Renouveau syndical et action politique : « Notre cœur bat à gauche »

2013/06/11 | Par Maude Messier

Le 35e Congrès du Conseil central Montréal métropolitain-CSN s’est ouvert ce lundi matin, 10 juin. Plus de 400 délégués, visiteurs et invités se réunissent au Palais des Congrès de Montréal cette semaine pour le congrès triennal du CCMM, une occasion de réflexions et de débats qui fixeront les orientations du conseil pour les trois années à venir.

L’actuel président du CCMM, Gaétan Châteauneuf, a ouvert le congrès avec une revue des activités et des actions du conseil, dressant en parallèle un portrait de l’évolution du contexte sociopolitique au Québec et au Canada.

Occupons Montréal, le printemps érable, lutte contre la corruption et la collusion, participation aux consultations environnementales pour le plan de réaménagement urbain de Montréal, lutte contre la précarité, développement et renforcement des solidarités avec les groupes sociaux, populaires et communautaires de la région de Montréal, implication dans la coalition régionale contre la réforme de l’assurance-emploi et soutien aux syndicats affiliés, particulièrement aux unités en conflit de travail, ont marqué les implications du conseil.

Le long lock-out au Journal de Montréal, le conflit puis la fermeture de l’Hôtel Maritime Plaza, la grève qui a cours, depuis un an, chez MAPEI et la campagne de syndicalisation des Couche-Tard font partie des incontournables de cette période.

Mais l’essentiel des discours d’ouverture, tant par Gaétan Châteauneuf que par le président de la CSN, Jacques Létourneau, repose sur le lourd bilan des dérives des politiques de droite, particulièrement avec la réélection majoritaire du gouvernement conservateur à Ottawa, amenant son lot de complications en matière de relations de travail et d’atteintes aux droits des travailleurs : lois spéciales (Air Canada et Postes Canada), C-377 sur la « transparence syndicales », réforme de l’assurance-emploi, C-60 sur la limitation du droit à la négociation collective et, finalement, C-525 sur le vote obligatoire pour les travailleurs sous juridiction fédérale.

Un portrait qui n’est pas tellement plus reluisant au Québec, n’a pas manqué de souligner Gaétan Châteauneuf, avec l’élection du Parti Québécois dans la foulée des évènements des contestations sociales du printemps 2012, lui reprochant d’avoir rapidement oublié et renié ses engagements électoraux au profit de la lutte au déficit zéro, « entraînant des conséquences importantes pour les travailleurs, pour la qualité des services publics et pour la population. »


Des babines aux bottines


Le constat est sans équivoque : le mouvement syndical, ici comme ailleurs, n’est pas au bout de ses peines. Un contexte difficile certes, mais favorable à l’émergence de nouvelles pratiques. Au-delà des sombres constats, la grande majorité des organisations syndicales sont actuellement en phase de réflexions intrinsèques, desquelles naîtront assurément des initiatives.

Le vocabulaire autour du « renouveau syndical » est à l’ordre du jour de la plupart des organisations syndicales. Le présent congrès du CCMM s’inscrit aussi dans cette mouvance, ce qui se traduit dans les présentations, les propositions et même dans les formes que prendront les débats et les échanges entre les délégués, laissant plus de place aux échanges en groupes pour favoriser les discussions et le partage des expériences.

La CSN s’apprête à lancer « Et si on avançait? », une campagne d’information et de sensibilisation élaborée dans une perspective d’éducation populaire. Les délégués du CCMM seront invités à se prononcer sur cette campagne plus tard dans la semaine.

« Mais on ne veut pas simplement que les délégués en entendent parler et se prononcent en faveur au terme d’une résolution du Congrès, ça doit aller plus loin. C’est justement ça, l’idée. Ils doivent discuter et partager des expériences et des idées, voir comment on peut entrer dans les milieux de travail et parler à notre monde, avoir des débats, des discussions. Le conseil est un lieu privilégié pour ça. On veut que les délégués s’inscrivent dans la campagne, y prennent part activement et se donnent les moyens», d’expliquer Gaétan Châteauneuf en entrevue à l’aut’journal.

« Les boss et la droite voudraient bien sortir les syndicats du champs des luttes sociales et politiques. Mais n’est-ce pas justement pour ça qu’on se syndique, pour augmenter notre rapport de force? Ils l’ont compris depuis longtemps, eux. Notre cœur bat à gauche, nous n’accepterons pas ça. Nous lutterons pour l’égalité, la justice sociale, le bien commun, la solidarité et la redistribution des richesses. »


« Quand un travailleur sort de l’usine, c’est un citoyen »


Le président de la CSN, Jacques Létourneau, s’est adressé aux délégués du CCMM avec cette formule consacrée pour rappeler l’importance du « 2e front de lutte » pour arriver à renverser cette tendance qui veut que les organisations syndicales ne devraient se concentrer que sur les négociations et les problématiques en milieux de travail, sans s’occuper d’action politique. Car tel est bien le véritable objectif des attaques conservatrices sous le couvert de la « transparence syndicale ».

« Parce qu’à Québec, le cœur bat pas fort-fort à gauche non plus… On a applaudi quand le gouvernement péquiste a abrogé la loi 12, on a applaudi quand il a abrogé les hausses exorbitantes de frais de scolarité du gouvernement libéral précédant. Mais on a vite déchanté quand il ont présenté leur budget avec le dogme de l’atteinte du déficit zéro, une vieille stratégie néolibérale de Lucien Bouchard de 1996, avec les déficits sociaux et les services perdus que ça entraine. »

La campagne « Et si on avançait? » vise précisément à porter un projet de société bien ancré chez les travailleurs, ceux dont les intérêts fondamentaux ne sont pas représentés en ce moment dans les sphères politiques, ni à Ottawa ni à Québec, de faire valoir M. Létourneau.

« J’étais dans un débat avec quelqu’un de l’IEDM qui soutient que d’abolir le salaire minimum permettrait de créer plus d’emplois. Est-ce que c’est vraiment d’une société comme ça dont on veut? Toutes ces attaques contre l’action politique des syndicats ne favorisent absolument pas les travailleurs et les travailleuses et surtout pas les plus démunis de notre société. Il va falloir faire les débats et faire entendre nos voix. »

Jacques Létourneau indique que la CSN entend répondre politiquement aux attaques conservatrices, « pas de la politique partisane, mais de la véritable action sociopolitique sur le terrain, de l’éducation populaire. Ce n’est pas vrai qu’on va se replier sur les négociations collectives sans tenir compte de la société dans laquelle on vit. »

Les délégués se prononceront cette semaine sur des propositions réunies en six blocs thématiques : une vie syndicale tournée vers l’action, les solidarités et les alliances, combattre la corruption et les pratiques indécentes des capitalistes, un développement respectueux des êtres humains et de l’environnement, une organisation humaine du travail, l’éducation populaire.


Élections sur l’exécutif du CCMM


Jacques Létourneau a aussi profité de l’occasion pour remercier Gaétan Châteauneuf pour ses douze années de service au sein du CCMM, dont six à la présidence. M. Châteauneuf, qui a embrassé le syndicalisme au Syndicat du transport de Montréal (employés de services d'entretien), ne sollicite pas un nouveau mandat.

Le 2e vice-président, Francis Lagacé, tire aussi sa révérence au terme de ce congrès.

Les nominations par acclamation sont prévues pour jeudi après-midi et les élections, s’il y a lieu, sont prévue pour vendredi avant-midi.

Le comité exécutif du CCMM compte cinq postes permanents.