Biosphère : une mort par asphyxie conservatrice

2013/05/30 | Par Maude Messier

« Je pose la question : est-ce qu’il y a un maire à Montréal pour se battre contre la fermeture de la Biosphère par Harper? Manifestement, il n’y en a pas », s’est indigné Hervé Fisher, président de Science pour tous, à l’occasion d’une conférence de presse organisée par l’Alliance de la fonction publique du Canada, section Québec (AFPC-Québec), pour dénoncer la mort annoncée du musée de l’environnement abrité par la Biosphère de Montréal.

Une soixantaine de personnalités des milieux politique, éducatif, culturel, muséal, scientifique et environnemental ont endossé, mercredi, un texte collectif dénonçant la suite d’évènements qui, en pratique, condamne la Biosphère à l’asphyxie : compressions budgétaires imposées en juillet 2012, modification unilatérale du mandat de la Biosphère par Environnement Canada, mise à pied du personnel et, dès l’automne prochain, installation des employés du service météorologique.

Richard Landry (Conseil régional de Montréal – AFPC-Québec), Hervé Fisher (Science pour tous), Pierre Wilson (Société des directeurs des musées montréalais), Ben Valkenburg (Commissaire à la CSDM), Michel Perron (Société des musées québécois) et Michel Lauzon (Comité central des parents de la CSDM) ont participé à la conférence de presse, mercredi matin, dénonçant d’une même voix la fermeture du musée de la Biosphère.

Une aberration, un « coup fourré » du gouvernement conservateur, une perte « inacceptable » et « innommable », dictée par un dessin idéologique, un parti pris contre la culture scientifique et contre sa diffusion.

Dans les années 1990, Environnement Canada a signé une entente avec la Ville de Montréal, propriétaire du site de la Biosphère, pour 20 millions $. Avec pour objectif initial la mise en valeur, l’observation, l’éco-action et la recherche sur l’eau et l’écosystème des Grands-Lacs et du Saint-Laurent, le musée de l’environnement de la Biosphère ouvre ses portes en 1995. Rapidement, l’institution s’émancipe et s’impose comme le seul musée du genre en Amérique du Nord.

Il accueille 135 000 visiteurs par année, dont 35 000 en provenance des milieux scolaires. Sans compter qu’il s’agit d’une pièce incontournable du patrimoine architectural de Montréal, un lègue de l’Expo 67, entièrement accessible aux visiteurs.

En dépit du fait que l’entente entre la Montréal et le gouvernement fédéral ne prendra fin qu’au 31 décembre 2019, ce dernier annonçait unilatéralement, en juin 2012, ses intentions de mettre fin à la mission éducative et muséale de la Biosphère.
Aucune réaction de côté de la Ville qui se confortait, à ce moment, aux termes de l’entente qui prévoit que la Biosphère doit demeurer un lieu de diffusion scientifique avec un contenu environnemental ouvert au public.

En mars dernier, les employés, syndiqués à l’AFPC-Québec, apprenaient la suppression de leur poste, parfois accompagnée d’une possibilité de réaffectation. Au total, une cinquantaine de personnes (muséologues, éducateurs, animateurs et techniciens, auxquels il faut ajouter les travailleurs occasionnels et les contractuels) sont touchées.

Le syndicat confirme que ses membres auront tous quitté leur poste au cours des prochaines semaines. Des étudiants embauchés pour la période estivale pourront tenir une partie des activités pendant l’été mais, dès septembre prochain, il n’y aura plus de personnel assigné à la muséologie, à l’éducation et à l’animation au musée.

Le gouvernement fédéral prévoit transformer les lieux pour y accueillir les bureaux des météorologues d’Environnement Canada.

L’AFPC-Québec et ses différents partenaires soutiennent avoir sonné plusieurs fois l’alarme et tenté d’interpeler la Ville de Montréal sur l’avenir de la Biosphère, en vain. « Des paroles, des paroles, des paroles. On intervient, aujourd’hui, publiquement, parce que la Ville doit mettre ses culotes et prendre ses responsabilités », de déclarer le dirigeant syndical, Richard Landry.

Le directeur général de la Société du parc Jean-Drapeau, Daniel Blier, confiait au journal Le Devoir, mercredi, que la société s’opposera « à toute réduction de la surface d’accès et des services offerts au public. Et ceux-ci devront comporter un contenu scientifique et ludique d’interprétation ».

À l’AFPC-Québec, on se demande bien comment cela sera rendu possible sans aucun employé sur place, déplorant du même coup que la Biosphère ne soit transformée en une « grosse coquille vide », un « espace clos pour abriter des bureaux ».

La Biosphère est pourtant un emblème de Montréal, tant pour son architecture spectaculaire que pour sa vocation novatrice et la qualité de ses installations.

Cette conférence de presse constituait, en quelque sorte, un ultime appel pour tenter de renverser la vapeur et pour interpeler tous les paliers de gouvernements, y compris les futurs candidats à la mairie de Montréal.

L’apathie de la Ville de Montréal choque les intervenants, tout comme le désintérêt général devant ce qu’ils considèrent être une charge idéologique contre l’environnement, la recherche scientifique et la culture. Si le gouvernement conservateur considère les sables bitumineux comme des ressources renouvelables, on ne donne pas cher d’un musée à vocation environnemental…

Sans revirement de situation, cet été sera le dernier pour visiter la Biosphère sous sa forme actuelle.