Les inégalités hommes-femmes sous le radar de Gesca

2015/03/06 | Par Martin Lachapelle

Aveuglément partisan des intérêts du secteur privé et des politiques d’austérité du gouvernement libéral pourtant néfastes pour les femmes, l’empire Gesca a récemment « oublié » de publier deux nouvelles importantes concernant les inégalités persistantes entre les hommes et les femmes.

Une étude de l’IRIS sur les politiques d’austérité bien réelles et les investissements publics de relance économique depuis 2008. Et une note de l’Institut de la Statistique du Québec, sur l’écart salarial de genre d’au moins 12 % dans le secteur privé.

Deux nouvelles sûrement « impertinentes » dont plusieurs groupes de médias ont parlé sauf Gesca.


IRIS : austérité et relance économique, les femmes doublement désavantagées

Le 2 mars dernier, l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) a présenté une étude dont les conclusions, basées sur trois constats embêtants, furent ensuite rapportées dans plusieurs médias québécois. Et pas seulement dans le seul journal quotidien indépendant et progressiste, soit le Devoir. Trois des principaux empires médiatiques du Québec en ont parlé : Radio-Canada, Transcontinental et même Québecor.

Mais aucun lien sur le web rattaché à cette étude pour les sept journaux de Gesca, qui a récemment dénoncé le traitement de l’information sensationnaliste, impertinent et incomplet des autres médias.

Premier constat, l’austérité bien réelle confirmée par le fait que la somme des dépenses gouvernementales annuelles se situera probablement, en 2015-2016, sous le taux d’inflation pour la troisième fois dans les cinq dernières années.

L’étude de l’IRIS a également le mérite de tracer deux autres constats, démontrant que les femmes furent doublement désavantagées face aux hommes par les politiques de sortie de crise du gouvernement du Québec depuis 2008.

Un désavantage de 3,7 G$ des femmes comparativement aux hommes, plus favorisés par des investissements dans des secteurs majoritairement masculins, qui s’ajoute à des politiques d’austérité de 23 G$ depuis 2010 ayant davantage touchées les femmes de « seulement » 3,1 G$.

Telles que des coupes générales et des hausses de taxes et de tarifs (correspondant à des mesures régressives ne tenant pas compte de la capacité de payer des utilisatrices).

Ou encore des réductions ou des gels des salaires dans la fonction publique qui, devons-nous le rappeler, est le principal employeur des femmes au Québec.

Résultat final ? Une augmentation des inégalités de genre de 6,8 G$.

Et tout ça, alors que les hommes étaient déjà avantagés et mieux payés…


ISQ : écart salarial de 12 % entre les hommes et les femmes du secteur privé

Deux jours après la sortie de l’étude de l’IRIS, l’Institut de la statistique (ISQ) a publié une note sur l’écart salarial moyen de 12 % défavorable aux femmes comparativement à leurs collègues masculins du secteur privé.

Pour des emplois à temps plein, dans des professions à forte concentration masculine et même sans prédominance liée au genre, au sein d’entreprises de 200 et plus de 500 employé(e)s. Et ce malgré une solide formation universitaire.

Une autre nouvelle passée sous le radar de Gesca.

Notons que l’ISQ a aussi constaté un écart salarial significatif défavorable aux femmes dans 5 des 14 principales professions recensées.

Des écarts salariaux qui pourraient s’expliquer par quelques facteurs non considérés comme « les arrêts de travail pour des raisons familiales ».


Un obstacle à l’équité salariale : manque de conciliation travail-famille

Conséquence ? Les femmes sont souvent forcées de s’absenter plus souvent du travail que les hommes pour des tâches parentales (et domestiques mal partagées…) non rémunérées dont dépendent pourtant la famille et l’activité économique de la société.

Une étude de 2011 sur la conciliation travail-famille citée dans un article du Devoir a d’ailleurs démontré que les obligations familiales ont forcé les femmes à s’absenter en moyenne 71 heures par année comparativement à 19 pour les hommes.

Des mères aimantes et travaillantes souvent monoparentales oeuvrant dans différents milieux qui, trop souvent par obligation et parfois par choix, passent donc plus de temps en dehors du travail pour s’occuper de l’avenir de la nation : les enfants.

Comme des femmes médecins apparemment trop portées sur les valeurs familiales que le gouvernement libéral blâme pour le manque d’accès à un médecin de famille en menaçant de les pénaliser si elles ne travaillent pas davantage.

« Belle » vision du concept de conciliation travail-famille. Et on ne parlera pas de la hache à venir dans le programme de congé parental…


Bonne nouvelle : les Oscars contribueraient à l’équité salariale au Québec…

Gesca a toutefois publié un article de la Presse Canadienne sur l’effet apparemment bénéfique qu’aurait eu la cérémonie des Oscars et le plaidoyer de l’actrice Patricia Arquette concernant l’importance de mettre fin aux inégalités hommes-femmes… aux USA.

Merci Patricia!

Ironiquement, l’article cite la présidente du Comité sur l’équité salariale qui confirme que des travailleuses l’ont appelée à cet effet, en ajoutant qu’il est toujours bon pour la cause quand les médias en parlent…

Un article optimiste dans lequel on mentionne que les 50 000 entreprises assujetties à la Loi sur l’équité salariale se seraient engagées à 83 % à la respecter en présentant des preuves tangibles d’ici le 31 décembre prochain.

L’ennui est que cet article de la Presse Canadienne a oublié de mentionner que les employeurs toujours non-participants à « seulement » 17 %, principalement dans les secteurs du commerce de détail, de la restauration et de l’hébergement, emploient majoritairement des femmes sous-payées.

Un oubli cette fois pardonné par Gesca.


L’écart salarial et de revenu a diminué, oui, mais…

Oui, les mentalités ont commencé à changer. Et oui, l’écart salarial entre les hommes et les femmes a légèrement diminué depuis au moins une bonne dizaine d’années. Sauf que trois nuances importantes s’imposent sur ces fragiles avancées.

Tout d’abord, le niveau d’inégalités salarial et de revenu défavorable aux femmes est probablement plus important encore car les études portent généralement sur les travailleurs et travailleuses à temps plein, alors que les femmes occupent pourtant beaucoup d’emplois à temps partiel peu rémunérés.

Pendant qu’on assiste justement à une augmentation du travail autonome et des jobines à temps partiels sous-payées depuis plusieurs années comparativement à l’offre d’emplois à temps plein bien payés. Une autre nouvelle rapportée par d’autres médias comme Radio-Canada.

Deuxièmement, les écarts salariaux significatifs du privé sont l’affaire d’emplois non-syndiqués.

Troisièmement, le rétrécissement de l’écart salarial de genre encore défavorable aux femmes, moins important que dans le Rest of Canada, au même titre que notre fossé des inégalités riches-pauvres est aussi moins prononcé, ne relève pas de la magie des Oscars ou de Disney.

Et un gros merci au modèle québécois qui permet aux femmes d’ici de se scolariser en s’endettant moins que celles du ROC, pour ensuite occuper des emplois de qualité, notamment dans la fonction publique, en offrant des services essentiels à la population.

Un modèle québécois moins inégalitaire jugé trop généreux que la droite néolibérale au pouvoir à Québec, et son empire de propagande Gesca, veut maintenant démanteler.

Or, le niveau d’inégalités entre les hommes et les femmes d’ici, déjà injuste et trop élevé, est inévitablement appelé à augmenter avec des politiques d’austérité basées sur une forme régressive de tarification et de taxation, jumelées à des coupures dans la fonction publique syndiquée en éducation, dans les CPE et en santé. Tous des secteurs à prédominance féminine.

Après ça, l’austère Gesca viendra peut-être souligner la Journée internationale de la Femme du 8 mars prochain, pour l’élite féminine de la société, en soulignant le fait qu’il existe un plafond de verre pour les femmes d’affaires. Sans préciser que le navire amiral contrôlant Gesca, Power Corporation, ne compte seulement que 2 femmes sur les 11 membres de son conseil d’administration.

Mais bonne fête quand même ma gang de « chanceuses », de la part du gouvernement libéral et de Gesca ! Et on lâche pas!

Parce que vous êtes belles, fines pis capables…