Référendum en Écosse : réflexions sur la victoire du NON

2014/09/26 | Par Martin Lachapelle

Les indépendantistes québécois ont plusieurs leçons et constats à tirer de la campagne référendaire en Écosse et de la victoire du NON. Des leçons de solidarité, d’enthousiasme et de préparation d’un projet bien détaillé, de la part du OUI écossais, mais aussi des constats de lucidité sur deux obstacles majeurs à la victoire des indépendantistes d’ici ou d’ailleurs : le pouvoir de la peur exercé par les tenants du statu quo des grands pays déjà établis, et l’instrumentalisation des médias de masse à des fins de propagande politique à sens unique pour le NON et contre le OUI, au Québec, comme au Royaume-Uni.

Comment résumer la poussée du OUI et la victoire à environ 55 % du NON, avec une fin de campagne désespérée axée sur la peur, le chantage économique et de vagues promesses verbales de changements non définis, tel que le soulignait Josée Legault, dans « De peur et d’espoir » ? Victoire honteuse du NON ? Défaite honorable du OUI ? Peu importe. Le résultat demeure le même et aura eu l’effet d’une véritable « douche écossaise » (ultra froide) sur les indépendantistes québécois, comme l’a affirmé Michel David, du Devoir.

Les indépendantistes les plus cyniquement attristés pourront toujours se consoler en se disant que le peuple québécois n’est plus seul dans la catégorie « Peuple annexé sans référendum, par un pacte aristocratique déguisé en constitution légitime, ayant échoué son examen plus ou moins démocratique pour obtenir sa liberté ».


Leçon de solidarité, d’enthousiasme et de préparation d’un projet bien détaillé 

Le OUI-Écosse est parti de plus loin que l’appui actuel au OUI-Québec en passant près de gagner, et le projet sur les tenants et aboutissants des lendemains d’un OUI étaient apparemment très bien détaillé aux yeux de plusieurs observateurs.

Suite, à la défaite des indépendantistes sociaux-démocrates écossais face au camp du NON d’un premier ministre conservateur de droite, le OUI-Québec doit reconnaître que la puck ne roule pas pour le OUI tout court ni pour la gauche dans le monde du sport politique dépourvu de règles véritablement démocratiques. Surtout pour les peuples dont l’indépendance n’est pas ardemment souhaitée par les USA…

Le OUI-Québec devra aussi réaliser que rien ne laisse présumer que la situation pourrait changer si les leaders des partis indépendantistes et de gauche ne s’entendent pas sur des changements de stratégies et sur la nécessité de s’unir, plutôt que de se diviser.

Personne n’a la solution magique pour prendre le pouvoir majoritaire et faire gagner le OUI et / ou la gauche, en solo. Mais, en revanche, tous se partagent les droits d’auteurs sur la recette de la défaite. Celle de la division entre la gauche et les indépendantistes.

Reconnaître la présence des problèmes et notre part de responsabilité respective est le premier pas pour la réussite d’une thérapie, en psychologie! La bonne nouvelle est que le mouvement indépendantiste à la dérive a décidé de faire une thérapie de groupe pour trouver sa destiNation... Bonne initiative.

En attendant, on se rappellera que le référendum en Écosse n’aurait jamais pu avoir lieu sans la prise du pouvoir majoritaire par un parti indépendantiste social-démocrate. Condition sine qua non.


« La propagande est à la société démocratique ce que la matraque est à l’État totalitaire » - Noam Chomsky

En Écosse, le jour de l’élection, les gens peuvent apparemment s’afficher pour aller voter et les partis peuvent faire de la promo à l’extérieur des bureaux de scrutin. Tout le contraire du Québec. Tolérance zéro. Aucun t-shirt, aucun macaron, zéro propagande. C’est à se demander si on peut aller voter avec un iPod contenant des chansons de Loco Locass ou Paul Piché!

Même pas de pancarte devant les lieux de votation. Faudrait surtout pas qu’un électeur voit une seule pancarte ou un macaron politique, juste avant de voter. Ça pourrait l’influencer. Et pas question d’influencer l’électeur. Mais juste UNE fois par année…

Pour le prochain référendum, l’électeur québécois devra donc traverser sa ville tapissée de pancartes électorales, mais il pourra être assuré qu’il n’en verra aucune devant le local où il ira voter, question qu’il puisse exercer son choix sans se faire influencer. Il ne lui restera plus qu’à oublier les 3127 pancartes aperçues durant le trajet, de même que toute la propagande médiatique à 99 % pour le NON vue, lue et entendue, depuis maintenant plus de 40 ans.

Parlant de campagne de peur et de propagande médiatique à sens unique avec pour résultat un véritable déficit démocratique favorisant l’éternelle domination du NON (et de la droite), Jean-Martin Aussant a constaté cet obstacle majeur dans une entrevue accordée au Devoir à la suite du référendum écossais.

Aussant, dont plusieurs souhaitent avec raison le retour au PQ, aurait même été approché par Pierre-Karl Péladeau pour qu’il se joigne à son équipe. Cependant, l’histoire ne dit pas si Aussant devra passer par la rubrique des petites annonces du Journal de Montréal pour que son constat soit entendu : « Parti politique social-démocrate en manque de démocratie et de pays recherche un empire médiatique appuyant le OUI ».


« Les difficultés de la sécession L’INDÉPENDANCE en SANS VRAIE démocratie »

Quel ironie de lire, dans le Devoir, quelques jours après le référendum en Écosse, un texte d’opinion intitulé « Les difficultés de la sécession en démocratie », par Stéphane Dion. Quel culot, provenant du père de la Loi sur la clarté référendaire, qui ne reconnaît même pas le principe démocratique élémentaire de la majorité absolue (50 % + 1 vote). Un peu comme si un violeur en série jamais arrêté écrivait un article sur « Les difficultés de la justice à arrêter les violeurs en série ». Or, c’est pourtant exactement ce que sont les Stéphane Dion et Jean Chrétien du camp du NON : des violeurs en série… de démocratie.

Rappelons que Chrétien et Dion auraient conseillé le camp du NON unioniste, sur l’art de battre des vilains « séparatisses » par tous les moyens. Le NON a d’ailleurs repris le discours fédéraliste du référendum de 1980 (No thanks), en plus d’utiliser les deux spécialités fédéralistes : les campagnes négatives et mensongères axées sur le chantage et la peur, grâce aux médias à 99 % pour le NON, sans oublier les fausses promesses désespérées de changements.

Chose certaine, les fédéralistes auront beau se péter les bretelles de la victoire du NON en Écosse, c’est quand même à se demander qui avait vraiment besoin d’être conseillé, car Stéphane Dion et Jean Chrétien ont des leçons de démocratie à recevoir du Royaume-Uni. Pas de méga rassemblement violant les lois électorales sur le financement (comme le « Love-in » du NON au référendum de 1995), pas de menace de partition de l’Écosse en cas de victoire du OUI et pas de menace de refuser de reconnaître une majorité jugée « pas assez claire », genre 50 % + 1 seul vote… Ajoutez à cela pas de refus de négocier suite à une victoire du OUI.

Il ne reste plus qu’à espérer que le Royaume-Uni a aussi refusé le conseil sur l’opération de propagande anti-séparatiste post-référendaire, pour étouffer le sentiment d’appartenance écossais, avec un Scandale des commandites à la Union Jack…