Échec de l'offensive de charme de TransCanada

2016/03/22 | Par Nature Québec

À l’issue de la première partie des travaux du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) sur le projet d’oléoduc Énergie Est de TransCanada à Lévis, les organisations environnementales et les groupes citoyens estiment que le promoteur n’a pas su gagner la confiance de la population et que les audiences ont au contraire exacerbé l’opposition au projet.

Selon eux, l’information recueillie lors de cette partie des audiences a démontré clairement que le promoteur aurait eu intérêt à respecter la loi du Québec en déposant un avis de projet et une étude d’impact, dont l’absence s’est fait cruellement sentir.

« Un grand nombre de questions sont restées sans réponses satisfaisantes et la grande majorité des citoyens qui ont suivi ces audiences demeurent sur leur faim », observe Anne-Céline Guyon du mouvement Stop oléoduc.

En effet, un avis de projet aurait permis au gouvernement d’envoyer une directive au promoteur dictant le contenu complet de l’étude d’impact que TransCanada aurait dû présenter.

« Ainsi, les commissaires et les participants auraient eu en main toute l’information nécessaire pour évaluer le projet, ce qui n’a pas été le cas », ajoute-t-elle. Notons aussi que l’avis de projet aurait déclenché un processus de consultation des Premières Nations et aurait évité que celles-ci se sentent exclues comme c’est le cas actuellement.

Malgré ces limites, l’exercice a tout de même permis de confronter le promoteur à plusieurs arguments qu’il invoque pour justifier son projet. Ses réponses, bien que souvent évasives et insatisfaisantes, et celles des intervenants invités par la Commission ont confirmé qu’une très petite fraction du pétrole serait raffinée au Québec et qu’il s’agit donc essentiellement d’un projet d’exportation.

Elles ont démontré que les pipelines ne sont pas nécessairement plus sécuritaires que le train pour le transport du pétrole et qu’Énergie Est ne libérerait pas les voies ferrées du Québec des convois ferroviaires qui sont autant de bombes sur rail.

Les audiences ont également révélé que l’oléoduc Énergie Est pourrait transporter du pétrole américain et non uniquement canadien car il serait relié au pipeline Upland, et pourrait ainsi faire transiter chaque jour 300 000 barils de pétrole de schiste du Dakota du Nord vers les marchés d’exportation.

Enfin, « TransCanada a même admis  jeudi qu’elle est toujours en discussion avec des expéditeurs afin d’exporter du pétrole des sables bitumineux à partir d’un port situé au Québec, tel qu’indiqué dans les documents déposés à l’Office national de l’énergie (ONÉ) et ce malgré les indications contraires données jusqu’ici », souligne Steven Guilbault d’Équiterre.

Selon les groupes, la démonstration est maintenant faite que les maigres bénéfices potentiels de ce projet pour le Québec ne valent pas les risques et que la population n’est aucunement disposée à s’incliner devant ce projet que le promoteur tente de lui imposer en faisant fi des lois du Québec.

Plusieurs contestent sa viabilité économique, dans un monde où les cibles de réduction des émissions de GES viendront contraindre l’expansion du secteur pétrolier.

Finalement, les chiffres ont démontré un lien direct et irréfutable entre Énergie Est et l'augmentation de la production de pétrole bitumineux, ce que les citoyens jugent inconcevable dans un contexte où la lutte contre les changements climatiques doit être la priorité.

« L’incompatibilité de ce projet avec l’Accord de Paris et son objectif de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 degré Celsius a été exprimée à plusieurs occasions et avec force lors du BAPE. Le pétrole que ce tuyau transporterait doit rester dans le sol si le Canada et le Québec veulent faire leur juste part dans la lutte contre les changements climatiques », tranche Patrick Bonin de Greenpeace.

« En résumé, l’exercice a mis en lumière de manière spectaculaire comment le projet Énergie Est souffre de manière chronique d’un profond déficit sur les trois dimensions indispensables à l’acceptabilité sociale, telles que présentées par les chercheurs de l’UQAR lors de la dernière séance : la crédibilité, la légitimité et la soutenabilité », résume Carole Dupuis du Regroupement vigilance hydrocarbures Québec.