Reportage sur le Congrès de la FTQ – Jour 2

2013/11/27 | Par Maude Messier


Lors de cette deuxième journée du Congrès de la FTQ, qui se tient présentement à Québec, on a décrit un contexte inquiétant pour le mouvement syndical, qui mettait la table pour les discussions qui ont suivi en commissions en après-midi.

Ce contexte, c’est l’influence des législations « right to work » aux États-Unis qui s’étend au Canada, ce sont les projets de loi C-525 imposant un vote obligatoire et C-377 obligeant les syndicats à divulguer les sommes allouées à d’autres fins que les relations de travail. Et c’est sans compter qu’avec les résolutions adoptées au dernier congrès du Parti Conservateur, il est désormais évident que la formule Rand sera dans le collimateur.

La formule Rand prévoit que tous les travailleurs bénéficiant des conditions de travail établies par une convention collective doivent payer des cotisations syndicales. Plusieurs États américains ont mis en place des régimes de relations de travail dits de « droit au travail » où les employés n’ont plus l’obligation de payer des cotisations tout en continuant de bénéficier des conventions. Les syndicats ont tout de même l’obligation de les représenter.



Débats en commissions

Divisés en huit commissions, les délégués ont discuté de long en large de l’état des lieux dans leurs organisations face aux attaques de la droite, du rôle des syndicats dans le développement économique et de la création d’emplois au Québec, ainsi que de leur place dans les débats sociaux.

Un rapport du comité des commissions faisant la synthèse des propos des délégués sera présenté en plénière à l’assemblée jeudi matin.

Ce n’est pas un hasard si les attaques de la droite sont au cœur des débats en commissions. Pour avoir suivi les travaux des différentes organisations syndicales au fil des derniers mois, il est évident qu’elles sont toutes en mode réaction. Mais le champ est vaste et les frondes surviennent sur différents plans : dans les milieux de travail, aux tables de négociations, dans les médias, dans l’opinion publique et auprès de leurs membres.

Un représentant d’Unifor 510 a pris le micro pour souligner qu’en quinze ans de travail syndical et de négociation, il avait remarqué à quel point les employeurs sont plus agressifs aux tables de négociations, avec des demandes précises, intraitables, notamment sur la question des régimes de retraite.

Incontournable, la question des médias a été soulevée à plusieurs reprises par les délégués qui, visiblement, n’apprécient pas le traitement qu’a reçu la FTQ au cours des dernières années.

Ils estiment que le manque de discernement entre les syndicats affiliés et la centrale a nui considérablement et injustement à son image auprès de la population et au mouvement syndical en général par ricochet.

« C’est nous le public, on est près de 40% de syndiqués au Québec », lançait l’un d’eux. Si la question des médias et de l’opinion publique est sensible, c’est aussi parce les délégués constatent bien que leurs rangs ne sont pas serrés.

« Il faut se le dire, il y a de nos membres qui attaquent les syndicats et ça, c’est beaucoup plus dangereux parce qu’on a affaire à un gouvernement idéologique. Ils coupent dans les services, nous traitent d’incompétents et ça revient dans le discours de la population », d’exprimer un délégué de l’Alliance de la fonction publique du Canada.

Les syndicats peuvent-ils compter sur une masse qui partage leur point de vue, leurs luttes et leurs préoccupations? La réponse, les délégués la connaissent bien.

« ‘‘Le syndicat n’est jamais là quand on en a besoin’’, ‘‘Le syndicat a tout décidé sans me consulter’’, ‘‘Les cotisations sont trop chères pour les services qu’on a’’, ‘‘Ça va changer quoi de faire des manifs, il n’y en a pas d’argent’’, c’est ça qu’on entend chez-nous dans nos milieux de travail », de relever un représentant du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP-4628).

« Qu’est-ce que nos membres en ont à faire de C-377; ils ne voient pas les conséquences. Les ‘‘right to work’’ non plus, ils ne comprennent pas les impacts, pire, certains pensent que ça va leur servir. On a une job à faire! », d’ajouter un délégué des Métallos 8922.

L’animatrice d’une commission soulignait toute les difficultés qu’elle avait rencontrées dans son milieu de travail à faire signer une pétition contre la privatisation en santé, alors qu’elle s’attendait à ce que ça aille de soi. « ‘‘Bien, on a des assurances, ce n’est pas vraiment grave’’, c’est ça que beaucoup me répondent. »

Et pourtant, Léo W. Gérard, président international du Syndicat des Métallos, soulignait, devant l’assemblée annuelle de l’organisation la semaine dernière à Laval, qu’une assurance santé et médicaments pour une famille coûtait environ 20 000 $ annuellement aux États-Unis. « Ça, c’est 10$ de l’heure aux tables de négos. »

Plusieurs des interventions soulignaient que l’individualisme ambiant a des effets concrets sur la vie syndicale. Un constat se dégage : les solutions passent par l’action politique. Prendre contact avec les membres, expliquer comment les politiques antisyndicales des conservateurs sont une menace réelle à leurs conditions de travail et combattre les idéaux néolibéraux qui utilisent les syndicats comme boucs-émissaires des maux économiques de la société.

« Les gens, nos membres, comme la population, ne sont pas des imbéciles, il faut expliquer les choses. » Encore faut-il être entendu.


Résolutions du jour

Entre autres résolutions adoptées par le Congrès aujourd’hui, notons une proposition qui témoigne d’une volonté d’ouverture et de création de liens entre les organisations syndicales et les groupes communautaires, dans une perspective de lutte commune.

Les délégués se sont prononcés en faveur du fait que la FTQ, les conseils régionaux et les syndicats affiliés invitent des groupes communautaires à suivre de la formation syndicale avec leurs membres. Une proposition qui a été mise de l’avant par plusieurs syndicats ainsi que par les conseils régionaux du Montréal Métropolitain et du Saguenay.

En lien avec le développement de solidarités et reconnaissant que les revendications du mouvement Idle no more sont dans l’intérêt de toute la population, les délégués souhaitent que la FTQ appuie et fasse la promotion des revendications et des actions de mobilisation mises de l’avant par le mouvement.



Le 30e Congrès en bref

Rappelons que quelque 1200 délégués sont réunis au Centre des Congrès de Québec à l’occasion du 30e Congrès statutaire de la FTQ.

Ce congrès sera nécessairement marqué par la tenue d’élections, le président actuel, Michel Arsenault, ne sollicitant pas un autre mandat.

Les mises en candidatures se sont conclues lundi en fin de journée, confirmant que Daniel Boyer sera le seul candidat à la présidence.

Claude Généreux avait annoncé son intention de briguer la présidence il y a trois semaines. Hier, il a annoncé qu’il se présentait plutôt au poste de secrétaire général, contre Serge Cadieux, le candidat du tandem Boyer-Cadieux.

L’élément surprise de la journée de lundi, c’était la candidature du président du Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal (scfp-301), Michel Parent.

Les élections à scrutin secret auront lieu vendredi avant-midi.

Photos : FTQ.