Une retraite décente? Pas que pour les Labeaume et cie

2013/11/06 | Par Jacques Létourneau


L’auteur est président de la Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Si la CSN a un point en commun avec les Régis Labeaume, Thomas Dorval et Françoise Bertrand, c’est l’urgence d’agir dans le dossier des régimes de retraite. D’ailleurs, dans notre mémoire présenté en août à la Commission des finances publiques, nous insistions particulièrement sur une proposition de mettre rapidement en place un comité de travail réunissant les représentants des employeurs, des organisations syndicales et du gouvernement.

L’objectif : établir une nouvelle méthode de financement des régimes de retraite, et ce, pour le 1er janvier 2014, avec effet pour les évaluations actuarielles du 31 décembre 2013. Pour nous, cette nouvelle méthode doit permettre de trouver l’équilibre entre la survie des régimes à prestations déterminées, la sécurité des rentes promises, la mise en place de nouveaux types de régimes et la capacité des participants et des employeurs d’assumer les risques.

Par ailleurs, vous l’aurez compris, ce qui nous distingue fondamentalement d’eux, c’est la façon de trancher le problème. Depuis que les régimes de retraite éprouvent des difficultés importantes - ce que nous n’avons jamais nié, bien au contraire -, certains représentants d’employeurs et certains maires tentent malheureusement de faire passer les travailleuses et les travailleurs pour des enfants gâtés qui auraient volé les autres avec leur régime de retraite. Pourtant, ces régimes ont été négociés de bonne foi, partout, par tous ! Comment se fait-il qu’ils ne le rappellent jamais ?

Les régimes de retraite de nature privée tout comme ceux des services parapublics - municipalités, universités, etc. -, tels que nous les connaissons, sont depuis des décennies au coeur des conventions collectives négociées. Ils ne constituent en rien un cadeau qu’on aurait fait aux travailleurs, mais une composante importante de leur rémunération. Quiconque a déjà négocié sait que le résultat d’une négociation représente un tout. Lorsqu’un employeur convient avec un syndicat d’une entente, il n’est pas naïf, il sait que celle-ci est globale, il sait ce qu’il signe. Dans son offre, il a fait des choix, partageant l’ensemble de ce qu’il consent entre différents éléments : salaires, retraite, conditions de travail, etc.

Aujourd’hui, n’importe quelle tactique semble bonne pour dénigrer les acquis des travailleurs et faire porter sur leur seul dos les problèmes liés aux dernières crises économiques qui, effectivement, en font peser lourd sur les régimes. Pourtant, ce ne sont certainement pas les travailleurs qui sont responsables des crises financières et économiques mondiales…

Urgence, oui ! Mais finir par faire table rase des régimes de retraite en accordant tellement de pouvoir aux employeurs, à cela nous répondons non ! Mesdames et Messieurs, ayez le courage de débattre avec vos partenaires syndicaux. Le gouvernement n’a pas à s’ingérer dans les relations de travail comme le proposaient les auteurs du rapport D’Amours. Il doit plutôt fournir les outils nécessaires et encourager la conclusion d’ententes négociées là où il y a des syndicats. Tout changement aux règles devra se faire dans un processus démocratique de négociation et tenir compte des ententes qui sont déjà légitimement négociées. Sachez dire et reconnaître que des efforts concluants ont été accomplis dans de nombreux régimes où les parties ont su prendre les problèmes à bras-le-corps et convenir d’ententes négociées afin d’adapter leur régime à leur réalité.

Ce n’est pas en disant non à toutes les solutions mises en avant, sauf les leurs, que nous parviendrons vraiment à innover avec l’objectif d’améliorer substantiellement le niveau de vie des retraités, nouveaux comme futurs. Le gouvernement doit agir avec diligence avant que les détracteurs de notre système de retraite l’emportent strictement par la force, plutôt que par la force de la négociation. Tous ont droit à une retraite décente. C’est un enjeu de société.


Jacques Létourneau - Président de la Confédération des syndicats nationaux (CSN)