Le OUI et l’immigration : Péladeau, aussi brûlé que Parizeau ?

2015/03/24 | Par Martin Lachapelle

Même si le rejet du OUI et du PQ par une grande majorité d’immigrants est un fait documenté et bien connu, et même si PKP n’a pas voulu mal faire en parlant de l’urgence bien réelle de réaliser l’indépendance (pour une multitude de bonnes raisons qui n’ont rien à voir avec l’immigration), toute statistique véridique n’est pas bonne à dire en politique.

Surtout lorsque vous représentez un parti déjà injustement accusé de xénophobie. Résultat ? Le PQ et le OUI en ressortent entachés et discrédités par la propension de PKP à s’auto-pelure-de-bananiser.

Mercredi le 18 mars dernier, dans un débat pour la chefferie du Parti québécois, le candidat Pierre Karl Péladeau a créé un profond malaise au sein du parti et du mouvement indépendantiste par sa maladroite sortie sur l’urgence de réaliser l’indépendance du Québec en raison de l’immigration.

« Nous-là, on n'aura pas 25 ans devant nous pour le réaliser. Avec la démographie, avec l'immigration, c'est certain qu'on perd un comté à chaque année. »

Règle élémentaire # 1 pour un politicien indépendantiste et surtout du PQ (depuis la stigmatisation de Jacques Parizeau et le débat sur la Charte) : ne JAMAIS parler du « Nous » ni de l’urgence ou des obstacles à l’indépendance en faisant une quelconque allusion que ce soit à l’immigration.

Une règle tellement élémentaire qu’on s’étonne que PKP, pourtant appuyé par une armée de conseillers, ait pu la transgresser.

À la grande joie des libéraux, qui n’allaient pas manquer une si belle occasion d’accuser encore le PQ et le OUI de « nationalisme ethnique » en trainant ainsi dans la boue tout le mouvement indépendantiste.


Diabolisation du OUI et du PQ, prise 4509, action!

Tel que rapporté dans un article de La Presse publié le lendemain de la sortie de PKP intitulé « Péladeau sur l’immigration : dérive vers le nationalisme ethnique selon Couillard » :

« On a l'impression au PQ qu'on s'amuse à aller en France et à importer les problèmes et les solutions… Et là, on importe le Front national », a déclaré le ministre de la Santé Barrette, en ajoutant que le PQ montrerait « son vrai visage : un parti sectaire ».

Pour ceux que ça intéresse, « sectaire » est un adjectif dont la définition du Larousse est :

« Se dit de quelqu’un qui, par intolérance ou étroitesse d’esprit, se refuse à admettre les opinions différentes de celles qu’il professe. »

Intéressant, non ? Car faut quand même avouer que, en matière de sectarisme, le tellement tolérant et surtout pas sectaire ni dictatorial Gaétan Barrette sait de quoi il parle.

Autre belle leçon non pas de tolérance, mais bien de projection que celle servie par le ministre libéral Jean-Marc Fournier :

« Cet irrespect de ceux qui ne partagent pas leur point de vue me semble être une atteinte à la démocratie. »

« Une atteinte à la démocratie » ? Oui, Jean-Marc, c’est vrai que les carrés rouges du Printemps érable de 2012, comme le tellement « radical » Fred Pellerin, qui furent associés à la violence, au chaos et à l’anarchie par les libéraux, ont pu constater à quel point le Parti libéral et sa loi matraque anti-manif ont respecté la démocratie et ceux qui ne pensent pas comme lui.

Ben oui… Et sur la question nationale, on avait juste oublié à quel point l’argumentaire du camp du NON repose sur du positif. C’est-à-dire les prétendus avantages à demeurer un peuple infantilisé de locataires dans le Canada et non de propriétaires du Québec, même si Jean Charest a déjà avoué que les Québécois ont les moyens économiques d’être souverains…

Il ne viendrait surtout pas à l’idée des libéraux provinciaux ou fédéraux de faire de la politique négative avec un discours basé sur la peur, le chantage économique et la diabolisation sans cesse du OUI… Ni de mettre de la pression sur les immigrants pour les inciter à voter NON, ou de violer les règles démocratiques sur le financement électoral ou le nombre de personnes admissibles à voter.

Ben non, voyons. Les libéraux ne porteraient jamais « atteinte à la démocratie ».


La tolérance libérale et fédéraliste envers les immigrants indépendantistes 

«Quand j'ai été élu au Bloc québécois, souvenez-vous, le soir de l'élection, c'est un fédéraliste qui m'a traité de nègre!», a déclaré le Camerounais d’origine et péquiste Maka Kotto, que Philippe Couillard semble confondre avec Marc alias « Maca » Coteau.

Un Québécois intolérant « pure laine » et fictif vivant dans la tête du premier ministre allergique à l’intolérance (sauf en Arabie saoudite), qui a affirmé, après la sortie de PKP, que le PQ laïque et indépendantiste dérive vers un « nationalisme ethnique » depuis la Charte.

On aurait aussi pu ajouter le cas d’Oswaldo Nuñez, ex-député bloquiste, né au Chili, qu’un député libéral devenu maire de Montréal a déjà souhaité déporter…http://www.ledevoir.com/politique/montreal/390373/denis-coderre-le-respect-des-adversaires-et-le-souvenir-de-1993


Josée Legault : « Le stigmate »

Peu importe si le rejet massif du OUI et du PQ par certaines communautés culturelles est un fait connu remontant bien avant la déclaration de Jacques Parizeau.

Peu importe si l’appui massif des allophones (et anglophones) pour le Parti libéral et donc le NON s’élevait encore à au moins 70 %, selon un sondage Crop publié dans La Presse en juillet 2012.

Peu importe si un Camerounais d’origine devenu Québécois et indépendantiste confirme que PKP a raison en disant que l’immigration ne joue pas en faveur d’une adhésion des nouveaux arrivants au camp du OUI.

Et peu importe si le camp fédéraliste n’a aucune leçon de tolérance à donner aux indépendantistes.

PKP a commis « une erreur politique majeure » de faire allusion à l’immigration comme obstacle au OUI, comme le soulignait Josée Legault.

Parce que le contrôle de la propagande manichéenne des médias par le NON a depuis longtemps attribué au OUI le rôle du « méchant ».

Et les immigrants québécois ne seront jamais à blâmer de voter NON, car ils ne connaissent souvent pas notre histoire et font face à une dualité inégale d’intégration avec une seule citoyenneté accordée : la « canadian ».

Même si le faible appui des immigrants pour l’indépendance est un obstacle structurel bien réel, comme plusieurs autres, ce n’est pas en ouvrant la porte à des accusations de xénophobie que l’on parviendra à les convaincre des avantages du OUI.

Le pire dans tout ça est que PKP, « le stigmatisé », n’a pas voulu mal faire.

La politique, par ses règles hypocrites non-écrites, est cruelle et demande énormément de sagesse de la part des élus lorsque ces derniers s’expriment dans l’espace publique. Tous n’ont pas cette capacité de se tourner la langue au moins 7 fois avant de parler.

Ce « monitorage de soi », selon une théorie de psychologie sociale de Gangestad et Snyder (2000), n’est pas maîtrisé par tous. PKP, un gars fougueux et émotif aspirant à gouverner le PQ, par sa propension à s’auto-pelure-de-bananiser plus souvent qu’à son tour, en est visiblement dépourvu.

« D’ici l’élection de 2018, qui pâtira le plus de l’impact de cette tempête: PKP, le PQ ou les deux... », se demande Josée Legault.

Bonne question.

En attendant, les libéraux tournent déjà les prochaines pubs pour l’élection de 2018. Et devinez qui a remplacé Jacques Parizeau dans le rôle de l’épouvantail préféré des libéraux ?

PKP pourra toutefois continuer à travailler concrètement à la cause du OUI en faisant enfin contrepoids à la « propagande fédérale » qu’il a présentée avec raison comme un obstacle important, le jour où il retournera dans ses quartiers.

Puisque les anciens politiciens ont visiblement le droit de posséder des médias depuis la « vente » approuvée des journaux régionaux de Gesca…