Hommage aux Saputo

2015/10/15 | Par Pierre Dubuc

Nous avons reçu une invitation de l’Institut Fraser pour participer à un hommage à l’équipe père-fils de M. Emmanuel (Lino) Saputo et M. Lino A. Saputo Jr, le jeudi 5 novembre au Ritz-Carlton, à Montréal. L’Institut leur décerne le Prix des fondateurs 2015. 

L’Institut rappelle que « le Prix des fondateurs de l’Institut Fraser, créé en l’honneur de ses fondateurs, T. Patrick Boyle et Michael A. Walker, est la plus haute distinction décernée par l’Institut » et que ce prix « est remis à certaines personnes en reconnaissance de leurs exceptionnelles réussites entrepreneuriales, de leurs généreuses activités philanthropiques et de leur dévouement envers les marchés concurrentiels ».

Parmi les anciens lauréats, souligne l’Institut, figurent « les Canadiens exemplaires Jonathan Wener, Alain Bouchard et Brian Mulroney ainsi que des dignitaires étrangers, notamment l’ancienne première ministre Margaret Thatcher, l’ancien président de la République tchèque Václav Klaus et l’économiste détenteur d’un prix Nobel Milton Friedman ».
 

Mauvais timing

Nous avons pris connaissance de cette invitation le jour même où les producteurs laitiers manifestaient à la frontière canado-américaine pour protester contre l’importation de protéines laitières par des entreprises de transformation comme Saputo.

Il faut rappeler que « l’exceptionnelle réussite entrepreneuriale » de son entreprise, que nous invite à célébrer l’Institut Fraser, s’est produite bien au chaud, à l’abri de la concurrence étrangère, parce que Saputo « a largement bénéficié du système de gestion de l’offre », comme le reconnaissait lui-même dernièrement Lino Saputo Jr.

Les profits accumulés derrière cette barrière protectionniste lui ont permis de prendre le contrôle de l’américaine Morningstar Foods pour 1,45 milliards $ et devenir le 2e transformateur laitier en Amérique du Nord.

À partir de cette position dominante, Saputo mine aujourd’hui le système de gestion de l’offre avec l’importation au Canada de protéines laitières des États-Unis et applaudit à l’immense brèche prévue dans le cadre du Partenariat transpacifique.

Saputo pourra ainsi alimenter le marché québécois de produits laitiers à partir de ses 10 usines aux États-Unis… et ruiner l’agriculture québécoise.

C’est sans doute ce à quoi fait référence l’Institut Fraser lorsqu’elle propose de rendre hommage à la famille Saputo pour son « dévouement envers les marchés concurrentiels ».


Charité bien ordonnée…

Mais, en fait, la véritable raison d’élever les Saputo au panthéon de l’Institut Fraser en leur décernant le Prix des fondateurs 2015 est évidemment « leurs généreuses activités philanthropiques », particulièrement à l’endroit de l’Institut Fraser!

L’Institut Fraser et sa filiale québécoise, l’Institut économique de Montréal (IEDM), bénéficient d’un numéro d’organisme de charité émis par Revenu Canada (876185877RR0001, dans le cas de l’IEDM).

Cet enregistrement lui permet de recevoir des dons qui permettent à leurs amis « philanthropes » d’obtenir d’importants dégrèvements d’impôts.

La liste complète des donateurs n’est pas rendue publique, mais nous pouvons tout de même en avoir une idée en consultant la liste des membres du conseil d’administration de l’Institut.

Dans le cas l’IEDM, signalons, entre autres, la présence de Mme Hélène Desmarais (de la famille de Power Corporation); Léon Courville, de la Banque Nationale du Canada; Jean Bernier, de chez Couche-Tard; Stéphan D. Crétier de Garda World; Ronald Monet de la Banque de Montréal.

Il y a quelques années, l’aut’journal a consulté des avocats pour examiner la possibilité que les AmiEs de l’aut’journal puissent obtenir le statut de fondation et bénéficier d’un numéro d’organisme de charité. La réponse était claire : NON.

Au cours des dernières années, le gouvernement Harper a déclenché la chasse à des groupes comme Greenpeace pour leur enlever leur numéro d’organisme de charité, sous prétexte qu’ils « faisaient de la politique ».

Bien entendu, l’Institut Fraser et l’IEDM n’ont pas été importunés.

 

IRIS et IRÉC versus Fraser et IEDM

L’Institut Fraser et son petit frère québécois, l’Institut économique de Montréal, peuvent engrangés des millions, en partie à même des fonds publics par le biais des exemptions fiscales, pour propager l’idéologie du père du néolibéralisme, Milton Friedman, l’ami du fondateur de l’Institut Fraser, Michael A. Walker.

Ce message est bien connu : libéralisation, privatisation, dérèglementation. Démantèlement de l’État-providence et liquidation des organisations syndicales.

Pour propager le message contraire, l’aut’journal ne touche aucune subvention gouvernementale, ne fait pas appel à la publicité commerciale et ses collaboratrices et collaborateurs participent au journal sur une base militante, c’est-à-dire sans être rémunérés.

Alors que les médias de Gesca et Québecor servent de porte-voix aux élucubrations néolibérales du Fraser Institute et de l’Institut économique de Montréal, l’aut’journal préfère diffuser les études de l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) et l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC).


On garde notre 500 $

Nos lecteurs comprendront que, pour les raisons expliquées précédemment, nous devons décliner l’invitation de l’Institut Fraser à rendre hommage à la famille Saputo.

Nous renonçons à l’achat d’un billet au prix de 500 $, malgré les exemptions fiscales l’accompagnant.

En contrepartie, nous invitons nos lectrices et nos lecteurs à faire un don à l’aut’journal, même sans compensation fiscale.

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