L’étrange (et machiavélique) suggestion de Stéphane Dion à PKP

2015/11/02 | Par Pierre Dubuc

Le Devoir rapportait, dans son édition du 30 octobre, que Stéphane Dion a suggéré à Pierre Karl Péladeau, dans une conférence prononcée lors d’un colloque à l’Université Laval, de se présenter aux prochaines élections de 2018 en affirmant qu’il ne tiendra pas de référendum dans un premier mandat, mais qu’il engagera « de l’argent des contribuables et une somme d’énergie considérable pour convaincre les Québécois de la nécessité de l’indépendance ».

Stéphane Dion donnait même raison à Mme Marois de ne pas s’être engagée à tenir un référendum sans l’assurance de le gagner.

PKP a réagi en déclarant que « Stéphane Dion est toujours surprenant » et le chroniqueur Michel David du Devoir opinait dans le même sens en écrivant que « Stéphane Dion ne cessera jamais d’étonner ».

Dans la proposition de Dion de remettre la tenue d’un référendum à un deuxième mandat, Michel David y a vu, avec raison, la reprise intégrale du scénario mis de l’avant par Bernard Drainville, lors de la course à la direction du Parti Québécois.

Au lieu de se contenter de se « surprendre » et de « s’étonner » de la suggestion de Dion, on devrait plutôt en chercher la motivation.

Se pourrait-il que Dion ait voulu fermer la porte à ce que PKP emprunte cette voie de repli si jamais l’appui à la souveraineté ne lève pas d’ici l’élection de 2018? Qu’il veuille forcer PKP à s’engager à tenir un référendum, coûte que coûte, même en l’absence des « conditions gagnantes », pour qu’il connaisse le même sort qu’André Boisclair, lors de la campagne de 2007?

Michel David rappelle que Bernard Drainville a dû abandonner sa proposition « en catastrophe au beau milieu de la course à la direction du PQ, après avoir constaté son effet démobilisateur sur les militants ».

On imagine que l’effet serait encore plus dévastateur si PKP renonçait à la tenue d’un référendum dans un premier mandat et que les militants avaient l’impression qu’il s’était fait dicter sa stratégie par Stéphane Dion!

 

Le désaffection du président du MNQ

Nous n’en sommes pas là. Loin de là. Mais on sent un certain désenchantement chez ceux qui voyaient dans PKP « l’homme providentiel ». Mathieu Bock-Côté a qualifié de « courageuse » et de « petite révolution politique » le nouveau programme nationaliste de la CAQ.

Plus significatif encore, Gilles Laporte, le président du Mouvement national des Québécoises et des Québécois, écrivait, dans un article publié sur le site du Huffington Post (Référendum de 1995 : un grand mouvement rongé par l’électoralisme) :

« Un autre exemple flagrant que le mouvement souverainiste se réduit de plus en plus à une finalité électorale, est illustré par le saut en politique de Pierre Karl Péladeau, puis par son accession à la tête du Parti québécois. Cet événement, en apparence extraordinaire, est en fait de mauvais augure, car il traduit à quel point le Mouvement souverainiste manque désormais de profondeur et qu'il n'ait apparemment plus d'autres manières de promouvoir la souveraineté qu'au sein de partis politiques et lors de campagnes électorales.

On aurait pu en effet imaginer un tout autre scénario, où l'homme d'affaires décide d'engager son empire, sa crédibilité et sa renommée, non pas au Parti québécois, mais en soutenant et en animant des organisations, des initiatives et des groupes de recherche souverainistes : comités de sauvegarde de la langue, sociétés d'histoire, groupes d'amitié avec les Autochtones, accueil aux immigrants. Déjà très actifs sur le terrain de la culture, de la langue et du patrimoine, l'homme d'affaires aurait eu les coudées franches pour soutenir des initiatives non partisanes et préparer tout à son aise le prochain référendum.

En succombant aux feux de la rampe électorale, il exposait non seulement sa personne, mais aussi tout son empire médiatique aux aléas de l'électoralisme. Au lieu de nourrir la base souverainiste en menant le travail d'animation populaire, voici qu'un homme si précieux, si inestimable, en est réduit à ferrailler à l'Assemblée nationale contre les pitbulls libéraux, à préparer des élections partielles, à porter le poids de la défaite du Bloc québécois et à se compromettre sur d'infinis enjeux plus diviseurs les uns que les autres pour la coalition souverainiste. »

À suivre.