Aux armes, citoyens!

2015/01/21 | Par Michel Rioux

Alors que d’aucuns voulaient lancer des hordes de grévistes à l’assaut du pouvoir d’État en pieds de bas, le photographe avait pris une photo saisissante du thème du congrès de la CSN, en 1975, Des moyens pour se battre. Déposé sur l’affiche, il y avait…un crayon !

De bouleversante façon, Charlie a fait récemment la démonstration de la force d’un crayon.

Il faut de toute urgence reprendre la bataille intellectuelle contre le néolibéralisme. Resserrer les rangs pour mener la guerre aux idées reçues. Affûter nos armes et nos munitions pour riposter aux fabricants d’opinion. Démasquer les idéologues de droite qui s’activent, avec malheureusement trop de succès, à protéger les intérêts des bien nantis. Occuper le terrain du débat public.

Depuis le début des années 1980 et les politiques de Reagan/Thatcher inspirées de l’école de Chicago, de sinistre mémoire, les forces de progrès n’ont cessé d’encaisser des reculs. Nous leur avons en quelque sorte cédé la place, occupés que nous étions – et que nous sommes encore – à sauver les quelques meubles épargnés par leurs razzias dévastatrices.

Pendant ce temps, l’expression voulant que les riches se soient enrichis et les pauvres appauvris a pris son sens le plus tragique. Et si le mot scandale voulait encore dire quelque chose, il serait approprié en l’occurrence. Comment, en effet, peut-on tolérer que 99 % de la richesse mondiale soit concentrée entre les mains du 1 % le plus riche ? Que, rapporte Oxfam, il fallait 388 milliardaires en 2010 pour détenir autant de richesse que la moitié la plus pauvre de la planète et qu’il n’en fallait plus en 2014 que 80 ?

Si le brigandage financier de cette « économie de casino », dont les effets corrosifs s’étalent tous les jours, peut se poursuivre impunément, c’est parce qu’il s’en trouve un trop grand nombre pour s’être laissés convaincre que ces brigands travaillent pour eux. Que les retombées sociales de la cupidité de quelques-uns de ces voleurs de grand chemin étaient, finalement, bonnes pour la collectivité.

Il faut plus que s’époumoner à dénoncer les salaires stratosphériques qui leur sont versés sans vergogne, les bonus démentiels qui leur sont octroyés, les sommes faramineuses qu’ils déportent dans des paradis fiscaux complaisants, les parachutes dorés dont jouissent les membres de cette caste et les stocks options qu’ils se distribuent à bouche que veux-tu !

Ce à quoi il faut s’attaquer et qu’il faut déraciner de nos esprits, c’est l’idée même de ce capitalisme sans pays et sans frontières, qui ne produit de la richesse que pour ses actionnaires, qui spécule avec l’argent des autres et sur le dos du peuple.

C’est ce capitalisme financier qu’il faut expulser des cerveaux. Il faut les appeler par le seul nom qui leur sied : ces spéculateurs sont des sangsues de la société, des parasites non seulement tolérés par les gouvernements, mais entretenus de la meilleure manière.

On voit ici depuis quelques mois des sursauts – qui ne sont pas encore des réveils – qui s’expriment dans la rue pour contrer cette entreprise menée par le gouvernement libéral et qui consiste à déflaboxer le modèle québécois de sorte qu’il se fonde parfaitement aux impératifs tant canadiens que continentaux et mondiaux.

C’est ce à quoi s’activent sans relâche, et sans états d’âme, le premier ministre Couillard et son homme de main libertarien, Martin Coiteux, qui trouvent qu’il y a trop de gouvernement.

Mais, ne leur en déplaise, c’est durant une période où les États ont été actifs dans l’organisation des sociétés et la redistribution de la richesse ; où les organisations syndicales avaient davantage voix au chapitre et jouaient un rôle de premier plan dans la protection et la promotion des intérêts non seulement de leurs membres, ce qui est déjà fort honorable, mais dans la mise en avant de mesures économiques et sociales profitant à l’ensemble ; où s’est constituée une classe moyenne qui a connu des gains importants en terme de conditions de travail et de conditions d’existence que les choses allaient pour le mieux.

C’étaient les Trente glorieuses, ces années dont des idéologues comme Martin Coiteux pourfendent maintenant les fondements : la place de l’État, qui régulait, qui créait, qui construisait ; la place des syndicats, qui revendiquaient, qui luttaient, qui gagnaient.

Mais aujourd’hui encore, les organisations syndicales sont les mieux outillées pour fédérer la résistance au démantèlement du modèle québécois et se trouver sur la première ligne du combat public à mener contre ces zélotes du ratatinement collectif.

Aux armes, citoyennes et citoyens ! Sortez crayons, stylos, ordis, micros…