Pot-pourri d’énormités sur la bien réelle austérité

2015/01/16 | Par Martin Lachapelle

Première énormité, le gouvernement Couillard a beau jeu de présenter, de façon fallacieuse, ses politiques néolibérales d’austérité comme étant de la simple « rigueur budgétaire ». Franchement, qui peut s’objecter au principe de gestion rigoureuse du budget de l’État ? C’est même ce à quoi tous les citoyens s’attendent en tout temps de la part d’un gouvernement !

Or, le problème est que les libéraux se sont fait élire en promettant des emplois et non des compressions. Ce qui n’empêche pas plusieurs chroniqueurs de légitimer cette arnaque, en appuyant les mesures d’austérité ou de « rigueur » à grands coups d’énormités…


Richard Martineau : « Et si « austérité » rimait avec « solidarité » ? »

Oui, austérité rime avec solidarité, si on prend le mot « rimer » au pied de la lettre. Comme Richard rime avec bobard. Car, si austérité rime effectivement avec solidarité, mais seulement au sens propre. le problème est que l’austérité préconisée par l’idéologie néolibérale de Martineau rime encore mieux autant au sens propre qu’au figuré, pour le commun des mortels, avec pauvreté, inégalités, déposséder et privatiser…

Alors Martineau peut bien prétendre vouloir sauver l’État-providence (qu’il critique pourtant continuellement) en affirmant que les gouvernements doivent cesser de dépenser, mais il oublie de mentionner que les gouvernements des pays industrialisés sont surtout endettés parce qu’ils ont délibérément négligé, depuis les années 80, l’autre colonne du budget : celle des revenus.

Avec pour résultats un manque gagner récurrent et un fardeau fiscal graduellement inversé sur le dos des petits particuliers. Au profit des riches et des grandes entreprises. Même Warren Buffet reconnaît que sa secrétaire paye plus d’impôts qu’un milliardaire tel que lui.

Doit-on rappeler à Martineau que Joseph Stieglitz, Prix Nobel d’économie et ancien économiste en chef de la Banque mondiale (BM), a affirmé que « l’austérité a été un désastre complet » après avoir constaté les effets néfastes des mesures d’austérité draconiennes en Europe préconisées par la BM et le FMI ?

Le FMI a aussi ajouté que les gouvernements doivent taxer et imposer davantage les riches et les entreprises, car la plupart des gouvernements se contentent de couper les dépenses sans augmenter les revenus :

« Le taux maximal d’imposition des Canadiens de revenus supérieurs pourrait être relevé de plus de 15 points de pourcentage sans que cela risque trop de les inciter à travailler moins ou à chercher des moyens de se cacher du fisc » (cité dans Le Devoir du 10 octobre 2013)

À titre d’exemple, au Canada, entre 2003 et 2013, les profits des entreprises ont plus que doublé en passant de 102,7 G$ à 243,4 G$, bien que les impôts payés au gouvernement, eux, ont baissé de 900 millions, en passant de 32,3 G$ à 31,4 G$! Trouvez l’erreur…

Et dire que Martineau reproche au gouvernement de trop dépenser, en affirmant que « la solidarité intergénérationnelle devrait être un devoir pour TOUS les Québécois ».

Le comble dans tout ça est que Martineau, qui ne s’est pas encore remis du son des casseroles lors du printemps érable de 2012, et qui snobe les médias sociaux qui le laisseraient « complètement indifférent », a également demandé aux opposants de ne plus descendre dans la rue :

« Arrêter de descendre dans la rue chaque fois que le gouvernement nous demande de faire un effort pour sortir la province du trou. »

Notez que le « nous » de Martineau a la particularité du « on », en excluant la personne qui parle et, surtout, ceux que Martineau représente, c’est-à-dire les riches et la grande entreprise.

Alors c’est plutôt risible d’entendre un chroniqueur de droite surmédiatisé snober les médias sociaux et demander aux opposants à l’austérité de se la boucler en cessant d’utiliser la rue pour manifester. Surtout quand on sait que la droite néolibérale, qui possède les grands médias privés et gouverne le Québec, n’aura jamais besoin de se fendre le cul à manifester dans la rue pour être entendue.

Éric Duhaime, approuvant le texte de Martineau, sur Facebook : « Mon ami Richard Martineau a encore une fois raison: Ce sont les gauchistes qui sont égoïstes en voulant augmenter toujours un peu plus la dette publique. Leur hold-up contre les générations futures manque de solidarité... »

N’importe quoi. Ou plutôt exactement le contraire de la réalité. Le fossé de la pauvreté se creuse et les dettes publiques moyennes des pays industrialisés ont, comme par hasard, atteint deux sommets lorsque les impôts de la droite des plus fortunés étaient aux niveaux les plus bas : 1930 et 2008.


André Pratte propose un référendum… sur « l’austérité » qu’il s’évertue à nier

Oui, on parle bien du même Pratte qui est pourtant allergique au mot « référendum », en prétextant qu’il s’agit d’une dépense inutile et d’une source de divisions. Le même Pratte qui a incité ses lecteurs à voter libéral pour trois raisons, en 2014, sans parler d’austérité, et en stipulant qu’un vote libéral représentait justement une garantie qu’il n’y aurait pas de référendum.

Si l’idée d’un référendum sur l’austérité fut bien accueillie par certains opposants confiants de pouvoir le gagner, on doit aussi souligner que plusieurs l’ont rejeté non sans raisons en soulignant que les libéraux auraient pu économiser en faisant de cet enjeu le thème principal de la dernière élection. Plutôt que de mentir à la population sur leurs véritables intentions.


Alain Dubuc : « La stratégie de l’hyperbole » et « Le rituel syndical »

Fervent partisan de l’austérité, Alain Dubuc nous a démontré qu’il s’y connait en matière de projection lorsqu’il a affirmé que les syndicats et les autres opposants aux politiques néolibérales du gouvernement feraient dans l’exagération, en déformant la réalité pour gagner la bataille de l’opinion publique et faire reculer le gouvernement :

« Plus on crée un climat de crise sociale, plus on a de chances d'affaiblir le gouvernement et de gagner la bataille de l'opinion publique. Et ça fonctionne assez bien. »

On a constaté à quel point Dubuc et ses collègues de Gesca s’y connaissent bien dans l’art d’exagérer et de créer un climat de crise sociale pour affaiblir un gouvernement et gagner la bataille de l’opinion publique (par le chantage économique), lorsque le PQ de Marois, minoritaire de surcroît, a voulu, à son arrivée au pouvoir en 2012, augmenter les redevances minières et les impôts de la minorité la plus fortunée.

Panique hystérique totale. C’est tout juste si le PQ ne fut pas traité OFFICIELLEMENT de gouvernement « communiste »! Rappelons que Dubuc, dans « À la recherche de la juste part », avait mentionné, pour présenter les deux options sur la table, que « les républicains américains prétendent qu'il faut baisser l'impôt des riches pour favoriser l'investissement. Le régime cubain prône plutôt la confiscation. »

Comme quoi Dubuc est un champion de l’exagération.

Chose certaine, la « réingénierie » de l’État 2.0 des libéraux est malheureusement commencée. Et la grande vente de salades néolibérales avariées bat son plein sur toutes les grandes tribunes. Même si tous les vendeurs ne s’entendent pas sur le nom à donner à la salade indigeste qu’on tente de nous faire avaler : rigueur ou austérité ?

Or, le problème n’est pas le nom du produit mais bien sa toxicité… Car un poison, peu importe la dose, demeure un poison. Et l’austérité néolibérale, partout à travers le monde et spécialement en Europe, a depuis longtemps démontré sa très grande toxicité.

En attendant, la propagande néolibérale en faveur des mesures d’austérité est aussi invitante qu’une info-pub douteuse de vieux suppositoires usagés.