Réplique à Victor-Lévy Beaulieu qui  s'en prend au gouvernement Marois

2013/09/03 | Par Robert Barberis-Gervais

Le numéro de L’aut’ journal du 23 août 2013 nous donne l’occasion de lire un texte de Victor-Lévy Beaulieu intitulé : « Les étudiants, la farce du dindon péquiste ! » - L’Aut’Journal (21 août 2013) Il est normal qu’un écrivain fasse des métaphores mais quand même ! On supposait que l’écrivain de campagne aimait les animaux. VLB se livre ici à son sport préféré depuis fort longtemps :« le PQ bashing ».

En effet, Victor-Lévy Beaulieu a toujours eu le Parti québécois en aversion au point qu’il a déjà suggéré de voter pour Mario Dumont. Cette fois-ci, la gouvernement Marois, mange une raclée. Les anti-Marois ont dû se régaler.

C’est dans la section COUPS DE GUEULE de l’Aut’Journal. Admettons que la polémique est un genre littéraire qui implique certains excès de langage. Mais on peut quand même résumer calmement les exigences qu’il exprime envers le gouvernement Marois, les critiques qu’il fait et les examiner à froid. Ses reproches sont-ils fondés ?

Selon l’amateur de Nietzsche, le gouvernement Marois devrait passer une loi en faveur du droit de grève des associations étudiantes ; ce gouvernement aurait dû offrir « l’amnistie pour toutes celles et tous ceux qui furent arrêtés, presque toujours de façon arbitraire, durant les manifestations étudiantes ! » et devrait modifier « les règlements anti-manifestations ». Parce qu’il ne l’a pas fait, il est à blâmer.

C’est un point de vue qui se défend. On sait que VLB est un grand stratège et qu’on devrait l’écouter pour fixer les priorités du gouvernement : le fait qu’il soit minoritaire est un détail à rejeter du revers de la main. On est ici dans l’absolu de la réprimande. Pourquoi s’embarrasser de tels détails ! Et pourquoi se demander s’il ne pourrait pas y avoir d’autres priorités ?

Puis, emporté par la colère, VLB dérape. Parce qu’il y a eu un jugement contre une association étudiante, il exagère en écrivant que le gouvernement Marois va « laisser le système judiciaire plumer les associations étudiantes » comme si cinquante autres cas étaient pour se présenter, ce qui n’arrivera pas. Même si une loi était votée promulguant le droit de grève pour les associations étudiantes, cela n’empêcherait pas des étudiants qui ont été privés de leurs cours pendant le printemps érable de réclamer le remboursement de leurs frais de scolarité. Cette loi n’aurait pas d’effets rétroactifs. Un juge a donné raison à un étudiant qui a obtenu 1,600$ de son association étudiante. Cela devient un précédent. D’autres étudiants vont faire la même chose. Mais le juge va se baser sur les lois en vigueur pas sur celle que pourrait adopter le Parlement actuel.

Puis, il écrit « pas un mot sur les revendications étudiantes » ce qui est objectivement faux puisque la loi libérale 78 a été abolie et que l’augmentation libérale des frais de scolarité de 82% a aussi été abolie.

Il a écrit que sur les revendications étudiantes, le gouvernement a fait « un virage à 180 degrés » (ce qui est faux) comme « sur l’écologie et les redevances minières » ce qui n’est pas vrai.

Sur l’écologie, le gouvernement a prononcé un moratoire sur le gaz de schiste et fermé Gentilly 2. Ce n’est pas parce qu’il a montré une ouverture sur le pétrole (île d’Anticosti, oléoducs) qu’on peut dire qu’il a fait un virage à 180 degrés. La même chose pour les redevances minières, dossier complexe qu’on ne peut pas régler avec des coups de gueule.

Le dérapage continue quand VLB appelle Léo Bureau-Blouin « bébé Blouin » qui serait complice de tous les reculs du ministre de l’Education Pierre Duchesne, reculs imaginaires. Même pas un mot pour le féliciter d’avoir donné 25% de son salaire à des organismes de son comté. Il faut être sans pitié pour bébé Blouin, un jeune qui fait maintenant partie de la bourgeoisie, et je cite, et « de cette racaille qui siège au Parlement québécois ». VLB est tellement désagréable et méprisant quand il parle de Léo Bureau-Blouin qu’il nous donne la tentation de lui suggérer de donner 25% de la bourse Gilles Corbeil de 100,000$ qu’il a obtenue récemment pour l’ensemble de son oeuvre. Mais c’est une remarque cheap que nous ne ferons pas car VLB n’est pas seulement écrivain, c’est un éditeur et aussi un animateur culturel autour de Trois-Pistoles. Comme écrivain, éditeur et animateur, VLB mérite notre respect même si son coup de gueule est injuste et inexact.

Le coup de grâce est donné à Pauline Marois qui a offert le comté de Viau à Philippe Couillard au lieu de laisser les citoyens décider. « Et la démocratie, alors ? Depuis quand ne laisse-t-on pas au peuple le choix de choisir qui il veut comme représentant ? » Avec une cohérence qui m’échappe, VLB revendique que le peuple puisse choisir son représentant, c’est-à-dire quelqu’un qui fera partie de « cette racaille qui siège au Parlement québécois ». Il faudrait savoir : les députés sont-ils de la racaille ou de dignes représentants du peuple au Parlement de Québec, lieu par excellence où s’exprime la nation québécoise ?

Devant ces dérapages et cette incohérence, la métaphore du dindon et de la farce tourne à vide. Tel est le danger des coups de gueule. Ils servent de défoulement mais quand on les examine de près, souvent ils ne tiennent pas la route. C’est malheureusement le cas de ce dernier texte de VLB daté du 21 août 2013.

En constatant les dérapages, les faussetés et les exagérations grossières, ce texte n’a-t-il pas été publié seulement à cause de la renommée de l’écrivain de Trois-Pistoles !

Comme le chantait Brassens : « Trompettes de la renommée, vous êtes bien mal embouchées ! »

Robert Barberis-Gervais, Vieux-Longueuil, premier septembre 2013


p.s. J’ajoute la remarque suivante.


Je prends les devants. Je ne voudrais pas qu’on dise que si je critique VLB, c’est parce que l’éditeur de Trois-Pistoles a déjà refusé de me publier.
Quelqu’un qui le connaît bien et qui a lu « la Gibelotte et autres essais » que l’éditeur Bernard Frappier a publié sur la Tribune libre de Vigile prétend que j’ai trois défauts rédhibitoires qui s’additionnent contre moi aux yeux de VLB : je suis un enseignant retraité qui a un doctorat en lettres ; je suis péquiste depuis la fondation du Parti québécois ; je suis croyant et chrétien plus précisément catholique.


J’ai trouvé ce commentaire piquant et vraisemblable. Mais je sais que parfois mon style est un peu lourd. Surtout pour ceux (d’habitude ce sont des fédéralistes) qui ne sont pas de mon avis. Mais j’aurais quand même aimé être publié en version papier pour vivre de nouveau le cycle de la production et de la vente d’un livre comme je l’ai vécu sept fois dans le passé. Je me contente de la version électronique sur Vigile, version que j’ai modifiée car un essai, une gibelotte, est perfectible à l’infini.


A l'occasion de son 68è anniversaire de naissance (il est né le 2 septembre 1945), je lui souhaite une bonne santé, de continuer à cajoler ses animaux et d'être plus précis et moins injuste dans ses coups de gueule. Tout ce qui est excessif est sans portée. (Talleyrand)