Louise Mailloux contre-attaque !

2014/06/05 | Par Pierre Dubuc

« C’est une poursuite-bâillon. Nous allons nous prévaloir de la Loi contre les poursuites-bâillons dans le cadre de la défense de Louise Mailloux contre la poursuite pour diffamation que lui a intentée Dalila Awada », de déclarer Me Jean Bernier, l’avocat de Louise Mailloux, lors d’une conférence de presse, mercredi le 4 juin, à Montréal.

Me Bernier et Louise Mailloux étaient accompagnés de Djemila Benhabib, Sybel Köse, Pierre Lacerte, Philippe Magnan et André Gagnon qui ont, tour à tour, pris la parole.

On se souviendra que Dalila Awada a intenté un recours en diffamation contre Louise Mailloux, le blogueur de Poste de veille Philippe Magnan et contre le site Vigile.net.

Me Bernier reconnaît que Mme Awada a le droit de poursuivre s’il y a atteinte à sa réputation, mais que ce n’est manifestement pas le cas. « Je suis estomaqué par la façon dont cette poursuite a été prise. Elle ne répond pas du tout aux normes. C’est une poursuite stratégique qui vise à faire taire ma cliente », affirme-t-il en encourageant les journalistes à se demander comment Mme Awada a pu entreprendre seule une telle poursuite. Il ajoute : « Nous allons faire la preuve qu’elle n’agit pas seule. »

Pour Djemila Benhabib, elle-même poursuivie pour diffamation par une école musulmane pour des propos tenus à l’émission de radio Dutrizac au 98,5, il est clair qu’« on veut faire en sorte que l’opinion de Louise Mailloux ne soit plus la bienvenue dans l’espace public parce que sa parole est une parole forte, juste et essentielle ».

« Dans les Janette, enchaîne-t-elle, nous l’appelions notre ‘‘ ceinture noire ’’ à cause de sa facilité à manier les concepts philosophiques dans le débat sur la laïcité. Louise Mailloux est une auteure, une philosophe qui s’inscrit dans une longue tradition philosophique qui remonte à Spinoza, Voltaire et plusieurs autres. »

Mme Benhabib a rappelé que depuis la Fatwa lancée en 1989 par la République islamique d’Iran qui condamnait à mort l’auteur Salman Rushdie pour son roman Les Versets sataniques, « quiconque se prononce contre l’islam sur la place publique le fait à ses risques et périls. »

Selon elle, c’est particulièrement vrai au Québec où « il est difficile de démasquer nos adversaires. Il y a plusieurs organisations dans la mouvance islamiste. Qui parle au nom de qui? C’est difficile à établir et on prend des risques à le faire. »

À ceux qui veulent « affaiblir financièrement, isoler socialement et bâillonner Louise Mailloux », Djemila Benhabib lance le message suivant : « Jamais, jamais, nous nous tairons. »

Son témoignage fut suivi par celui de Syble Köse, une québécoise d’origine belgo-turque qui a reçu des menaces de mort après avoir donné son opinion sur le port du voile islamique à l’émission « 30 sur le radar », diffusée sur les ondes de LCN.

« Ils m'ont dénoncée comme ennemi des Turcs et de l'islam au ministère des Affaires extérieures en Turquie pour que je sois arrêtée par les forces de l'ordre si je retourne en Turquie », a-t-elle raconté.

Sur Facebook et via Twitter, il a notamment été écrit qu’«il fallait balancer son corps du haut du Mont-Royal».

En plus de demander l’arrestation de la militante en Turquie, ses opposants ont également lancé une pétition demandant au réseau TVA le retrait de la vidéo de son entrevue, en plus d’exiger des excuses du diffuseur.

Pierre Lacerte a ensuite pris la parole. Depuis 7 ans, il fait l’objet de harcèlement juridique de la part de membres de la communauté hassidique d’Outremont parce qu’il documente sur son blogue des infractions aux règlements de stationnement commises devant la synagogue située en face de chez lui.

Trois membres influents de la communauté hassidique, Michael Rosenberg, président de Rosdev Construction, son fils Martin et Alex Werzberger, représentés par l’avocat Julius Grey, lui ont intenté une poursuite de 375 000 $ pour propos diffamatoires et harcèlement.

Mais la juge Claude Dallaire de la Cour supérieure les a déboutés. Les trois requérants ont porté leur cause en Cour d’Appel qui les a aussi déboutés. Au cours des derniers jours, Pierre Lacerte a appris qu’ils avaient renoncé à s’adresser à la Cour suprême.

« C’est une victoire pour la liberté d’expression qui m’a tout de même coûté 200 000 $ en frais juridiques », a-t-il tenu à préciser.

André Gagnon, éditeur du magazine Être et du site Internet etre.net tenait à être présent à la conférence de presse. Connu pour sa défense de LGBT, il a fait ressortir le « deux poids, deux mesures » de l’article 319.3.b du Code criminel qui protège « les discours et les textes religieux de toute poursuite pour propagande haineuse ».

« L'iman Al-Hayiti à Montréal, interdit de séjour en France, peut prôner en toute quiétude la décapitation des homosexuels et des conférenciers étrangers peuvent entrer au Canada et donner des conférences où ils appellent à recriminaliser l'homosexualité sans être importuner, mais on peut être poursuivi si on critique l’islam! »

« Au Québec, présentement, on a beau être de gauche, environnementaliste, indépendantiste, on est taxé de raciste, de xénophobe et de suppôt du Front national, si on critique les islamistes. »

Pour sa part, Philippe Magnan, également poursuivi par Dalila Awada pour être l’animateur du site Internet Poste de veille, a revendiqué « le droit à critiquer les religions, à investiguer, à publier le résultat des recherches ». Il a aussi repris à son compte l’invitation faite aux médias par Me Bernier d’ouvrir ou de poursuivre des enquêtes sur la mouvance islamiste au Québec.

Enfin, Louise Mailloux a qualifié de tentative d’« assassinat professionnel » la poursuite dont elle est victime. « C’est une poursuite abusive, inappropriée, déraisonnable. C’est une attaque qui dépasse ma personne. C’est une attaque contre la conception républicaine de la laïcité. »

Elle a conclu par ces mots : « On veut m’isoler, m’épuiser financièrement et physiquement. Mais je ne me tairai pas. »

On peut participer à la défense de la liberté d’expression en soutenant financièrement Louise Mailloux dans son combat contre le djihad juridique en cliquant ici.

Photo : Annik MH De Carufel – Le Devoir