Document : Percé n’appartient pas aux marchands

2013/10/18 | Par Paul Rose, Jacques Rose, Francis Simard, Bernard Lortie


Cette semaine, le 16 octobre, des amiEs de Paul Rose se sont réunis à la Médiathèque de Gaétan Dostie pour assister à l’avant-première du film « La gauche » de son fils Félix, qui relate l’implication de Paul, lors de la dernière campagne électorale, aux côtés de Vincent Lemay-Thivierge, candidat de Québec solidaire.

Le 16 octobre, Paul Rose aurait eu 70 ans. En 1970, c’est tout un cadeau d’anniversaire que lui avait réservé Pierre-Elliott Trudeau en décrétant, ce même jour, la Loi des Mesures de guerre.

Mercredi dernier, Andrée Bergeron, la conjointe de Paul, m’a fait l’honneur de me remettre l’original du Manifeste de la Maison du Pêcheur de 1969, qu’Alain Chartrand vient d’immortaliser avec son film.

Voici le texte de ce Manifeste.

Pierre Dubuc


PERCÉ N’APPARTIENT PAS AUX MARCHANDS !

À la suite des déclarations du nouveau maire de Percé (propriétaire de trois commerces…) à l’effet que les étudiants de Percé constituent un danger pour la préservation des beautés en Gaspésie, nous, résidents de la Maison du Pêcheur, tenons à apporter les précisions suivantes.

Nous ne sommes pas de prétendus hippies, mais tout simplement des Québécois et, comme tels, quel que soit nos revenus, nous croyons avoir le droit de citer sur notre territoire. Si nous avions le moindre doute que notre présence nuit de quelque façon au tourisme, nous partirions au plus tôt.

Nous avons assez le sens des responsabilités pour ne point nuire à une région que le gouvernement ignore depuis toujours et qu’il laisse à toutes fins pratiques entre les mains du tourisme d’élite et sa clique d’exploiteurs.

Si nous restons en Gaspésie, c’est que justement nous croyons « que les beautés que le Créateur a répandues en Gaspésie », comme le dit si bien le maire M. André Méthot, sont en train de s’envoler. Il suffit de rouvrir quelque peu les yeux sur la route 6 pour constater que « les stands de hot dog », les « tourist courts », les « fishing sea », etc. sont en train d’enlever à la région son véritable caractère gaspésien. La Gaspésie se vend peu à peu aux caprices de l’américanisation.

Quand M. Méthot prétend que les étudiants « imposent leur présence inopportune », nous sommes en droit de nous demander à QUI cette présence est-elle inopportune? Est-ce qu’elle l’est aux Québécois nés, vivants et travaillants en Gaspésie pour de maigres salaires, ou n’est-ce pas plutôt aux monopoles constitués par les hôtelleries dans les petites villes et villages?

On peut se demander pourquoi le maire de Percé sent tout à coup le besoin de mettre au grand jour les problèmes économiques de la Gaspésie… Sans doute est-ce pour les mêmes raisons qui l’ont incité, l’an dernier, à se laisser pousser une barbe, alors que cela lui rapportait un profit supplémentaire. Du moins si quelques-uns d’entre nous sommes barbus, ce n’est pas pour « faire pittoresque » et gagner davantage d’argent avec les touristes à la recherche de folklore, mais plutôt parce que nous croyons encore à l’individu et à ses droits.

Si M. Méthot s’occupe de la Gaspésie, alors qu’auparavant, l’été fini, il semblait beaucoup plus intéressé par les chaudes plages du sud, c’est que profiteur depuis toujours d’une situation économique déplorable, il sent aujourd’hui ses intérêts propres dangereusement compromis. Et ils le sont.

La plupart d’entre nous visitons la région pour la première fois de notre vie. Nous avions entendu parler des beautés du paysage et des problèmes économiques de la Gaspésie. Nous ne pensions jamais que la situation pouvait être aussi tragique. Quand on pense à tout ce que reçoivent les grands centres du Québec et, plus particulièrement Montréal et sa région, nous trouvons cela tout simplement écoeurant.

Alors qu’on s’amuse à dépenser des sommes folles pour l’Expo, le stade de baseball, les « congrès à la chefferie » de l’Union Nationale, la Place des Arts (pour les gens « bien »), et les embellissements de toutes sortes, ici, il n’y a même pas d’industries de base, de routes adéquates, enfin il n’y a aucune PLANIFICATION.

Le gouvernement se permet de laisser enlaidir (« Québec laisse faire… ») progressivement le paysage en tolérant non seulement les affichages affreux, mais en remettant entre les mains des commerçants profiteurs le soin de présenter, d’entretenir et même de posséder les beautés du pays. Il faut PAYER pour le BEAU. Seul les RICHES Américains ou les élites locales peuvent se PAYER le luxe de voir les beautés de notre pays. Combien d’ouvriers peuvent aller en Gaspésie?

Quand nous reviendrons dans nos villes (et pour un certain nombre d’entre nous, cela voudra dire des villes de la Gaspésie), on entendra parler de plus en plus de la Gaspésie. Quand le gouvernement s’occupera d’industrialiser la Gaspésie, d’appliquer le plan B.A.E.Q., de planifier le tourisme et, surtout, de le rendre accessible à tous, alors nous nous tairons. Pas avant.

VIVE LA GASPÉSIE AUX PÊCHEURS D’ABORD !

VIVE LES GASPÉSIENS LIBRES !

VIVE LE QUÉBEC LIBRE !

COMITÉ D’ACTION DE LA MAISON DU PÊCHEUR