Donner du temps au temps

2014/05/01 | Par Robert Laplante, Gérald Larose, Michel Rioux

Robert Laplante, Directeur, L’Action nationale
Gérald Larose, Travail social, UQAM
Michel Rioux, Syndicaliste


* Ont signé également signé ce texte :

Guy Rocher, sociologue
Jean-Claude Germain, historien et auteur
Réjean Parent, ex-président de la CSQ
Alice Tavares-Mascarenhas, traductrice
Armand Vaillancourt, sculpteur
Pascal Chevrette, professeur de littérature
Lucia Ferretti, historienne UQTR
Gabriel Sainte-Marie, professeur d’économie
Claudette Carbonneau, ex-présidente de la CSN
Michel Roche, politologue, UQAC
Renaud Lapierre, homme d’affaires
Denis Monière, politologue
Gabriel Brice, économiste
Marie Depelteau-Paquette, commissaire scolaire
Jonathan Livernois, professeur de littérature
François L’Italien, économiste
Danic Parenteau, professeur, Collège militaire de St-Jean
Micheline Labelle, sociologue UQAM


Les résultats de l’élection du 7 avril ont secoué le Parti Québécois et beaucoup d’indépendantistes. Les interprétations fusent et partent, pour l’instant, dans toutes sortes de directions. Comme à chaque grand revers du Parti Québécois, il s’en trouve toujours pour, immédiatement, sauter aux conclusions et ouvrir le procès de l’option souverrainiste.

Avec la démission de Pauline Marois il s’en trouve au moins tout autant pour vouloir précipiter une course au leadership. Et pour plusieurs, l’occasion pourrait paraître belle de saisir les deux ordres de remise en cause et de les attacher dans une sorte de forfait « deux pour un » qui pourrait autoriser bien des raccourcis de pensée… et autant de pensées courtes!

Comme l’indépendance est une idée qui engage bien plus que le parti lui-même, parce qu’elle est une idée forte qui donne forme et horizon à notre peuple, il n’est pas inutile de rappeler à tous les membres et sympathisants du PQ qu’ils ont une responsabilité historique à assumer.

On ne joue pas avec une telle représentation de l’avenir comme si cela n’était qu’une affaire partisane. Il faut prendre le temps de bien comprendre non seulement ce qui s’est produit, mais aussi de bien évaluer les hypothèses à envisager pour la suite des choses. En ces matières comme dans les autres, la précipitation n’est jamais bonne conseillère.

L’empressement à se donner des réponses n’est peut-être qu’une manière détournée de ne pas se poser le problème dans toute sa complexité. On peut comprendre que de la part des adversaires de l’indépendance, ce soit de bonne guerre d’insister pour que la « menace » soit levée. Ils ont fait le choix de voir le Québec ratatiner dans le Canada et le renoncement à l’indépendance de la part de son principal porteur les comblerait d’aise, leur évitant d’avoir eux-mêmes à se questionner sur ce que signifie pour notre peuple l’acceptation du Canada tel qu’il est.

Pour les membres et députés du Parti Québécois, l’heure devrait plutôt être au recueillement studieux. Il faut faire passer le travail sur les contenus avant la course aux personnalités. Une remise en question s’impose pour bien saisir en quoi et comment les changements du Québec dessinent de nouvelles voies pour la liberté, pour la pleine maîtrise de nos choix. La liberté n’a pas d’âge, elle ne vieillit pas. Les moyens de la réaliser peuvent, eux, s’empoussiérer sous les certitudes que procurent les choses tenues pour évidentes.

Le Parti Québécois, à moins de se saborder en renonçant à ce qui fonde son existence, a le devoir et l’obligation de se repenser sans se dévoyer. Plusieurs pensent qu’il y a déjà trop longtemps que des débats nécessaires ont été poussés sous le tapis. Et ils sont nombreux à croire que cela a nourri des ambivalences qui expliquent une partie des résultats du 7 avril. Une réflexion trop courte, des débats cosmétiques, permettraient sans doute au Parti de continuer, mais cela le condamnerait à s’étioler lentement, usant avec lui l’idéal de liberté sans lequel aucun avenir ne peut advenir.

Le travail de la pensée et le cheminement des idées demandent du temps. Le PQ a quatre ans devant lui, le peuple du Québec en a certainement davantage, son histoire est toujours ouverte. Mais il serait imprudent et irresponsable de s’imaginer que cette histoire ne retourne pas son propre sablier : notre poids relatif ne cesse de décroître au Canada et avec lui, notre marge de manœuvre pour décider nous-mêmes de ce qui sera bon pour nos enfants.

Les partis politiques ne sont que les fiduciaires des représentations de l’avenir. Le Parti Québécois, qui est né de la conviction que la réalité concrète de notre existence, dans un Canada qui se construit sans nous, condamne notre peuple à subir son sort plutôt qu’à choisir son destin, ce parti, qui a si souvent invoqué l’avenir dans son idée du Québec doit maintenant démontrer qu’il a de l’avenir dans les idées. Il en a le talent. S’il se donne le temps, il démontrera qu’il a en la force.

Qu’il se fasse l’obligation de composer avec l’exigeant travail de renouvellement, qu’il fasse primer les contenus sur les aspirations personnelles et les ambitions et il gagnera sur tous les tableaux. Il se donnera ce qu’il faut pour que se révèle un véritable leadership, et il aura une meilleure direction. Il fera la démonstration que son idéal inspire encore ses militants, et il aura un programme rassembleur.

Fort d’une pensée renouvelée et fermement en prise sur les défis du présent, il aura surtout ce qu’il faut pour inspirer la confiance. Confiance pour appeler à l’union des forces et à la collaboration entre partis souverainistes. Confiance pour reconquérir l’électorat, certes, mais confiance aussi pour vaincre les obstacles qu’une part trop grande de notre peuple a du mal à se voir vaincre.

Rien ne sert de se lancer dans une course au leadership à court terme. Le temps ne respecte rien de ce qui est fait sans lui.