Une mesure simple pour réduire les inégalités au Québec

2014/10/22 | Par Pierre Dubuc

Dans son édition du 21 octobre, Le Devoir rapporte les résultats d’un sondage mené par Léger-Institut du Nouveau Monde (INM) sur la réduction des inégalités.

Selon ce sondage, 70 % des Québécois considèrent que « la réduction des inégalités de revenus au Québec devrait être une priorité pour le gouvernement du Québec ». Cependant, ils sont presque autant (67 %) à refuser d’emblée de « payer plus d’impôts et de taxes ».

Cette contradiction apparente pourrait se régler, en bonne partie, assez facilement. Avant que l’État intervienne dans son rôle de redistributeur de la richesse, il y a une première répartition qui se fait avec les salaires versus les profits des entreprises.

 

Inégalités et syndicalisation

Dans une récente étude, intitulée Les syndicats nuisent-ils au Québec, l’IRIS démontrait le lien entre la syndicalisation et une meilleure répartition de la richesse à l’aide d’une compilation de différentes études sur le sujet.

En comparant le taux de syndicalisation à l’indicateur de distribution des revenus Gini – un coefficient est très utilisé pour mesurer l'inégalité des revenus dans un pays – l’IRIS a pu constater que plus le taux de syndicalisation est faible dans un pays, plus le coefficient de Gini tend à être élevé.

En regroupant 33 pays de l’OCDE en 3 catégories de 11 pays, il apparaît que les 11 pays au coefficient de Gini le plus faible présentent un taux de syndicalisation moyen de 45,8 %; les pays intermédiaire ont un taux de syndicalisation moyen de 19,4 %; celui des 11 pays les plus inégalitaires de l’OCDE affiche une moyenne de syndicalisation de seulement 17,1 %.

Modifier le Code du travail pour élargir l’accès à la syndicalisation des travailleuses et travailleurs du secteur privé serait donc un excellent moyen pour réduire les inégalités au Québec, sans toucher aux finances de l’État.

 

75% de la main-d’œuvre du secteur privé est non syndiquée

Selon une étude d’Alexis Labrosse pour le compte de Travail Québec, le taux de présence syndicale au Québec était de 39,8 % en 2013. Dans le secteur privé, il n’est que de 25,6 %. Il y a donc plus de 60% de la main d’œuvre – 75 % dans le secteur privé – qui est non syndiquée.

En fait, c’est beaucoup plus que 60 %, car le 39,8 % a été établi en ne tenant compte que de la main-d’œuvre salariée. Cela exclut les travailleurs autonomes qui, en raison de leur statut, ne peuvent faire partie d’une unité de négociation parce que non-syndicables, selon les dispositions actuelles du Code du travail.

Et le nombre de ces travailleurs autonomes n’est pas négligeable. Ils représentent 14,7 % de l’emploi au Québec !

 

Pour des négociations multipatronales

Le Rapport Bernier, paru en 2003, évaluait à près de 40 % le pourcentage de la main-d’œuvre qui occupait un emploi atypique ou précaire. Pour faciliter la syndicalisation, il proposait, entre autres, de modifier le Code du travail pour instaurer un régime de négociation multi-patronal.

C’est déjà, par exemple, le cas pour les ouvriers de la construction qui ont la même convention collective pour tous les patrons de l’industrie.

Voilà une mesure qui ne coûterait rien à l’État, mais permettrait de réduire les inégalités au Québec.