Assemblée générale du CTC : tensions électorales sur le plancher du congrès

2014/05/08 | Par Maude Messier

Les esprits se sont échauffés sur le plancher de la 27e Assemblée générale du Congrès du travail du Canada (CTC), mercredi après-midi.

Une information selon laquelle l’actuel président, Ken Georgetti, aurait traité de «chicken» Hassan Husseini après que ce dernier eut retiré sa candidature à la présidence du CTC en vue des élections de jeudi, a semé la grogne chez une partie des délégués.

L’information a circulé sur les réseaux sociaux et dans les couloirs du Palais des congrès toute la journée pour refaire surface sur le plancher de l’Assemblée lorsqu’une déléguée a demandé un point d’ordre concernant le comportement de Georgetti, qui préside par ailleurs l’assemblée, estimant qu’il s’agit d’un acte d’intimidation. Rabrouée et interrompue par le président, les sympathisants de Husseini se sont mis à scander « Let her speak ».

L’escarmouche a pourtant mené à la contestation de la présidence d’Assemblée. Les tensions électorales étaient évidentes au moment où le vote de la salle a scindé le plancher du congrès en deux. Le point d’ordre a été rejeté, et la présidence d’Assemblée de Georgetti a finalement été maintenue, suite à un vote à mains levées serré, comme un coup d’œil anticipé sur les élections de jeudi.

 

Débats des candidats

Les candidats aux postes de l’exécutif national du CTC se sont adressés aux délégués mercredi matin. Un forum a été organisé in extremis suite à l’adoption, lundi, d’une résolution exprimant la volonté des délégués d’entendre et de questionner les candidats.

Rappelons brièvement que l’actuel secrétaire-trésorier, Hassan Yussuf, affronte aux suffrages le président en poste depuis 15 ans, Ken Georgetti, qui n’a pas connu d’opposition depuis 2005.

Un troisième candidat, Hassan Husseini, représentant syndical à l’Alliance de la fonction publique du Canada, était jusqu’à mercredi matin dans la course à la présidence, mais il a profité des trois minutes allouées aux candidats pour indiquer qu’il avait choisi de se rallier à Hassan Yussuf.

Il a affirmé avoir reçu la certitude que la volonté de changement dans les orientations du CTC exprimée via sa candidature a été entendue et sera soutenue par Hassan Yussuf. Son discours lui a valu une salve d’applaudissements et une chaude ovation.

Une décision qui, sans être une surprise, a fait mentir les rumeurs qui circulaient depuis l’ouverture du congrès à l’effet que Husseini se serait plutôt rallié dans un éventuel deuxième tour aux élections de jeudi. Soulignons qu’un candidat doit obtenir une majorité absolue pour remporter les élections.

Ken Georgetti s’est adressé aux délégués en faisant valoir son expérience à titre de dirigeant du CTC et en revenant sur ses accomplissements. Il a spécifié que la prochaine année sera cruciale et déterminante pour l’avenir du mouvement syndical et de l’organisation. Il estime qu’il ne s’agit pas d’un bon moment pour un changement de garde à la présidence face à l’importance des enjeux que devra affronter l’organisation.

Malgré les critiques adressées au leadership de Ken Georgetti, ce dernier estime pourtant avoir réussi à rassembler les affiliés du CTC et de les avoir amenés à coopérer, notamment pour la campagne « Ensemble pour un monde plus juste ».

Il a fait valoir que son équipe (Nathalie Stringer, Laurie Antonin and Kelly Murphy) est constituée d’une majorité de femmes, dont deux sont très jeunes.

Hassan Yussuf se rélame de l’aile plus progressiste des affiliés du CTC. Il a insisté, dans son allocution, sur la nécessité de réorienter la direction de l’organisation et de mener des campagnes d’organisation sur le terrain, bien connectées avec les membres pour réussir à défaire les conservateurs et bâtir un mouvement syndical plus fort.

Insistant sur l’importance des défis et des enjeux à venir, il a aussi appelé les délégués à l’unité, peu importe les résultats du scrutin de jeudi.

L’exécutif national est aussi constitué d’un secrétaire-trésorier et de deux vice-présidents exécutifs. Le poste de secrétaire-trésorier est brigué par deux femmes : Nathalie Stringer, représentante national du Canadian Union of Public Employees (CUPE-SCFP) et Barbara Byers, vice-présidente exécutive du CTC depuis 2002 et anciennement présidente de la Fédération du travail de la Saskatchewan.

Trois femmes et un homme sont candidats à la vice-présidence : Marie Clarke Walker, à ce poste depuis 2002, Kelly Murphy, vice-présidente du Nova Scotia General Employees Union (NGSEU), Laurie Antonin des Teamsters et Donald Lafleur, 4e vice-président national du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes.

Interrogés à savoir s’ils préconiseraient un vote stratégique ou un vote en faveur du Nouveau Parti démocratique du Canada en vue des élections fédérales de 2015, les deux candidats à la présidence ont rappelé la longue histoire de collaboration entre le NPD et le CTC, insistant sur le fait qu’il s’agit du parti qui défend au mieux les intérêts des travailleurs canadiens.

Yussuf a souligné que si le CTC n’a pas à dicter pour qui voter à ses 3,3 millions de membres, il encouragera tout de même un vote en faveur du NPD. Idem pour Ken Georgetti qui a indiqué que la seule stratégie du CTC était de voter stratégiquement pour le NDP.

Le chef du NPD, Thomas Mulcair, doit d’ailleurs s’adresser aux délégués ce jeudi avant-midi.



Victoire pour les jeunes sur le plancher du congrès

Les jeunes et les résolutions qu’ils soutiennent font partie des éléments à surveiller au cours de ce congrès. La preuve en a été faite ce mercredi, alors que les délégués ont été saisis d’une résolution recommandant, notamment, que le CTC collabore davantage avec le Comité jeunes pour élaborer une stratégie visant à favorisant leur implication dans les structures syndicales. La résolution vise aussi à faire pression sur le gouvernement pour une stratégie nationale de création d’emplois permanents à temps plein pour les jeunes.

Bref, beaucoup de vœux pieux… qui n’ont pas suffi. Après quelques interventions aux micros en faveur de la résolution, plusieurs jeunes, dont les interventions étaient visiblement bien organisées, sont intervenus contre la proposition, affirmant qu’elle était insuffisante, n’allait pas assez loin, ne répondait pas aux véritables préoccupations exprimées par les jeunes.

Fait inusité, un amendement a été introduit sur le plancher par le comité des résolutions générales pour que soit aussi incluse la lutte aux disparités de traitement, non seulement quant aux salaires, mais aussi pour les avantages sociaux et les régimes de retraite. La résolution a été adoptée.

Les délégués ont aussi adopté une résolution contre la violence faite aux femmes. Une autre résolution portant spécifiquement sur la question des disparitions et des meurtres de femmes et de filles autochtones et la nécessité de faire pression pour que le gouvernement fédéral ouvre une enquête publique doit être débattue plus tard cette semaine.

Une résolution en faveur de pression et d’actions pour le maintien des services postaux publics et universels au Canada a aussi été débattue et adoptée. Le CTC est donc mandaté pour exercer différentes pressions contre les récentes baisses de services, hausses des tarifs et la fin de la livraison à domicile.

En marge du congrès, les délégués participeront ce jeudi à une marche contre les politiques d’austérité organisée par le Conseil régional de Montréal, à laquelle se joindront aussi d’autres militants. Environ 4 000 personnes sont attendues selon les organisateurs.