L’affaire Maria Mourani

2013/10/03 | Par Louis Duclos

L’auteur est l’ex-député fédéral de Montmorency-Orléans ( 1974-1984 )

Dans l’affaire de l’expulsion du Bloc québécois de la députée Maria Mourani, cette dernière et le chef du Bloc, Daniel Paillé, ont tous les deux péché. En ce qui concerne Maria Mourani, ses propos ont été nettement excessifs, notamment lorsqu’elle a prétendu que la charte des valeurs québécoises  était inspirée par un « nationalisme ethnique ».

Or, l’ascension sociale rapide de cette néo-Québécoise d’origine libanaise élue une première fois au Parlement fédéral à l’âge de 37 ans par un électorat majoritairement francophone indique bien que son discours ne tient pas la route.

Par ailleurs, il est regrettable qu’en agissant comme elle l’a fait, elle cautionne en quelque sorte les dérives démagogiques des Taylor, Trudeau et Couillard qui ont eu l’impertinence d’apparenter la charte des valeurs québécoises au non respect des libertés fondamentales qu’on retrouve dans la Russie de Poutine (Taylor), aux États-Unis à l’époque de la ségrégation raciale (Trudeau) et en Arabie Saoudite (Couillard).

Quant à Daniel Paillé, il a erré en décrétant avec une précipitation exagérée la mise au ban de Maria Mourani. En effet, il y a fort à parier qu’au terme du vigoureux débat présentement en cours, la version finale du projet de charte québécoise ressemble passablement à la politique sur les signes religieux ostentatoires qui est celle du Bloc depuis 2007.

Or, si j’ai bien compris, ce n’est rien d’autre que de cette politique que se réclame Maria Mourani. En faisant preuve d’un peu plus de retenue à l’endroit de celle-ci, le chef du Bloc nous aurait fait l’économie d’une saga qui accentue les divisions dans un camp souverainiste déjà fortement fragmenté.

Certes, les déclarations de Maria Mourani relativement au « nationalisme ethnique » étaient condamnables, mais la gravité de l’offense n’a aucune commune mesure avec les conséquences désastreuses de son exclusion du Bloc pour la santé du mouvement souverainiste et la qualité de ses rapports avec les communautés culturelles, et ce pour plusieurs années.

Terminons sur une note ironique: lorsqu’en mars 1981 j’ai fait savoir à Pierre Elliott Trudeau , dans un tête-à-tête presque cordial, que j’allais voter contre son projet de rapatriement de la Constitution canadienne, ajoutant que j’étais conscient que je risquais l’expulsion du Parti libéral du Canada, il m’avait dit ( je paraphrase ): « Je serais malvenu de brimer ta liberté d’ expression au  moment où je suis en train de faire adopter une charte des droits et libertés ».

Tout hostile qu’il ait été aux aspirations les plus légitimes du Québec, il avait au moins le mérite d’être cohérent et de respecter la dissidence politique.