Québec solidaire fuit le débat identitaire, tout en s’autoproclamant le « seul parti antiraciste »

2015/12/01 | Par Pierre Dubuc

Le Devoir du 30 novembre nous apprend que « Québec Solidaire cherche, plus que jamais, à se distinguer des autres partis politiques en se tenant loin des débats identitaires » et qu’« à l’occasion de leur conseil national, en fin de semaine, les délégués ont d’ailleurs décidé de ne pas rediscuter du port des signes religieux lors du prochain congrès ».

Parallèlement à cela, Françoise David a déclaré dans son discours de clôture, rapporte Le Devoir, que son « parti allait ‘‘intensifier’’ son combat contre la xénophobie et le racisme ».

Selon La Presse, la co-porte-parole de QS aurait déclaré que son parti était le « seul parti » vraiment antiraciste parce qu’il était « le seul parti décidé à combattre » sans concession « toute manifestation d’intolérance », d’islamophobie ou de racisme.

 

Sur les traces du NPD

En claironnant qu’il est le « seul parti antiraciste » et en repoussant aux calendes grecques le « débat identitaire » - lire le débat sur la laïcité – Québec Solidaire fait la même erreur que la gauche européenne. Il laisse la droite, voire l’extrême-droite, occuper tout le terrain sur cette question extrêmement sensible dans le contexte mondial actuel.

Car ce n’est pas parce qu’on a décidé de ne pas s’occuper d’une question qu’elle va disparaître de l’écran-radar.

Au cours de la dernière campagne électorale fédérale, Thomas Mulcair et le NPD ont traité de l’affaire du niqab comme si elle était une simple « distraction ». Avec les résultats qu’on connaît.

 

Du déjà vu

La volonté exprimée par les membres du Conseil national de QS de « se tenir loin des débats identitaires » rappelle la position des groupes « marxistes-léninistes » des années 1970 à l’égard du débat linguistique.

Ils considéraient, eux aussi, que le débat linguistique était une simple « distraction » et qu’il y avait mieux à faire en s’occupant de la « vraie lutte de classes », c’est-à-dire la lutte des travailleurs pour des augmentations de salaires.

Ils faisaient cause commune avec les Libéraux pour qualifier la Loi 101 de loi xénophobe, anti-immigrée et raciste.

Cet « économisme » vulgaire, cette caricature de marxisme les a disqualifiés aux yeux de ces mêmes ouvriers dont ils se proclamaient les représentants.

 

Un débat essentiel et inévitable

La gauche ne pourra faire l’économie du débat sur la laïcité. Sinon, elle risque d’être marginalisée au profit de la droite, et même de l’extrême-droite, comme l’a été et l’est toujours la gauche européenne.

Déjà, les Richard Martineau et Mathieu Bock-Côté font leurs choux gras avec les prises de position de QS, avec un succès incontestable auprès de larges franges de la population.

On ne réussira pas à neutraliser l’influence de la droite simplement par des anathèmes, des accusations de racisme ou par l’adoption de motions contre l’islamophobie à l’Assemblée nationale. Encore moins en refusant d’aborder la question identitaire.

La laïcité, l’immigration et, de façon générale, les questions identitaires sont des questions complexes, qui touchent des enjeux aujourd’hui extrêmement importants.

Le débat, hier, sur la Charte de laïcité, aujourd’hui, sur le discours haineux avec le projet de loi 59, demain sur l’accueil des réfugiés et de la politique d’immigration, risque de s’élargir à la question de la guerre au Moyen-Orient, dans laquelle le Canada est impliqué, malgré le retrait cosmétique des avions de chasse F-18.

Les progressistes indépendantistes ne peuvent faire l’économie d’un véritable débat sur ces questions. Leur unité future, essentielle à notre lutte de libération nationale et d’émancipation sociale, en dépend.

C’est dans cette perspective que l’aut’journal vient de publier un carnet, intitulé La laïcité demeure l’enjeu majeur. Il comprend, entre autres, des textes critiquant les positions de Québec Solidaire.

Son but général est de relancer le débat sur la base, d’une part, des principes qui ont guidé historiquement les progressistes et, d’autre part, d’une analyse de l’émergence du fondamentalisme religieux dans le contexte de la mondialisation.

On peut se le procurer en cliquant ici.

 

Photo : facebook – Québec Solidaire