La souveraineté certes, car…

2014/04/24 | Par Michel Pagé

La scrutation de l'état des lieux aux lendemains de la défaite du PQ aux élections semblerait suggérer la prédominance d’un processus de dévitalisation de l’option souverainiste.

Admettons déjà que le PQ a contribué à se battre lui-même par un certain nombre de tactiques électoralistes peu prisées de l’électorat.

Le phénomène de fond relève d’une composition multiparamétrique: la non-transmission des valeurs et de la mémoire vive d'une société distincte, certes; l' évolution de la situation politico-économique du Québec au sein du Canada; l'évolution mondialiste; la propagande de la société ouverte, ouvertement acquise à l'anglomanie; le cynisme de la population, et dès lors une propension, en dépit du dossier PLQ/corruption, à aller vers l’option qui conforte le plus et bouscule le moins, etc.

Mon intention ici est de mettre en lumière des éléments d’un argumentaire qui fait que l’option souverainiste serait plus incontournable qu’il n’y paraît momentanément.

La lecture de chroniques de la Presse ( la souveraineté) une idée dépassée ( 1/2), de Madame Gagnon, et autres de l’équipe éditoriale ), malgré la présentation d’éléments intéressants et contributifs au débat, révèle un certain biais auquel la Presse nous aura malheureusement habitués, brisant souvent la ligne ténue entre éditorialisme et propagandisme…


Le propagandisme de la Presse

La Presse se confond en propagandes à chaque fois qu’elle lie l’option fédéraliste à l’anéantissement de la valeur identitaire de la langue et de la culture française; qu’elle réduit la volonté d’affirmation identitaire à une forme de manifestation pleurnicharde; qu’elle l’associe à une forme ringarde de l’indépendantisme; qu’elle discrédite des exigences normales d’intégration positive à la langue et à la culture identitaire de la société canadienne-française et québécoise.

La langue identitaire fonde le socle de la pensée créatrice originale, elle établit le fondement d’un peuple distinct. La Presse se transmute en propagandiste à chaque fois qu’elle fait l’équivalence entre société ouverte et anglomanie, qu’elle traite de la souveraineté comme d’une manifestation close contraire à l’esprit d’une société ouverte anglomane.

Certes, cela est efficace et aura contribué à faire entrer dans les esprits une forme de rejet de leur propre culture par les Québécois eux-mêmes, mais que cela est navrant sur le plan de l’honnêteté intellectuelle et de l’humanisme!

Les faits sont les faits, et la chute de la vitalité (poids et ascendance) de la langue française au Canada et dans toute la grande région de Montréal se vérifie de recensement en recensement.

La Presse le nie, voyant dans une donnée statique du nombre de locuteurs une confirmation de sa thèse nihiliste. Cette attitude alimente alors un climat de dissensions sociales, là où devrait prévaloir une vitale cohésion sociale…

Ainsi la souveraineté-association est nécessaire pour stopper net le genre de climat de chicanes que la Presse entretient et prendre action définitive sur des mesures normales pour le renforcement de la langue et de la culture identitaires.


Une option impérative  

Il est faux de prétendre que l'idée de souveraineté-association serait dépassée parce que les injustices contre les Canadiens-français seraient choses du passé. La forme est différente, mais les injustices toujours aussi actuelles, vives et poignantes pour qui veut affirmer sa culture distincte au sein du ROC.

Les taux d'assimilation dans l'Ouest dépassent les 50%. L'immigration est anglophone ou anglotrope à quelque 90% et, à terme, à la deuxième génération, la quasi-totalité des immigrants du ROC passe à l'anglais...

Déjà un argumentaire solide pour la souveraineté-association pourrait être construit autour de ce thème essentiel pour qui veut ne pas s’aveugler volontairement. Une préoccupation humaniste pour les cultures et les langues sous la menace de l'anglais,''the language killer'', font de la souveraineté une voie incontournable.

Revenons sur le premier paramètre liant la chute de l’appuie à l’option souverainiste aux lacunes sur le plan de la transmission à la jeunesse de la mémoire vive du pays…

Au sein de notre État-providence, un rite de passage à la responsabilité envers les concitoyens ne se fait littéralement pas. Force est aussi de constater que la transmission de certaines valeurs ne passe pas, dont des valeurs liées à la culture religieuse et à la langue identitaire, pourtant des fondements de la cohésion d'un peuple; que cela étant, une cohésion sociale et une responsabilité civique se perdent.

Dit autrement, les grandes nations démocratiques développent l’amour de la Patrie… Et dis-moi quel est ton amour et je te dirai qui tu es! Et si tu n’en as point, tu sauras dans ton fort intérieur la grande solitude de la fragmentation de l’être identitaire… Ne laissez pas les certitudes qui émanent du sentiment supérieur de la Patrie se dissoudre ou se disperser au vent d'idéologies nihilistes ou tout simplement de considérations systématiques pourtant réconciliables sous l’éclairage de la foi en la solidarité de tous pour chacun et des uns pour les autres, et la jeunesse sera là de nouveau à vouloir vivre debout

L’option souverainiste, à toutes choses égales, aurait le mérite, sinon de régler un ensemble de problèmes culturo-linguistiques, du moins d’inscrire l’avenir de la langue française en Amériques sur une trajectoire définitivement plus favorable car la nation canadienne-française ne peut compter sur une structure organisationnelle étatique unique et des politiques totalement et exclusivement vouées à la protection et au rayonnement de sa langue et de sa spécificité culturelle et sociale.

Le multiculturalisme canadien constitue une hypocrisie car, au-delà du discours, son action soustend à terme une assimilation à la langue et à la culture anglo-canadienne.

L’anglomanie et la l’intolérance factuelle de l’idéologie du multiculturalisme anglotrope canadien1 que M. P. Couillard insuffle un peu plus au PLQ s’inscrit déjà en faux contre l’héritage constructif d’un M. Robert Bourassa ou d’un M. Claude Ryan*. Une prise de conscience n’est pas exclue pour l’homme intelligent, et le jugement critique est quelque chose qui s’acquiert à qui ne s’aveugle pas volontairement!


Le piège du bilinguisme social

L’histoire des langues instruit clairement qu’une société bilingue ne se perpétue pas sur de longues périodes. La dynamique fait qu’une langue s’estompe alors que l’autre prend le dessus. Cette dynamique opère sous moult paramètres de la vitalité des langues.

L’histoire des langues nous apprend que la vitalité tient plus aux avantages, notamment en tant qu’outil de l’imagination créative et de l’adaptation aux nouveaux impératifs. Observons qu’actuellement rien du globish n’annonce l’émergence d’un homme aux capacités intellectuelles décuplées ni même simplement renouvelées : la généralisation de l’anglomanie annoncerait plutôt un appauvrissement de l’humanité…

Une société où tous les membres d’un groupe parleraient la langue de l’autre groupe alors qu’une faible proportion de ce dernier parlerait la langue du premier mènerait à la suppression du premier par l’autre, tel le révèlent la disparition des communautés francophones de la Nouvelle-Angleterre, le taux d’assimilation au Canada-anglais, la disparition à terme de presque toutes les langues amérindiennes du Canada-anglais.

La dynamique est accentuée par l’intolérance de l’anglais, un langage killer de facto, inéluctablement. Plus largement encore, l’histoire des langues révèle toujours le même processus, qu’aucune aucune communauté bilingue n’est stable, à moins d’être protégée par des barrières politiques assurant l’équilibre ou conférant à une langue un statut national immuable.

Ainsi, en dépit du refus de recevoir et d’entendre la vérité d’expériences, l’argumentaire propagandiste du bilinguisme à sens unique mène à l’anglicisation progressive, puis à l’assimilation.


Une force d’attraction relative

Avec une diversité ethnique aussi étendue, Toronto, Calgary et autres villes n'éprouvent pourtant pas de difficulté à réaliser l’intégration à la langue anglaise.

Ici, à Montréal, une nouvelle forme d'anglomanie tisse un climat contraire à l'intégration à la langue française. L'intégration au français, langue commune de cohésion sociale, semble maintenant même incertaine en milieu scolaire montréalais, ce qui annoncerait alors une forme de désintégration assez semblable à ce qui se passe là où le français est minoritaire, et qui préside ailleurs à une forme de transfert à la langue anglaise.

Dans un tel contexte, le programme improvisé d'anglais intensif pour tous, et répondant à l’esprit d’infériorisation psycho-social induit dans l’opinion populaire par différents agents de désintégration, souhaité par le PLQ viendrait définitivement enlever au français sa force d'attraction relative en tant que langue commune de cohésion sociale.

Telle est la nature de la dynamique de la vitalité des langues (UNESCO.La vitalité et le danger de disparition des langues)


En définitive

L’affirmation de Robert Bourassa aux lendemains de l’échec du Lac Meech devrait constituer un phare pour le PLQ, soit : ‘’ Quoiqu'on dise, quoiqu'on fasse, le Québec est, aujourd'hui et pour toujours, une société distincte, libre et capable d'assumer …’’

La Confédération canadienne oblige à un constant combat entre ou pour des pouvoirs. L’option fédéraliste oblige dès lors à défendre lucidement et avec détermination la place de la société distincte et des Canadiens-français, à défendre des droits bafoués, à redresser des torts.

Au sein de la Confédération, les rapports de force changent, mais penchent inéluctablement dans le sens de la majorité anglophone. Être fédéraliste oblige à ce combat et à réinscrire l’orientation du Bilinguisme et du Biculturalisme.

La façon de récuser l’option souverainiste, si tel est la quête de certains, serait de faire disparaître ses raisons d’être, donc de faire qu’au sein du Canada la société canadienne-française s’épanouisse, augmente en proportion à ce qu’elle était avant Trudeau, que la société distincte québécoise constitue le pôle fort où la langue commune et d’intégration des immigrants est le français, où on peut vivre, prospérer travailler… en français.

À défaut, le désintéressement pour ces questions alimente un climat de chicanes, de dissensions, de bruits, et trop de bruits hébète toujours, et absolument… car vouloir être d’une société distincte de langue française constitue une quête qui vaut la peine que l’on meurt pour elle… une cause répondant profondément à un idéal de la jeunesse

 Nous sommes loin d’un état de fait juste, entre les peuples fondateurs. Une machiavélique politique nous aura éloignés de la juste formule du B&B, donc d’un équilibre viable pour le fait français au sein de la Confédération. Conséquemment, l’option souverainiste se justifie et s’impose même à tout humaniste..

 

M.P. copyright 14 avril 2014


Lectures complémentaires :

I http://www.generationdidees.ca/idees/renforcement-de-la-loi-101-par-une-...

2. http://quebec.huffingtonpost.ca/michel-page/recensement-et-manipulations...)

3. http://quebec.huffingtonpost.ca/michel-page/financement-universites-angl... 4.

http://quebec.huffingtonpost.ca/michel-page/linsoutenable-intolerance_b_4703319.html;

4. Un passé Un destin ou l’avenir d’un peuple, sous ://http://www.coopuqam.com/275283-Livres--produit.html.

5. Charles Castonguay, Le français dégringole ! Relancer notre politique
linguistique,
Montréal, Éditions du Renouveau québécois.