Soins à domicile : le plan de soins doit rester dans le réseau public, dit la CSN

2014/04/11 | Par Maude Messier

« Ça fait plusieurs années qu’à la Fédération de la santé et des services sociaux, nous soulignons la journée nationale des ASSS, le 11 avril. Cette année, dans le contexte de la mise en place de l’assurance-autonomie, nous pensons qu’il y a urgence de reconnaître leur travail », d’indiquer le vice-président de la FSSS-CSN, Guy Laurion.

La FSSS organise des actions de visibilité dans toutes les régions du Québec aujourd’hui, 11 avril. À Montréal, des dizaines de manifestants, auxiliaires aux services de santé et sociaux (ASSS) et autres syndiqués du réseau de la santé, sont attendus devant le CSSS Jeanne-Mance sur l’heure du midi.

En entrevue à l’aut’journal, Guy Laurion explique que la FSSS s’inquiète de l’implantation du projet d’assurance-autonomie et du développement des soins à domicile tel que prévu par le gouvernement péquiste.

En plus de menacer le travail des ASSS, certains soins et services pourraient faire l’objet d’une contribution de l’usager. Une tarification qui compromettrait le caractère universel des soins de santé pour la portion dispensée à domicile, selon la FSSS.

Et l’élection d’un gouvernement libéral n’a rien de rassurant à ce sujet, indique Guy Laurion. « On sait que les libéraux ont une tendance forte vers le privé. Je vous mentirais de vous dire qu’on est rassuré. »

Au cœur du projet du virage des soins à domicile, c’est la possibilité qu’auront les CSSS de sous-contracter des services réguliers d’assistance personnelle, notamment l’assistance aux activités de la vie quotidienne (AVQ), auprès d’entreprises privées, d’entreprises d’économie sociale et de groupes communautaires. Ce à quoi la FSSS s’oppose fortement.

« Pour nous, la ligne devrait être que tout ce qui est relié au plan de soin doit rester public. Et le recours aux entreprises d’économie sociale en aide domestique dans le volet de l’aide à la vie domestique (AVD) ne devrait être permis que lorsqu’il est complémentaire et non concurrentiel au réseau public. »

De façon générale, les soins et services impliquant un contact physique (bains, changement de couche, hygiène, transfert physique, suivi) sont dispensés par les quelques 5 000 ASSS du réseau public. Les services d’aide à la vie domestique (AVD), tels que le ménage, les courses, la préparation des repas, lorsqu’ils ne sont pas liés au plan de soins, sont souvent assurés par des «partenaires» des CSSS.

Pour Guy Laurion, l’objectif n’est pas de faire la guerre aux entreprises privées et d’économie sociale, mais simplement de « s’assurer que les bonnes personnes sont aux bonnes place. » Il voit d’un mauvais œil que des actes, des soins et des services sortent du giron de l’équipe de soin.

Les ASSS sont le chaînon entre l’usager et les équipes de soins, « leurs yeux et leurs oreilles », soutient-il. Elles participent à l’élaboration du plan de soin avec d’autres intervenants, assurent sa mise en œuvre, voient l’évolution. Un rôle qui sera appelé à disparaître au profit de différents intervenants selon la logique de l’assurance-autonomie, ou confiné uniquement aux cas les plus lourds. Les autres usagers devront se tourner vers les services du privé.

Un non sens pour Guy Laurion, qui rappelle qu’il s’agit d’une clientèle vulnérable. « En confiant les tâches des ASSS à d’autres prestataires, on banalise un travail complexe auprès de personnes vulnérables. Ce sont bien souvent des gens dans le besoin et on entre dans leur intimité. Il faut faire attention. La stabilité est essentielle, tant pour le suivi que pour le lien de confiance. »

Bien que demeurant sous gestion publique, les soins et services dispensés par le secteur privé, communautaire ou par les entreprises d’économie sociale poseront des problèmes de contrôle de la qualité, notamment en raison de la formation.

« Les ASSS reçoivent une formation de 975 heures, sans compter la formation continue. Ce qui n’est pas le cas en dehors du réseau public. Réjean Hébert [ministre de la Santé sortant] a déjà mentionné qu’il faudrait rehausser la formation et les conditions de travail de ces travailleuses. Pourquoi alors ne pas maintenir ces services dans le réseau public ? Les conditions sont plus avantageuses dans le réseau public. La principale raison pour transférer ces services au privé, c’est le coût de la main-d’œuvre moins élevé. »

La continuité dans le suivi du plan de soins et dans l’information n’est pas un luxe. Bien articulée, elle est la clef de la prévention et permet de mieux évaluer et adapter les soins à domicile. C’est précisément ce qui est en jeu avec l’introduction de l’assurance-autonomie et de la sous-traitance de tout un pan de services selon la FSSS.

« Ce dont on se rend compte, c’est qu’il y a véritablement une méconnaissance du travail et du rôle des ASSS dans le réseau, de leur travail concret sur le terrain. C’est pour ça qu’on fait ces actions de visibilité. Et pour rappeler au nouveau gouvernement que le développement des services à domicile doit se faire en misant sur les ASSS et non pas sur le privé. »