Libre-échange Canada-Europe : la culture est pleinement protégée? C'est FAUX !

2013/10/21 | Par RQIC


Le ministre du commerce extérieur du Québec, M. Jean-François Lisée, était fier il y a un mois d'accueillir au Québec le secrétaire général de la Francophonie, M. Abdou Diouf. Et pour cause ! Le ministre l'a même souligné sur son blog: http://jflisee.org/un-geant-francophone-nomme-abdou-diouf/

Mais il y a lieu de nous demander si le ministre a bien écouté (et lu) les propos de M. Diouf, alors que le gouvernement du Québec a accepté de soumettre la culture à la logique du marché dans le cadre des négociations d'un accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne (AÉCG), et auxquelles le Québec a participé activement, dans ses champs de juridiction. Un dangereux précédent !

M. Diouf prend bien soin de souligner «toute la pertinence de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles adoptée à l'UNESCO en 2005» face aux divers accords commerciaux qui se négocient, mais il constate aussi «la vulnérabilité de cette Convention et des principes qu'elle veut protéger et promouvoir devant des logiques de marché purement économiques et financières.»

Avec l'AÉCG, le Québec s'est engagé dans un dangereux processus de négociation de la culture, à la pièce, chapitre par chapitre. Le ministre Lisée tentera de nous rassurer en disant que le préambule de l'accord fera référence à la Convention de l'UNESCO, et que les dirigeants de la Coalition québécoise pour la diversité culturelle appuient la démarche de négociations.

Mais cette approche répond à une vision étroite de la culture, centrée entre autres sur les industries culturelles. Comme le souligne M. Diouf, la culture, c'est bien sûr la langue, mais c'est aussi bien plus, «une manière propre de concevoir le monde».

Et M. Diouf d'insister: «Je n'ai pas à vous convaincre, ici à Montréal, de la nécessité de rester vigilants pour éviter que les accords commerciaux ne viennent miner et vider de son sens une Convention âprement négociée et librement adoptée dans le cadre de l'UNESCO.» 

Selon l'annonce faite aujourd'hui d'une entente de principe sur l'AÉCG, seules les industries culturelles seraient protégées. Une exclusion générale et horizontale de la culture aurait pourtant dû être la voie à suivre. Afin de ne rien échapper. Qui peut dire aujourd'hui ce que le dynamisme de nos créateurs de la culture nous réserve demain? Qui aurait pu prévoir l'essor de internet et des nouvelles technologies il y a 20 ans par exemple, quand on négociait l'accord de libre-échange avec les États-Unis et le Mexique? Pour l'ALÉNA, les négociateurs ont été beaucoup plus prudents et ont exclus la culture. Qu'en dire aujourd'hui?

Le processus de négociation de l'accord avec l'Europe a été d'un manque de transparence notoire, menée en secret derrière des portes closes. Un véritable déni de la démocratie. Peut-être nos gouvernements ont-ils peur de la force visionnaire de nos artistes? Car ce sont eux et elles qui, à la fin des années '90, ont lancé le mouvement d'opposition qui a défait l'Accord multilatéral sur les investissements (AMI) qui cherchait à donner des droits excessifs aux multinationales. Il y a donc de l'espoir ! Lorsque nos artistes prendront connaissance des enjeux du projet d'accord avec l'Union européenne (AÉCG), on verra bien leur réaction au moment de constater que l'entente donne le droit aux investisseurs étrangers de poursuivre un État lorsqu'il formule une politique publique qui restreint ses ambitions de profits... peut-être même dans le vaste champ de la culture.


Le stimulant discours de M. Abdou Diouf est disponible ICI.