Morts de peur, morts de rire

2014/04/17 | Par Michel Rioux

Mercredi, 9 avril. 6 h 30. Au club de tennis, le propriétaire de plusieurs magasins d’une chaîne pancanadienne d’articles de sport n’a pas encore dérougi. Le soir des élections, 36 heures plus tôt, il se trouvait à Vancouver ou se tenait une assemblée de tous les propriétaires et de leurs épouses. Un grand souper, suivi d’un bal.

En raison du décalage horaire, les résultats étaient connus à 18 heures. « De toute ma vie,  je n’ai jamais vu autant de dents blanches et de mines resplendissantes ! », rugit notre homme en racontant comment, dans le ROC, la victoire des libéraux était reçue avec un soulagement qui lui est apparu particulièrement insupportable, même pour un Québécois qui n’avait pas voté pour un parti souverainiste. Jusqu’à l’annonce des résultats, me confie le collègue de tennis, l’inquiétude était palpable. Une fois la chose sue, morts de rire qu’ils étaient, à Vancouver.


Et pourtant !

Moins d’un mois plus tôt, quand PKP a annoncé sa candidature, l’effet dans le ROC avait été foudroyant. Le vent du boulet indépendantiste, qui les avait défrisés en 1995, leur sifflait de nouveau aux oreilles. Unanime, le ROC voyait déjà le Québec quitter le bateau canadien. Morts de peur qu’ils étaient, partout dans le ROC.


Qu’en penser ?

D’abord ceci. Ceux qui persistent à croire que le Québec deviendrait indépendant, par la force des choses et sans coup férir en quelque sorte, le jour où le ROC nous mettrait à la porte en nous signifiant nous avoir assez vus, ceux-là vont devoir déchanter.

Il faut se faire à l’idée que si nous devons devenir un pays, cela sera de notre propre fait. Il nous faudra l’avoir décidé nous-mêmes. Ce qui, avouons-le, surtout depuis le 7 avril, apparaît plutôt difficile merci !

Mais plus encore. Il y aurait anguille sous ROC que la chose ne m’étonnerait pas…


Voyons voir.

Nous serions un peuple de quêteux. Un peuple qui vivrait aux crochets des provinces canadiennes. Un peuple entretenu, qui se paierait des programmes de luxe avec de l’argent venu d’ailleurs, de l’Alberta ces temps-ci. Un peuple de quêteux à cheval, rien de moins, comme l’avait écrit il y a 50 ans le directeur du Devoir, Gérard Filion.

La vraie définition d’un parasite, en quelque sorte, dont le Robert dit qu’il s’agit d’un « organisme qui vit aux dépens d’un autre ». Des parasites qui, en plus, passent leur temps à se plaindre. C’est à peu près ce que nous en a dit l’ineffable Denis Lebel de Roberval, s’inscrivant ainsi dans la longue lignée de ces Québécois ayant épousé sur la scène fédérale tous les préjugés canadiens à l’endroit du Québec.

Ne vous est-il jamais venu à l’esprit l’allégorie suivante ? Quelqu’un s’est installé dans un grand logement partagé avec plusieurs locataires. Le gars se plaint sans cesse, étant données ses prétentions quant à son statut dans le groupe, de n’être pas traité comme il le devrait. Il mène un train de vie bien supérieur à ses moyens, finançant ses sorties avec de l’argent qu’il emprunte aux autres locataires.

Un vrai profiteur, qui ne dit jamais merci pour tout ce que ses voisins lui fournissent en termes de moyens et de services. Ces autres locataires qui se tuent au travail et qui se vident les poches pour que lui, qui se tire un rang, puisse s’adonner à ses frivoles occupations. Une cigale dépensière entretenue par des abeilles besogneuses.

Or il arrive un jour que ce locataire exécrable annonce aux autres locataires son intention de quitter les lieux. S’en réjouissent-ils, ce qui serait tout à fait normal et dans l’ordre des choses ? Pas du tout ! Ils l’implorent de demeurer avec eux. Ils organisent même une sorte de Love In devant sa fenêtre pour lui crier leur amour.


Qu’en penser ? Ceci.

Malgré ce qu’il en dit de la péréquation, des transferts et autres questions dites constitutionnelles, le ROC a une peur bleue de voir le Québec marcher un jour tout seul. Les dents blanches de Vancouver, le 7 avril, en témoignaient éloquemment : le ROC sait qu’il lui faut plus que Don Cherry pour se différencier des USA et exister…

Ce qui ne règle pas notre propre problème, loin s’en faut. Il faudra bien un jour finir par se brancher. À cet égard, Jonathan Livernois, un jeune essayiste spécialiste de la pensée de Pierre Vadeboncoeur, dans un livre lancé le… 9 avril et qui affiche un titre prémonitoire : Remettre à demain ! écrit : «Les combats perdus, lesprochaines fois réitérées sans relâche, les projets inachevés encombrent le pas de notre destin. Rien n’est jamais tout à fait fini au Québec. »

Dans ces jours plutôt sombres, pensons à Rostand, qui fait dire à son Chantecler de coq : « C’est la nuit qu’il est beau de croire en la lumière. »


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