait l’acquisition des quelque 2 300 stations services de l’entreprise Statoil Fuel and Retail, au coût de 2,8 milliards $, faisant ainsi main mise sur ce secteur d’activité en Scandinavie.

HK représente 263 employés syndiqués dans des dépanneurs norvégiens sous cette bannière.

Au Québec, la CSN croise le fer depuis près de trois ans avec Couche-Tard dans une campagne de syndicalisation. À ce jour, une centaine d’employés de huit dépanneurs se sont syndiqués avec la CSN. Deux de ces établissements ont été fermés à Montréal, deux ont été vendus à un franchisé et d’autres ventes ont aussi été annoncées. Aucune convention collective n’a encore été conclue.

« Rarement a-t-on vu au Québec un employeur déployer autant d’énergie pour combattre la syndicalisation. Les employés qui veulent se syndiquer sont obligés de le faire dans la clandestinité par crainte de représailles », a fait valoir le secrétaire général de la centrale, Jean Lortie, dans un communiqué publié en marge de la rencontre à Oslo.

Joint sur place par l’aut’journal, M. Lortie affirme que cette rencontre a été l’occasion de « dresser un portrait des conditions de travail des employés des dépanneurs Couche-Tard au Québec et de la campagne de syndicalisation en cours. Nous avions des mises en garde à faire aux syndicalistes norvégiens quant au modèle d’affaires de Couche-Tard. »

Il ajoute que les représentants de HK se sont montrés étonnés et inquiets des pratiques de Couche-Tard, pourtant cité comme un modèle d’affaires, en matière de relations de travail et du respect des droits fondamentaux, dont le droit à la syndicalisation.

Le secrétaire national de HK-Norvège, Torbjørn Brox Webber, a précisé que « Couche-Tard devra reconnaître les syndicats choisis démocratiquement par ses employés », dans un communiqué conjoint des deux organisations syndicales qui entendent se concerter et unir leurs forces pour défendre les droits des travailleurs.

« Les conditions de travail entre les employés de Statoil en Norvège et ceux de Couche-Tard au Québec n’ont rien à voir. Ils bénéficient d’une convention collective sectorielle et d’un salaire national conventionné. C’est bien au-delà des normes minimales de chez-nous, que Couche-tard ne respecte pas toujours, de souligner M. Lortie. D’ailleurs, cette rencontre a aussi été l’occasion de constater que le cadre législatif, quand à la syndicalisation et aux droits des travailleurs, est à des années lumière de chez-nous. »



Les alliances syndicales internationales, « qu’ossa donne »?


Les représentants de la CSN et de HK ont aussi rencontré le député Thor Erik Forsberg, du Parti travailliste norvégien, qui siège au comité parlementaire sur le Travail et les Affaires sociales.

C’est que l’État norvégien, par le biais du Government Pension Fund-Global, un fonds souverain de 664 milliards d’actifs issus principalement des bénéfices des activités pétrolières norvégiennes, est actionnaire d’Alimentation Couche-Tard. Le fonds détient 0,54% des actions de Couche-Tard, pour une valeur d’environ 50 millions $.

Le secrétaire national de HK fait valoir que l’État doit s’assurer que le GPFG joue un rôle d’investisseur actif auprès de Couche-Tard. Le fonds utilise son influence et son pouvoir d’actionnaire afin d’améliorer les pratiques sociales et environnementale des entreprises, pouvant même aller jusqu’à l’exclusion de certaines entreprises de ses investissements en raison leurs activités non-éthiques. C’est notamment le cas de Walmart depuis 2006.

Jean Lortie confirme avoir bénéficié d’une oreille attentive de la part du député travailliste. « Il a déjà œuvré en milieu syndical, il comprend très bien ce qui est en jeu. En achetant Statoil, Couche-Tard a mis la main sur un marché qui fait le tour de la Mer Baltique, c’est considérable. Suite à cette rencontre, nous allons, à la CSN, monter un dossier complet et exhaustif sur Couche-Tard et sur ses pratiques qui sera remis à HK et à la Commission parlementaire. »

Il confirme que cette rencontre de deux jours à Oslo n’est qu’un début. « C’est évident que ce n’est pas très bon pour M. Bouchard que ses manières de faire soient ainsi connues de tous. »