Jour 3 du 64e Congrès de la CSN

2014/05/29 | Par Maude Messier

François Morin, vice-président du Syndicat national des employé(e)s de Kronos Canada (CSN), et Marc Maltais, ex-président de la section locale 9490 du Syndicat des Métallos à l’usine de Rio Tinto Alcan à Alma, ont expliqué aux quelque 2 000 délégués du 64e Congrès de la CSN comment la solidarité intersyndicale et le développement d’alliances ont été des éléments déterminants dans l’issue des lock-outs de plusieurs mois auxquels leurs syndicats ont dû faire face.

Dans les deux cas, la volonté de l’employeur de recourir davantage à la sous-traitance était au cœur des enjeux de négociation. La sous-traitance est un cercle vicieux qui mine les emplois, abaisse les conditions de travail, perpétue la mise en concurrence des travailleurs, crée des disparités de traitement dans un même milieu de travail.

Faire plus de place à la sous-traitance signifie aussi que l’entreprise est plus à même de maintenir ses activités lors d’un conflit de travail, ce qui met à mal le rapport de force syndical lors des négociations collectives.

François Morin et Marc Maltais ont expliqué que l’appui des autres syndicats, financier et stratégique, ont fait la différence pour « tenir la minute de plus nécessaire ». Chez Kronos, le syndicat avait amorcé, antérieurement au conflit, des démarches avec des syndicats d’usines belges de l’entreprise. Une campagne internationale d’IndustriAll, une organisation syndicale internationale qui représente 50 millions de travailleurs des secteurs miniers, manufacturier et de l'énergie dans 140 pays, a aussi été lancée après le déclenchement du conflit. Différentes organisations syndicales ont aussi mené des actions de solidarité avec les lock-outés dans leurs milieux de travail, notamment en Norvège.

Marc Maltais a souligné que l’adhésion du syndicat local au Syndicat des Métallos à partir des années 2000 a aussi permis de tisser des liens intersyndicaux qui ont servi de leviers pendant le conflit.

« Les patrons se parlent entre eux. Devant les attaques de la droite auxquelles on fait face, on a avantage à se parler et à partager nos forces », ont affirmé les deux syndicalistes.


« Ouin, pis?»

Pourquoi se préoccuper de l’importance de l’intégration des jeunes dans les structures syndicales? Parce que les disparités de traitement sont une « problématique criante d’actualité » qui accentuent les inégalités et les divergences intergénérationnelles dans les milieux de travail, lesquelles sont souvent sont utilisées contre les syndicats, selon Mélanie Laroche, professeure à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal.

« Non, les jeunes ne vont plus à l’école nus pieds dans la neige avec leur pupitre sur les épaules. Non, les jeunes n’attendent plus à côté du téléphone que le boss appelle pour leur donner un chiffre. Non, les jeunes n’ont pas besoin de faire du temps supplémentaire. Oui, les jeunes veulent choisir leur horaire. À tout ça je vous réponds : ouin, pis? », de lancer Mélanie Laroche en amorce de la présentation des constats qui se dégagent une étude menée auprès de 300 jeunes travailleurs syndiqués.

 « C’est une bonne nouvelle. Ça veut dire que vous avez fait des gains. Ça veut dire que le message que mon père m’a transmis toute sa vie, d’aller à l’école, de m’éduquer, d’avoir une bonne job, de choisir ma job et de ne pas mourir à la gagner, ma vie, ça a marché. Et c’est ça qu’on voit à l’heure actuelle avec les jeunes dans le mouvement syndical. »

Il ressort de l’enquête que les jeunes syndiqués sondés ont exprimé leur volonté de voir les pratiques syndicales sortir du carcan des seules relations de travail au quotidien et de la négociation collective. Mélanie Laroche souligne qu’ils anticipent plutôt le syndicalisme comme une « façon de vivre » et qu’ils considèrent que le syndicalisme a la responsabilité d’aider les travailleurs plus démunis.

« Sortons de la dinosaurite. Est-ce qu’il peut y avoir plus d’informel dans le formel? Les jeunes questionnent la formation syndicale qu’ils reçoivent : est-ce pour nous faire entrer dans le moule? »

Les répondants ont aussi exprimé leur faveur pour un syndicalisme de proximité, soutient Mélanie Laroche, « le b.a.-ba du syndicalisme de base, le contact interpersonnel. »

Construire des « structures jeunes » parallèles n’est pas une option viable. Elle ajoute que si les comités jeunes sont une option pertinente pour la formation syndicale, il n’en demeure pas moins que les syndicats ont la responsabilité d’intégrer la nouvelle génération de travailleurs dans les structures pour qu’ils aient voix au chapitre.

« Il ne faut pas avoir peur des conflits, au contraire. Les débats, c’est sain. Il faut les laisser critiquer nos pratiques et leur donner de l’espace pour le faire. »

Suivant ces présentations qui ont campé le thème de la journée, syndicalisme et rapport de force, les délégués ont ensuite travaillé en ateliers pour débattre d’une dizaine de propositions soumises par le comité exécutif de la CSN.

Établir des alliances stratégiques avec d’autres organisations syndicales dans des entreprises ou secteurs d’activités ciblés, mettre en œuvre plus de négociations collectives coordonnées par entreprise ou par secteur d’activité, participer à la tenu d’États généraux sur le syndicalisme, moderniser les dispositions anti-briseurs de grève sont au nombre des propositions.


Vers un modèle inspiré du « grass roots organizing » américain

En matière de renouvellement des pratiques syndicales, il est aussi proposé que la CSN développe un plan stratégique pour accroître la syndicalisation dans le secteur privé au cours des six prochaines années et qu’un projet pilote soit lancé permettant à des travailleurs qui ne sont pas membres d’un syndicat affilié à la centrale (ou à une autre organisation syndicale) d’adhérer à la CSN sur une base individuelle.

Ce projet pilote de regroupement pourrait se faire une base régionale, sectorielle ou professionnelle.

Si la proposition est adoptée par le Congrès jeudi, la CSN aurait donc un mandat pour aller de l’avant avec la mise en place d’une structure dont les paramètres restent à définir, même si dans sa forme actuelle, le Code du travail ne permet pas la syndicalisation sur une base individuelle.

Un tel regroupement permettrait à des travailleurs non syndiqués de se doter d’une infrastructure organisationnelle et politique ainsi que de ressources et de services pour améliorer leur sort.

Ce nouveau modèle d’organisation de travailleurs, inspiré d’initiatives soutenues également par des syndicats aux États-Unis dont le mouvement de revendication des employés des chaînes de restauration rapide et celui des employés de Walmart, OURWalmart, vise la construction d’un nouveau rapport de force impliquant d’autres catégories que de travailleurs non syndiqués.

Le projet est pour le moment très exploratoire, mais il semble que les portes soient bien ouvertes à la CSN. Le syndicat Unifor a aussi prévu une initiative similaire avec la mise en place de ce qu’ils appellent des secteurs communautaires. Le Syndicat des travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce (TUAC) met aussi en place au Québec une structure calquée sur OURWalmart, NOTREWalmart. Le secteur des services, là où se créent le plus d’emplois, souvent précaires et atypiques, est évidemment la cible de la grande majorité de ces initiatives.

Si ces initiatives devaient s’avérer être un succès et que la mobilisation atteignait un point critique, elles pourraient éventuellement mener à des pressions pour que des modifications soient amenées dans les législations du travail.

 

Élections par acclamation

Les mises en candidature officielles aux postes de l’exécutif de la CSN de mercredi après-midi se sont conclues par des élections par acclamation.

Jacques Létourneau à la présidence, Jean Lortie comme secrétaire générale, Pierre Patry à la trésorerie, Francine Lévesque à la première vice-présidence et Jean Lacharité à la 2e vice-présidence assureront la continuité au comité exécutif de la centrale.

Deux nouvelles venues sont candidates à la 3e vice-présidence : Ann Gingras, actuellement présidente du Conseil central de Québec-Chaudière-Appalaches, et Véronique De Sève, secrétaire générale du Conseil central du Montréal métropolitain. Les élections auront lieu jeudi.