Plan Climat Canada : Les sceptiques seront-ils confondus ?

2016/03/23 | Par IREC

L’Institut de recherche en économie contemporaine publie (IRÉC) aujourd’hui une note d’intervention sur l’éventuel Plan Climat Canada. Les auteurs recommandent l’imposition d’un moratoire sur le développement du pétrole issu des sables bitumineux. « À la veille de la clôture de la COP21, le Canada désirait se présenter comme un leader de la lutte au réchauffement en se joignant à la Coalition des hautes ambitions; mais il semble incapable aujourd’hui d’envisager le seul scénario qui lui donnerait des chances raisonnables de se maintenir à la hauteur de ses prétentions, soit un moratoire sur les augmentations de la production du pétrole », ont expliqué les deux auteurs de la note, Gilles L. Bourque et Robert Laplante.

« Notre analyse montre que c’est l’une des plus sûres voies à suivre pour atteindre des objectifs ambitieux dans le cadre de l’Accord de Paris et pour rester en phase avec ce qu’établissent les scénarios scientifiques les plus crédibles. Des estimations préliminaires nous amènent à envisager qu’un tel moratoire pourrait permettre à l’Alberta de ramener, d’ici 2030, ses émissions de GES à son niveau de 1990 (175 Mt, une réduction de 35 % par rapport à 2013), ce qui permettrait au Canada de réduire les siennes de plus de 20 % sous le niveau de 1990 », ont poursuivi les chercheurs.

La note d’intervention de l’IRÉC suggère également au gouvernement fédéral de profiter de l’annonce de son prochain budget pour envoyer un signal fort indiquant sa volonté de prendre au sérieux les objectifs de la COP 21 en annonçant la fin des subventions aux producteurs d’énergies fossiles.

« Continuer de le subventionner pour mieux l’encourager dans son développement ne peut que contribuer à accroître le gaspillage de fonds publics en plus de faire monter le cynisme d’un cran à l’endroit de la crédibilité d’une politique énergétique prenant au sérieux la lutte aux changements climatiques », ont soutenu les chercheurs de l’IRÉC.


 

Le dilemme canadien

Les dirigeants québécois et canadiens n’ont ménagé aucun effort à Paris pour rétablir la crédibilité du Canada et affirmer une volonté plus claire de participer activement à la lutte pour le climat. Pourtant, le gouvernement de Justin Trudeau est arrivé à la conférence de Paris avec les objectifs du précédent gouvernement conservateur, soit avec une Contribution déterminée nationale (CDN) de réduction des émissions de GES de 30 % d’ici 2030 par rapport à 2005.

« Or, le simple rattrapage des retards pris vis-à-vis ces cibles, pourtant modestes, s’annonce exigeant et laborieux. Cette cible représente une réduction de 14 % sous le niveau de 1990, ce qui ramènerait les émissions totales canadiennes à 525 Mt d’éq. CO2. Mais lorsqu’on regarde les plus récentes statistiques d’Environnement Canada sur les émissions canadiennes depuis 1990, il y a tout lieu d’être sceptique sur l’atteinte de cette cible », ont constaté Gilles L. Bourque et Robert Laplante.

« Globalement, on peut dire que le Canada a plafonné ses émissions en 2005 grâce aux efforts de sept provinces (la Colombie-Britannique et celles à l’est du Manitoba), mais qu’il continue néanmoins à les augmenter depuis 2010 du fait de l’absence d’effort des provinces des Prairies. À ce rythme, la cible de 525 Mt est impossible à atteindre. Selon une organisation non gouvernementale, Climate Action Tracker, qui répertorie les engagements de tous les pays déclarants, les projections canadiennes montrent plutôt un éloignement continu du niveau des émissions du sentier de décroissance ciblé par le Canada. Nous connaissons évidemment les raisons de cette trajectoire canadienne : la croissance continue, à un rythme insoutenable, de la production de pétrole provenant des sables bitumineux », a précisé Gilels L. Bourque, économiste et chercheur de l’IRÉC.


 

Le message confus du Québec

Malgré un discours plus volontariste sur la lutte aux changements climatiques, le gouvernement Couillard multiplie les signaux contradictoires, en particulier en ce qui a trait à l’exploration et l’exploitation du pétrole en territoire québécois, et plus spectaculairement encore en ce qui a trait au projet Énergie Est.

Le gouvernement soutient aussi des projets intensifs en émissions de carbone comme celui de la cimenterie de Port-Daniel. Dans ce contexte, plusieurs groupes sont tout aussi sceptiques quant à la volonté réelle du Québec pour atteindre ses propres cibles de 2020 et 2030.

« D’autant plus, ont souligné les auteurs de la note, que « l’atteinte des cibles de réduction de 2012 ne résulte pas d’abord des efforts directement consentis, mais bien plutôt des effets combinés de la crise économique qui a frappé l’industrie manufacturière québécoise depuis 2005 (d’abord dans la foulée de la hausse de la devise canadienne puis suite à la crise financière de 2009) et de la fermeture de la raffinerie de Shell en 2010. Comme le signalait le commissaire au développement durable dans son rapport de 2012 à propos des actions du gouvernement Charest - et cela vaut encore davantage pour le gouvernement Couillard - le gouvernement du Québec ne semble pas soucieux de faire l’analyse rigoureuse des résultats des différentes mesures annoncées dans ses plans d’action ».


 

La nécessité d’une participation citoyenne

« Il faut que la population sache que les efforts demandés portent fruit. Un travail d’examen conduit par l’Assemblée nationale et ouvert à la participation citoyenne doit être considéré comme une composante essentielle d’une politique de lutte aux changements climatiques sérieuse et déterminée, » a conclu Robert Laplante, directeur général de l’IRÉC.

Il est possible de télécharger ici la note d’intervention de l’IRÉC no 44 Plan Climat Canada : les sceptiques seront-ils confondus?