Lisée, le PQ et le référendum

2014/09/09 | Par Michel Laurence

Version « corrigée » du discours de Jean-François Lisée « Le Parti doit entendre les Québécois. Mais surtout les comprendre »

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L’électorat a été très dur avec le Parti québécois le 7 avril dernier. Très dur avec notre projet de faire du Québec un pays (très dur envers la gouvernance souverainiste hésitante). Pour les indépendantistes convaincus que nous sommes, découvrir que moins de 30% des Québécois partagent en ce moment notre idéal, constater que les trois quarts de nos concitoyens sont réfractaires, pour ne pas dire allergiques, à la tenue d’un référendum, cela fait mal. (Conclusion non avérée. C’est le discours tenu par les fédéralistes.)

Les militants du PQ sont conviés à une grande consultation cet automne, dans chaque circonscription. Puis une campagne à la direction permettra de choisir, avec un nouveau chef, une direction à prendre.

À mon avis, deux avenues seulement sont possibles : rester sourd à l’humeur actuelle des Québécois, revenir immédiatement à la charge avec notre projet, sous une forme ou une autre, aux élections de 2018, se cogner durement la tête sur le mur de l’opinion et ainsi donner pour longtemps les clés du pouvoir aux Libéraux.(Quel manque de confiance à l’endroit du PQ et du peuple québécois) À moins d’un imprévisible retournement de situation d’ici-là, j’estime que les Québécois fermeront les portes du pouvoir à un PQ qui voudrait mettre, au prochain rendez-vous électoral, l’État au service de son option. (Et puis ? Le PQ n’existe-t-il pas que pour faire l’indépendance ?)

Notre tâche : reconstruire l’opinion souverainiste (Élaborer un Plan pour réaliser l’indépendance.)

L’autre avenue, plus ardue pour nous, indépendantistes, mais plus porteuse pour l’avenir, consiste à prendre acte du recul de notre option dans l’électorat (C’est la valse-hésitation du PQ que le peuple a rejetée, pas l’option). À admettre qu’un important travail de reconstruction de l’opinion souverainiste doit se déployer avant d’en faire, à nouveau, un enjeu électoral. (Ce qui peut se faire durant les années d’opposition.) Le PQ et ses partenaires doivent s’astreindre à une vaste et permanente entreprise d’éducation populaire, en particulier mais non seulement envers les jeunes, pour redonner le goût de l’indépendance. (L’outil pédagogique par excellence à cet égard sera la rédaction, avec la participation du peuple, d’un projet de Constitution de la République du Québec. Rien n’est plus motivant que de se dessiner un pays.)

Nous comptons dans nos rangs une nouvelle génération de jeunes indépendantistes énergiques et compétents. Nous devons, bien mieux que nous ne l’avons fait jusqu’ici (un bel euphémisme !), mobiliser toute la créativité et toute l’énergie disponible pour retourner vers les citoyens, rendre concrète la proposition indépendantiste, utiliser les nouveaux moyens de communications, comme les anciens. Ce devrait désormais être la priorité du parti et de ses partenaires indépendantistes dans les années qui viennent.

Mais au plan électoral, si la situation change peu, j’estime que le PQ devrait, lors de l’élection de 2018, s’engager sans ambiguïté à ce qu’un gouvernement péquiste ne tienne ni référendum, ni référendum sectoriel, d’initiative populaire ou autre, conduisant à la souveraineté, au cours du mandat. Entendre le message de la dernière élection, c’est reconnaître que les Québécois ont rejeté non seulement l’ambivalence, mais tout procédé qui les entraînerait sur le chemin d’un référendum à court terme. (Ce que les Québécois ont rejeté c’est la gouvernance souverainiste hésitante. Comme ils ont rejeté en 2011 un Bloc devenu inutile.)

Prendre la décision seulement au moment opportun (Sans Plan stratégique, le moment opportun - autres mots pour les « conditions gagnantes de Bouchard - ne se produira jamais.)

Est-il utile de prendre cette décision maintenant ? Je ne crois pas. D’abord, la situation peut changer. Notre travail d’éducation, les processus référendaires en Écosse et en Catalogne, la conjoncture québécoise et canadienne sont autant d’éléments qui peuvent modifier la donne. (L’Écosse et la Catalogne ont-elles attendu le Québec ?)

Je soumets donc une hypothèse : qu’un an avant l’échéance électorale, le Parti québécois décide de la place qu’occupera, ou non, la souveraineté lors de l’élection à venir. Ce mécanisme à inventer doit impliquer les membres, les militants, le chef. Ce serait vrai pour l’élection de 2018, et pourrait l’être aussi pour l’élection suivante. (Le nouveau chef devra être choisi sur la base du Plan qu’il présentera pour l’atteinte de notre objectif commun : l’indépendance.)

Nous sommes pressés, tous. Il faut être pressés de déployer notre effort d’éducation indépendantiste. (Ça c’est l’analyse des fédéralistes : les pressés et les pas pressés.) Pressés de profiter de changements de conjoncture devenant porteurs pour notre projet. (Ce n’est pas un projet, c’est un OBJECTIF. Ce ne sont pas que des mots, ça change toute l’approche.) Nous devons être réalistes, tous. Arrivera un moment où on pourra présenter un projet précis et un échéancier aux Québécois. Mais il faut reconnaître, aujourd’hui, que ce moment n’est pas imminent. (Encore les conditions gagnantes, euh ! le moment opportun.)

Bâtir la nation (?)

Dans ce cas, à quoi bon gouverner si ce n’est pas pour préparer ou faire immédiatement l’indépendance ? (Voilà une très bonne question. Et la réponse qui suit ne sert qu’à justifier le statu quo péquiste.) D’abord parce qu’un pouvoir libéral prolongé sera corrosif pour l’identité québécoise elle-même. On n’a qu’à voir comment le gouvernement Couillard a annulé les cours d’histoire, n’envisage aucune défense de la langue française, a comme objectif de rendre le Québec plus semblable à « la moyenne canadienne », affaiblit le réseau québécois à l’étranger. Il sape les ressorts du nationalisme québécois.

Chaque fois qu’il fut au pouvoir, le Parti québécois a fait l’inverse : tabler sur la différence québécoise pour progresser dans tous les domaines : langue, éducation, recherche, économie, agriculture. Construire, ici, une nation. (Construire une nation ? Assurer la survie de la nation, plutôt, non ?) La conduire, ensuite, à son indépendance.

Il y a des moments où il faut accélérer la marche. C’était le cas en 1995 et, à mon avis, en 1996. Il ne faut pas attendre ces moments, mais travailler à les faire émerger. (Voilà qui contredit tout la démarche que vous exposez ici.) Car il y a des moments où il faut savoir gérer le temps. Et respecter les Québécois.(Justement, « respecter » les Québécois c’est cesser de les mépriser en ne leur faisant pas confiance et les mettre à contribution…) Pour mieux cheminer vers l’indépendance.