Retraite : Front uni des pompiers, policiers et employés municipaux

2014/04/16 | Par Maude Messier

Un peu plus d’un millier de pompiers, policiers et employés municipaux réunis en assemblée extraordinaire au Palais des Congrès de Montréal ce mardi ont adopté à l’unanimité une résolution réaffirmant leur intention de trouver des solutions aux déficits de leurs régimes de retraite par la voie de la libre négociation.

La Coalition syndicale pour la libre négociation a été formée le 20 mars dernier dans la foulée des forums de travail en vue de la restructuration des régimes de retraite du secteur municipal. Cette coalition inhabituelle regroupe plus de 50 000 membres.

Les dirigeants syndicaux des organisations membres n’ont d’ailleurs pas manquer de souligner le caractère «historique» de cette assemblée qui réunissait pour la première fois un si large pan de d’organisations syndicales du milieu municipal.

Ce premier rassemblement de la Coalition visait essentiellement à lancer le plan d’action, à marquer le coup d’envol d’une campagne de mobilisation et à lancer un message au nouveau gouvernement du Québec ainsi qu’aux maires. Les syndicats n’entendent pas se laisser imposer les conditions de restructuration de leurs régimes de retraite.

« Nous talonnerons l’UMQ [Union des municipalités du Québec] et répliquerons coup pour coup à la démagogie qui se fait sur notre dos. Le temps est venu de nous faire entendre et la Coalition est là pour rester! », de lancer le porte-parole de la Coalition, Marc Ranger.

Échaudé par le projet de loi 79 sur la restructuration des régimes de retraite du secteur municipal présenté par le gouvernement péquiste en février, les membres de la Coalition répètent qu’un projet de loi n’est pas nécessaire et que c’est par la voie de la négociation que les solutions doivent être amenées.

Marc Ranger déplore qu’à l’heure actuelle, de nombreuses municipalités « s’assoient sur leurs lauriers et ne négocient pas, en attendant la loi bulldozer. »

En campagne électorale, Philippe Couillard s’est prononcé en faveur d’une législation qui encadrerait et baliserait les négociations des parties pour une période d’un an. Au-delà de ce délai, c’est à un arbitre que reviendrait la tâche de trancher.

« Ce n’est pas ça négocier. C’est comme si je vends ma maison et je vous dis qu’on va négocier, mais qu’en bout de ligne, je vous la vendrai quand même 500 000 $! », de lancer le président de la Fraternité des policiers et policières de Montréal, Yves Francoeur.

L’aut’journal a pu assister en exclusivité à l’ensemble des échanges de l’assemblée. Deux éléments ressortaient des interventions dans la salle. D’abord, l’enthousiasme des syndiqués quant à la mise sur pied de cette coalition et l’unanimité face au plan d’action proposé.

Puis, la frustration et le sentiment d’injustice. L’impopularité du discours syndical et l’incapacité à faire passer leur point de vue, spécialement dans les médias, constituent visiblement un élément de grogne.

Plusieurs ont dénoncé la politisation du dossier des régimes de retraite, le discours biaisé entourant « la capacité de payer des contribuables » et l’image de « gras durs » qui leur colle à la peau.

Par la force du nombre, la Coaliton municipale cherche donc à s’imposer comme un interlocuteur incontournable qui ne saurait être ignoré par le nouveau gouvernement du Québec.

Frédéric Hanin, professeur agrégé du département de relations industrielles de l’Université Laval et conférencier invité, dénonce aussi que les régimes à prestations déterminées, un patrimoine collectif dûment négociés qui répond à des besoins collectifs, soient attaqués sous prétexte du contexte de la crise financière de 2008 et du modèle d’affaires des municipalités, emprunté aux entreprises : restructuration, diminution des coûts du travail et de la main-d’oeuvre.

Il estime aussi que le projet de loi 79 déposé par le Parti Québécois avant les élections comportait des pièges à la négociation, dont les contraintes fixées dès le départ, telles que l’obligation de partager à parts égales entre les syndiqués et les villes les coûts courants des régimes.

« Le partage des coûts est imposé et non négociable, mais les améliorations et les réserves, par exemples, ne sont pas obligatoires pour l’employeur. Il est important de négocier en dehors de ce cadre

Il souligne que la sous-traitance, les départs à la retraite anticipés, les réductions de personnel et les fermetures d’établissements sont des prérogatives des employeurs qui ont pourtant des répercussions importantes sur les régimes de retraite. Ainsi, un partage 50-50 devrait aussi impliquer une révision de la gouvernance des régimes.

À son avis, les dimensions techniques et financières du dossier des régimes de retraite font en sorte que les chiffres prennent beaucoup de place, et les disputes autour de ces chiffres, évacuant complètement la vision des syndiqués, celle de la négociation et des conditions de travail. Autrement dit, ce sont deux paradigmes qui ne partagent pas le même langage.

En résulte un sentiment d’injustice chez les syndiqués, d’ailleurs très évident dans les interventions en assemblée ce mardi. Et c’est ce point de vue que veut porter sur la place publique la Coalition et faire la démonstration qu’il est possible d’arriver à des ententes en dehors de l’imposition d’un cadre législatif.

« La négociation, pas la confrontation », c’est le slogan de la Coalition. Mais à défaut d’être entendue, c’est résolument sur le terrain de la confrontation que s’avanceront les syndiqués, comme en témoigne le plan d’action adopté hier.

Le prochain rendez-vous de la Coalition est prévu le 24 avril prochain devant les bureaux de l’UMQ, à Montréal, pour une manifestation sur l’heure du midi. Une grande manifestation provinciale à Québec sera organisée à l’ouverture de la session parlementaire. Les organisations membres de la Coalition comptent aussi se faire entendre au Congrès de l’UMQ, à Gatineau, le 22 mai prochain.

La Coalition mènera aussi des actions ciblées auprès d’élus responsables du dossier des régimes de retraite, ci-tôt le conseil des ministres formé.

Des actions ponctuelles en mai et en juin, advenant le dépôt d’un projet de loi, seront organisées pour augmenter la pression. « L’objectif, c’est qu’il n’y en ait pas de projet de loi », de rappeler Marc Ranger.

La Coalition est formée du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP-FTQ), de la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec, de la fraternité des policiers et policières de Montréal, du regroupement des associations de pompiers du Québec, du Syndicat des pompiers et pompières du Québec (FTQ).


Photo : SCFP - Michel Chartrand