L’implantation du nouveau cours d’histoire du Québec contemporain au collégial

2014/02/04 | Par Mario Beauchemin

L’auteur est président de la Fédération des enseignantes et enseignants de cégep (FEC-CSQ) et professeur d’histoire au cégep de Sainte-Foy

Le 13 décembre dernier, la Direction générale de l’enseignement collégial du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie (MESRST) adressait une lettre aux différentes directions des études des 48 collèges du Québec, afin qu’elles se prononcent sur les modalités d’implantation du nouveau cours d’histoire du Québec contemporain : clarté de l’objectif et du standard, définition de la période historique correspondant au Québec contemporain [sic], identification des disciplines susceptibles de l’enseigner, etc.

Les orientations déjà arrêtées dans ce canevas de consultation soulèvent de nombreuses questions relatives à la qualité de la formation des étudiantes et étudiants et aux conditions de travail de plusieurs enseignantes et enseignants.


La suppression d’un cours de la formation générale complémentaire

À la lecture de cette lettre, il est parfaitement clair que le gouvernement du Québec ne compte pas investir de nouvelles ressources pour faciliter l’implantation de ce nouveau cours. En effet, l’intégration de ce cours d’histoire du Québec contemporain à la formation générale commune se ferait « sans ajout d’unités ni de périodes d’enseignement ». En d’autres mots, il remplacera un cours de la formation générale complémentaire (FGC).

Or, cette composante de la formation collégiale est fort malmenée depuis la réforme Robillard du milieu des années 1990, où le nombre de cours est ainsi passé de 4 à 2. La suppression d’un autre cours de la FGC affaiblira la formation collégiale, en privant les étudiantes et les étudiants, comme le soulignait le Rapport Parent en 1964, « […] d’un dernier contact en profondeur avec les autres ordres de connaissances ».

En s’appuyant sur une vision humaniste de l’éducation, les commissaires recommandaient d’ailleurs de consacrer un tiers du programme des étudiantes et étudiants à des cours complémentaires ou connexes, afin d’éviter une surspécialisation et une étanchéité entre les univers intellectuels.

La disparition d’un cours de la FGC aura aussi un impact négatif majeur sur l’emploi et la tâche de plusieurs enseignantes et enseignants du réseau. Selon les chiffres compilés par la Fédération, l’équivalent d’environ 430 enseignantes et enseignants à temps complet offraient des cours à la formation générale complémentaire en 2011-2012, et ce, dans plus de 80 disciplines.

Plusieurs enseignantes et enseignants comptent sur ces cours pour compléter leur tâche ou, tout simplement, pour travailler. La suppression d’un de ces cours entraînera donc, d’une part, la création de mises en disponibilité chez les enseignantes et enseignants permanents, et, d’autre part, la réduction de la charge de travail ou la perte d’emploi chez les enseignantes et enseignants à statut précaire.

Même en permettant à d’autres disciplines (comme la sociologie et la science politique) de donner le nouveau cours d’histoire –  le ministre privilégie cette voie –, la situation des enseignantes et enseignants qui offrent des cours complémentaires demeurerait extrêmement précaire.

On voit mal comment des profs de psychologie, de mathématiques, d’espagnol, de biologie ou de chimie, par exemple, qui comptent sur ces cours pour enseigner, pourraient offrir ce cours, à moins que les collèges décident d’en faire un outil de gestion du personnel enseignant.


Un cours de nature multidisciplinaire

En demandant aux directions des études d’identifier les disciplines qui seraient susceptibles d’enseigner ce nouveau cours d’histoire, le ministre semble opter pour un cours multidisciplinaire.

Il existe déjà dans le réseau des cours de nature multidisciplinaire. Ainsi, dans le programme de Sciences humaines, les cours de méthodologie sont enseignés par plusieurs disciplines du programme, et dans certains collèges, par des enseignantes et enseignants de mathématiques. Ces cours permettent aux directions de gérer avec une certaine flexibilité le personnel enseignant. Ailleurs, au cours de l’élaboration de nouveaux programmes, entre autres, certains collèges ont permis à deux disciplines d’enseigner le même cours, et ce, pour des raisons à la fois pédagogique et administrative.

Nous parlons toutefois ici d’un cours d’histoire obligatoire qui ferait partie intégrante, au même titre que les cours de philosophie, d’anglais, de littérature et d’éducation physique, de la formation générale commune. En permettant à plusieurs disciplines de donner le cours d’histoire du Québec contemporain, le gouvernement du Québec provoquerait un dangereux précédent en déclassant notre profession, dont la pratique et la protection s’appuient sur la maîtrise disciplinaire : répartition des cours, processus d’embauche, cumul de l’ancienneté et obtention de la permanence.

La FEC et la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) sont favorables à l’implantation d’un nouveau cours d’histoire. Cependant, pour des raisons à la fois pédagogique et syndicale, nous demandons au ministre, Monsieur Pierre Duchesne, de maintenir l’intégralité de la FGC, d’investir les ressources nécessaires à l’implantation du cours d’histoire du Québec contemporain, de clarifier le devis actuel de ce cours de façon à ce qu’il respecte la nature disciplinaire de notre profession, et de reporter d’un an l’implantation de ce cours. De cette manière, croyons-nous, l’intégration de ce nouveau cours dans le parcours des étudiantes et des étudiants serait beaucoup plus harmonieuse pour tous les acteurs impliqués dans ce projet.