Hommage à un Patriote

2015/02/16 | Par Louis-Philippe Sauvé

L’auteur est président du Forum Jeunesse du Bloc Québécois

Je déroge ici de mon sujet habituel pour rendre un dernier hommage à un homme hors du commun. Le 8 février dernier, le mouvement indépendantiste a perdu l’un de ses défenseurs les plus acharnés. Évidemment, je veux parler de Monsieur Gilles Rhéaume. Deux semaines seulement avant qu’il ne nous quitte, je l’ai revu lors d’une soirée en appui à la candidature d’un ami. Rien ne laissait présager que monsieur Rhéaume allait partir et franchement, je lui en veux un peu d’être parti si vite.

Non Rhéaume n’avait pas le droit de mourir, pas maintenant. Nous avions encore besoin de lui. Nous avions besoin de son verbe. Nous avions besoin de son érudition. Nous avions besoin de sa fougue. Nous avions encore besoin du baroudeur de l’indépendance. Pourtant on n’y peut rien. La mort nous tombe dessus comme ça, sans avertir. Elle nous arrache ceux qu’on aime pour ne nous en laisser qu’un souvenir. Soixante-trois ans, c’est jeune en maudit pour mourir de nos jours.

J’ai connu Rhéaume il n’y a pas si longtemps alors que j’étais un cégépien assoiffé de connaissances et de militantisme. Mon chum Félix et moi allions aux lundis de l’histoire après nos cours pour l’entendre parler des Patriotes, de la SSJB, de la Patente et du R.I.N. Il ne mâchait pas ses mots ce Rhéaume. Je me souviens très bien de cette conférence sur l’histoire du Parti libéral où il n’hésitait pas à qualifier publiquement les libéraux de bandits, de voleurs, de crapules et de rapaces. On pouvait bien lui reprocher ses opinions parfois tranchées, mais à l’ère de l’hypocrisie et de la rectitude politique, une telle franchise avait un je-ne-sais-quoi de rafraîchissant.

Censurer un homme comme lui était hors du domaine du possible. Sans cesse il nous rappelait l’affaire des traîtres et comment il lui avait été interdit de prononcer le mot «traître» au Canada pendant 22 ans. «Je ne m'en suis pas privé en Europe», affirmait-il pour conclure l’anecdote. Sacré Rhéaume !

Il avait une grande affection et une grande confiance envers les jeunes. Avec cette mentalité toute particulière qu’il avait héritée de l’Ordre de Jacques-Cartier, il nous rappelait sans cesse à nous, les jeunes de la Baptiste, que nous étions l’avenir du mouvement indépendantiste. Il nous a enseigné à prendre notre place. «Je suis de la génération des morts et vous êtes de celle des vivants» nous disait-il. Le message était clair, nous avions le devoir de prendre le flambeau. Rhéaume s’appliquait à préparer la relève et c’est pour cette même raison qu’il tenait tant à transmettre ses connaissances en arts oratoires aux indépendantistes de ma génération.

Ainsi nous enseigna-t-il à nous exprimer, à utiliser des images et des figures de style, à parler tantôt calmement, tantôt avec vigueur. Parfois avec émotion, parfois froidement. À utiliser les silences et les variations. Bien que retraité, il n’a jamais renoncé à l’enseignement et nous a beaucoup appris.

Un départ aussi précipité nous rappelle à quel point chaque moment passé est unique. Quand je lui ai parlé pour la dernière fois, il m’a demandé des nouvelles. Je lui ai parlé rapidement, lui demandant quelques conseils de pro des discours. J’étais pressé. Stressé. Le moment a passé rapidement.

Il m’arrivait souvent de me dire qu’après les élections fédérales, quand je serais moins occupé, j’irais à la Baptiste écouter ses conférences du lundi soir. Si j’avais su que ce serait la dernières fois… Mais qui peut prévoir l’imprévisible?

Gilles Rhéaume était un patriote et un homme généreux. Bon vivant, il aimait l’histoire, la politique, la philosophie, la bonne bouffe et la bonne bière. Mais il était d’abord et avant tout un passionné du Québec. Ce verdunois d’origine était, comme la plupart des gens de son quartier, un combattant. Pendant cinquante ans, il s’est battu pour la libération du Québec, donnant conférence sur conférence, livrant discours par dessus discours.

En janvier 1985, Gilles Rhéaume entamait une grande marche pour dénoncer le beau risque du gouvernement Lévesque, mais surtout pour sensibiliser les Québécois à l’indépendance à une époque où l’option se portait plutôt mal. C’est ici que s’est arrêté son chemin. Nous le continuerons pour vous Monsieur Rhéaume.

Salut Patriote !