Perdre la tête pour le pétrole de l’ouest

2015/10/14 | Par Louise Morand

L’auteure est membre du Comité vigilance hydrocarbures de l’Assomption

La Chambre de commerce du Montréal métropolitain a transmis son mémoire lors des audiences de la Communauté Montréal Métropolitain (CMM) sur le projet de pipeline Énergie Est de TransCanada.

Sans surprise, elle s’est montrée favorable au projet. Les raisons évoquées étant les revenus que devraient en retirer les raffineries de l’est de la ville, les entreprises liées à la pétrochimie et les fournisseurs du projet.

La Chambre soutient que tout le pays devrait bénéficier des retombées économiques importantes et dit faire confiance à TransCanada pour gérer efficacement « et en toute transparence » les risques de déversement.

La Chambre se dit solidaire de la lutte contre le réchauffement climatique et fait valoir que la réalisation du pipeline Énergie Est n’aurait qu’un effet minime sur les émissions de gaz à effet de serre au pays. Selon elle, le pétrole de l’ouest viendrait simplement remplacer le pétrole venu d’ailleurs.

Bien que personne ne puisse contester que le développement de l’industrie pétrolière soit profitable pour les entreprises qui y sont liées, il faut être complètement ahuri pour croire que le projet Énergie Est représente une promesse de prospérité pour le Québec et le reste du Canada.

D’abord, la compagnie TransCanada a été reconnue par l’Office national de l’énergie comme présentant le plus mauvais bilan de sécurité au pays. La probabilité d’une rupture du pipeline est établie à 15 % par année. Étant donné la quantité sans précédent de bitume dilué qui circulerait dans ce tuyau (1,1 million de barils par jour), les impacts des accidents à prévoir seront eux aussi sans précédent.

Des exemples de déversement aux États-Unis et ailleurs dans le monde ont démontré que même un fonds d’assurance d’un milliard de dollars ne suffit pas à réparer l’irréparable.

En soutenant que le pipeline Énergie Est n’aurait pas d’impact significatif sur la production de gaz à effet de serre, donc sur le réchauffement climatique, la Chambre glisse dans la désinformation et la magouille intellectuelle.

Car il est avéré qu’en désenclavant le pétrole de l’ouest, le pipeline Énergie Est permettrait de doubler, voire de tripler rapidement la production de l’industrie des sables bitumineux, avec les hausses associées des GES et autres émissions toxiques. Le pétrole de l’ouest est de 3,2 à 4,5 fois plus polluant que le pétrole conventionnel.

Le bitume dilué transporté par Énergie Est serait destiné principalement à l’exportation et contribuerait donc à alimenter la dépendance au pétrole ailleurs dans le monde, dont en Inde.

Pour ces raisons et plusieurs autres, les scientifiques et les populations partout au pays sont nombreux à demander un moratoire sur l’exploitation du pétrole sale des sables bitumineux.

Il est maintenant connu que si nous voulons avoir une chance sur deux d’éviter un emballement irréversible du climat, le Canada doit laisser dans le sol 85 % de ses réserves d’hydrocarbures.

Il semble que cette réalité géophysique échappe aux analystes de la Chambre de commerce.

Pourtant les institutions financières les plus prestigieuses, comme la Banque mondiale et City Group, ont démontré que la crise climatique représente la plus grande menace envers l’économie mondiale et qu’il apparaît dorénavant beaucoup plus rentable de se tourner vers la transition énergétique.

Quelle sorte d’étincelle faudrait-il aux gens de la Chambre de commerce pour qu’ils prennent conscience de ces réalités contemporaines?