Jour 2 du 64e Congrès de la CSN 

2014/05/28 | Par Maude Messier

Emplois à temps partiel, temporaires, obtenus via les agences de placement, travail autonome; environ 38% des emplois sont désormais classés comme atypiques. Au cours des dix dernières années, le travail temporaire et à temps partiel a progressé plus rapidement que les emplois permanents et à temps complet, transformant complètement les réalités du monde du travail.

Et trop souvent, travail atypique rime avec précarité parce que la Loi sur les normes du travail, qui établit les conditions minimales de travail au Québec, « est un vieux plancher plein de craques qui n’est plus adapté », estime Carole Henry, porte-parole de l’organisme de défense des droits des travailleurs non syndiqués Au bas de l’échelle, en s’adressant aux délégués du 64e Congrès de la CSN, mardi matin.

Insécurité, absence de contrôle, protections sociales insuffisantes et faible rémunération sont le lot des travailleurs précaires, catégorie où les femmes, les immigrants, les jeunes et les minorités visibles sont surreprésentés.

« Le travail atypique et la précarisation ne sont pas le fruit du hasard, mais résultent de la stratégie du gouvernement et des entreprises pour rendre plus flexible le marché du travail et diminuer les coûts de main-d’œuvre. »

Alors que les salariés sont de plus en plus mis en compétition entre eux, que la sous-traitance crée deux catégories de travailleurs avec des conditions différentes, souvent dans un même milieu de travail, que la prolifération des agences de placement déresponsabilise les employeurs et contribue à accentuer les disparités de traitement, la précarité et les inégalités doivent être prises au sérieux par les organisations syndicales.

« Toute une classe de travailleurs ne bénéficient pas des gains sociaux gagnés par les luttes syndicales », souligne-t-elle, ajoutant que dans la perspective d’une réouverture de la loi, le mouvement syndical se doit d’être solidaire des travailleurs les plus précaires de la société.

Si environ 200 000 personnes, à majorité des femmes, occupent des emplois payés au salaire minimum au Québec, une hausse du salaire minimum a des répercussions positives pour environ 20% de la main-d’œuvre, selon Carole Henry.

La précarisation du travail se traduit aussi en matière de santé et de sécurité du travail, d’expliquer Genviève Baril-Gingras, professeure au Département de relations industrielles de l’Université Laval.

« Les effets du travail sur la santé sont importants et pas assez reconnus. Alors que pourtant, on compte au Québec deux fois plus de décès par accident du travail et maladies professionnelles que d’homicides. »

Ce qui ressort de la présentation de Mme Baril-Gingras, c’est la nécessité pour le mouvement syndical d’approcher la question de la santé et sécurité de manière plus globale et de sortir du carcan imposé par les employeurs qui trop souvent, cherchent à dissocier la santé et sécurité de la négociation collective, privant les syndicats de leurs moyens de revendications traditionnels.

Dans un contexte où les effets psychologiques liés à l’intensification du travail préoccupent beaucoup les syndicats, Mme Baril-Gingras insiste sur le fait que la santé et sécurité du travail ne se cantonne pas aux comités paritaires en milieu de travail, mais doit être intégrée et considérée dans l’ensemble de la négociation collective.

« Je fais le pari avec vous que la santé et sécurité peut être partie d’un cercle vertueux et permettre de soutenir une vie syndicale forte. »

En quoi l’industrie du pétrole et les enjeux liés aux différents projets de pipelines concernent-ils les milieux de travail? Le syndrome hollandais, répond Christian Simard de Nature Québec, complétant le panel qui mettait en place le thème de cette deuxième journée de congrès : travail et emploi.

« L’industrie pétrolière de l’Ouest canadien fait augmenter la valeur du huard, ce qui nuit aux exportations et a pour conséquence d’affaiblir le Québec. Ça affecte les emplois durables de l’industrie manufacturière au profit de l’extractivisme. Et les pipelines ne font qu’accentuer le syndome hollandais et retarder le virage du Québec. »

À son avis, économie et emplois peuvent rimer avec écologie. « Le modèle actuel est insoutenable. Nous le savons. Et le Québec a intérêt à faire partie de la solution et vous avez, comme syndicats, un rôle à jouer. »

Il a adressé aux délégués une mise en garde contre l’instrumentalisation des syndicats par les entreprises sous le prétexte de sauver des emplois.

« Soyez méfiants de ces faux amis. Le temps venu, ils ne se gêneront pas pour fermer l’usine et ils ne vous en parleront pas. » Il insiste plutôt pour que le mouvement syndical contribue à implanter des solutions durables et à exiger plus de qualité des les pratiques environnementales des entreprises.

Après ces présentations, les délégués se sont regroupés en ateliers pour débattre de quatre propositions portant sur le travail et l’emploi qui leur sont soumises.

Ils ont notamment discuté de l’élargissement de la couverture des lois du travail à l’ensemble des travailleurs, d’une réforme de la Loi sur les normes du travail, avec une attention particulière concernant les disparités de traitement et la conciliation travail-famille.

Il leur est aussi proposé de faire de la lutte à la sous-traitance et au recours aux agences de placement de personnel une priorité de la CSN et qu’un cadre stratégique de négociations soient présentés aux fédérations en 2015.

Une proposition vise aussi à inciter les syndicats CSN à cibler dans leurs milieux les problématiques liées à la santé psychologique (absentéisme, charge et climat de travail, autonomie professionnelle, etc.) et à en faire des enjeux prioritaires de négociation.

Si la CSN, se positionne déjà en faveur de la transition du Québec vers un nouveau modèle de développement affranchi du pétrole et de la création d’emplois « verts » de qualité dans les secteurs de l’environnement et des technologies propres, il n’en demeure pas moins que des gestes restent à poser dans les autres milieux de travail pour qu’ils participent à la diminution des gaz à effet de serre et au respect de l’environnement.

Il est proposé aux délégués qu’un plan d’action syndical soit développé pour écologiser les emplois dans les secteurs et activités ciblés et que les syndicats qui prennent l’offensive sur les enjeux environnementaux dans leurs milieux de travail soient soutenus par la CSN, notamment via la diffusion des expériences réussies.

Les rapports synthèses des ateliers seront présentés en plénière plus tard cette semaine et les propositions, peut-être amendées, seront alors soumises au vote par le Congrès.

Pour voir le détail des propositions : ici.


Hommage à Denise Boucher

La journée de mardi s’est conclue par un hommage à Denise Boucher, 3e vice-présidence de la CSN depuis 1999, qui ne sollicite pas de nouveau mandat après plus de 35 ans de vie syndicale.

D’abord employée du Centre hospitalier universitaire de Québec, Denise Boucher a notamment été responsable du comité national de la condition féminine de la CSN de 1992 à 1996 et présidente du Conseil central de Québec-Chaudière-Appalaches de 1996 à 1999.