L’austérité risque d’enfoncer le Québec dans la récession

2014/10/23 | Par IREC

Dans le mémoire qu’il présente aujourd’hui devant la commission d’examen sur la fiscalité québécoise, l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC) estime que l’approche gouvernementale de l’austérité risque d’enfoncer le Québec dans la récession tout en augmentant les inégalités sociales. « Ces politiques d’austérité ont un effet dépressif sur la demande intérieure avec la baisse des salaires réels et de la protection sociale. Du coup, les ménages ne consomment plus qu’en s’endettant davantage et les entreprises, malgré des profits qui remontent et des taux d’intérêt très bas, préfèrent miser sur les rendements de leurs actifs liquides sur les marchés financiers plutôt que dans l’économie réelle », a déclaré Robert Laplante, directeur général de l’IRÉC.

Selon l’institut, ce ne sont pas les dépenses qui plombent la situation budgétaire du gouvernement du Québec, mais bien plutôt l’affaiblissement graduel de ses revenus. « En fait, a poursuivi Robert Laplante, la colonne des dépenses n’est pas la principale responsable des difficultés présentes des finances publiques. L’évolution de la colonne des revenus explique en bonne partie les véritables faiblesses de la situation. À titre d’exemple, si les contributions fiscales étaient restées au même niveau qu’elles étaient en 2000, les gouvernements auraient eu aujourd’hui des recettes supérieures de plus de 10 milliards $ ».


Le déséquilibre fiscal, source des difficultés actuelles

Ce sont les décisions unilatérales d’Ottawa qui expliquent la plus grande part des difficultés actuelles. « Le déséquilibre fiscal du fédéralisme canadien est le principal facteur de déstabilisation des finances publiques, a expliqué l’économiste. S’il existe une telle chose qu’un déficit structurel, ce ne sont pas les dépenses qui l’expliquent. Un régime fédéral dysfonctionnel laisse le Québec à la merci de décisions unilatérales qui affectent gravement ses niveaux de revenus et le laisse gérer les besoins prioritaires en le privant des ressources qui lui permettraient de répondre adéquatement au financement des services. De 2009 à 2013 c’est 6,6 milliards de dollars qui ont été retranchés des transferts fédéraux. Depuis le milieu des années 1990, ces transferts sont passés de 25 % à 15 % des recettes du gouvernement du Québec. Il n’est donc pas étonnant qu’il lui est de plus en plus difficile de financer les services publics ».

Contrairement à ce que laissent entendre des discours idéologiques répandus, le Québec et le Canada ne sont pas des enfers fiscaux. Tant s‘en faut. Powerwaterhouse Coopers classe le Canada parmi le groupe des dix pays ayant la fiscalité la plus favorable aux entreprises. Quant au fardeau fiscal global des Québécois, il est plus faible aujourd’hui de trois points de pourcentage à ce qu’il était il y a quinze ans. « Nous entendons trop souvent dire que nous sommes les plus taxés au Canada et en Amérique du Nord. Cette affirmation est trompeuse si nous n’y ajoutons pas la valeur que représentent des services qui sont à peu près uniques au Québec (CPE, congés parentaux, faibles frais de scolarité à l’Université, etc.) », a fait remarquer le directeur général de l’IRÉC.


Un gouvernement en retard d’une génération sur les vrais enjeux du 21e siècle

Les solutions préconisées par Québec sont remises en question non seulement par de nombreux économistes, dont Joseph Stiglitz, Paul Krugman et Thomas Piketty pour ne nommer que les plus célèbres, mais également par des institutions internationales comme le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). En avril 2014, cette dernière recommandait la baisse des déductions fiscales, des crédits d’impôt et des exonérations qui bénéficient de façon disproportionnée aux hauts revenus, l’imposition complète des gains en capital et l’élargissement de l’assiette de l’impôt sur le revenu. « Dans les faits, des gouvernements ont déjà commencé à agir. L’impôt sur le revenu des personnes physiques s’est accru dans 25 des 34 pays de l’OCDE au cours des trois dernières années, alors qu’il a diminué dans neuf autres. Même le gouvernement de l’Ontario dont Québec dit vouloir s’inspirer prévoit la création d’un nouveau taux marginal d’imposition pour ceux qui gagnent entre 150 000 $ et 220 000 $ par année. Le gouvernement actuel du Québec est en retard d’une génération sur les vrais enjeux du 21e siècle. Son alarmisme revêt un caractère idéologique afin de justifier les compressions », a soutenu l’économiste et directeur général.


Mesures fiscales préconisées par l’IRÉC

Compte tenu de tous ces constats, l’IRÉC propose une série de mesures pour une plus grande progressivité de l’impôt en ajoutant deux paliers supplémentaires, l’imposition des gains de capital et la modulation des crédits d’impôt pour les dividendes ainsi que des mesures afin de freiner la bombe à retardement fiscal pour les finances publiques du Québec que représentent les comptes libres d’impôt (CÉLI) - la dépense fiscale sera de 600 millions $ par année pour le gouvernement québécois lorsque cet outil sera pleinement utilisé vers 2029. L’institut préconise également une fiscalité plus efficace et cohérente pour les entreprises, dont l’introduction d’un impôt minimum sur les profits et d’une imposition unitaire pour les transnationales. Il recommande également la création d’une taxe au risque environnemental s’appliquant au transport du pétrole et des matières dangereuses traversant son territoire en plus de suggérer une approche plus cohérente d’écofiscalité afin de financer la transition écologique nécessaire pour faire face aux changements climatiques


Politiques économiques proposées par l’IRÉC

Comme la fiscalité est un instrument de solidarité sociale et que le système fiscal n’est pas isolé des autres institutions et des politiques de développement économique, l’IRÉC propose toute une série de mesures visant à soutenir le développement économique par le choix de stratégies sectorielles pertinentes, dont l’électrification des transports, l’utilisation efficace de la biomasse, l’efficacité énergétique, l’habitation durable et la mise sur pied d’un plan de développement des entreprises du secteur des technologies vertes.

L’économiste Robert Laplante a conclu en citant Joseph Stiglitz, récipiendaire d’un prix Nobel d’économie : « L’objectif n’est pas en soi d’augmenter les impôts. C’est plutôt de créer un système fiscal plus efficace qui permet d’atteindre simultanément plusieurs objectifs sociaux : plus d’emplois et de croissance, une meilleure répartition du revenu et moins de dégradation environnementale »