Retraites : Couillard sur les traces de Bouchard

2015/01/06 | Par Germain Dallaire

L’auteur est retraité du secteur public

Le ministre Coiteux en fume vraiment du bon. Un peu avant Noël, il s'est permis de dire que ses modifications aux conditions de retraite des employés du secteur public conduiraient à environ 5 000 départs supplémentaires s'ajoutant aux 15 000 départs annuels « réguliers ».

Le moins qu'on puisse dire c'est qu'il est permis d'en douter et qu'il faudra ajouter cette estimation aux nombreuses tentatives du gouvernement Couillard de nier l'effet de ses coupures. Voyons-y de plus près.

Dans un article signé Stéphanie Grammond, paru dans la Presse du 18 décembre dernier, la journaliste nous présente un cas hypothétique calculé par un actuaire. Il s'agit d'un employé du secteur public qui veut prendre une retraite anticipé (à 55 ans).

S'il prend sa retraite le 31 décembre 2016, il recevra une rente annuelle de 25 684$ par année. S'il la prend le lendemain, 1er janvier 2017, soit le moment où le gouvernement veut mettre en application ses nouvelles conditions de retraite, il recevra 14 887$ par année.

S'il veut retrouver son niveau de rente d'avant les changements, il devra attendre trois ans pour obtenir une rente de 24 856$. La question à un million: que fera cet employé? Poser la question, c'est y répondre. Comme dirait l'autre: « le calcul vaut le travail ».

Évidemment, on a affaire à un cas extrême, une retraite anticipée sur cinq ans, difficile de trouver cas plus pénalisant. Faisons maintenant l'exercice en comparant une personne au même salaire moyen, mais cette fois-ci à 59 ans le 31 décembre 2016, donc avec un an de pénalité (4%).

Dans de telles conditions, sa rente s'élève à 36 718$. Si cette même personne attend un an, donc les nouvelles conditions (pénalité de 14,4%), sa rente s'élèvera 33 808$. En fait, pour retrouver un même niveau de rente, il faudra qu'il attende ses 60 ans et ¾. Et cela, c'est sans tenir compte de l'impact du calcul du salaire moyen sur les huit meilleures années plutôt que sur les cinq meilleures comme c'est le cas actuellement. On peut donc dire, sans trop se tromper, qu'aux conditions présentées par le gouvernement, les travailleurs du secteur public devront attendre de deux ans à trois ans avant de retrouver leur niveau de rente correspondant aux conditions actuelles.

Je n'ai pas de portrait précis de la structure d'âge du secteur public, mais je sais, comme tout le monde, que nous sommes dans la période où les baby-boomers prennent leur retraite, ce qui signifie déjà un nombre plus important de retraités que d'habitude.

Il faut également tenir compte du fait que les conditions de prise de retraite ne sont pas les seuls éléments quand un employé est en réflexion. Le climat de travail en est également un d'importance. Or, depuis longtemps déjà, le secteur public subit coupures après coupures. Celles annoncées par le gouvernement Couillard depuis son élection sont sans précédents et ressemblent à un coup de massue. Rien pour améliorer le climat de travail... Il s'agit très certainement là d'un puissant incitatif à la retraite.

À la lumière de ces faits, on peut certainement avancer qu'à peu près tous les gens qui avaient l'intention de prendre une retraite au cours des années 2017 et 2018 auront un intérêt objectif à la prendre avant la mise en vigueur des nouvelles conditions. Non seulement, on va plus que doubler le nombre habituel de retraités, on risque même de le tripler.

En 1997, le gouvernement Bouchard, avec son programme de mises à la retraite avait atteint 37 000 salarié(e)s, le double de ce qui était prévu. Depuis ce temps, le libéraux en ont fait un élément important de leur cassette anti-péquiste. Pas de compagne électorale, pas de débat des chefs sans que ce programme soit évoqué par les libéraux pour dénoncer les péquistes.

Avec leurs nouvelles mesures, les libéraux risquent fort de dépasser le chiffre atteint par le PQ. Non vraiment, si le gouvernement Couillard voulait saboter les services publics, il ne s'y prendrait pas autrement.


Photo : Ledevoir.com