Les frères siamois (3)

2016/04/07 | Par Pierre-Alain Cotnoir

Nonobstant certaines différences idéologiques, une alliance du PQ avec la CAQ se traduirait dans des régions clés par des gains importants permettant d'envisager un gouvernement majoritaire. Mais autant la CAQ que le PQ se présentant seul ne vont faire que le jeu du PLQ, divisant encore le vote francophone.

 Par ailleurs, il est erroné de croire que la CAQ soit néolibérale, c'est plus le parti des PME que des multinationales. C'est le parti des régions et non des grands centres. C'est la Beauce et non pas le Plateau. Elle est plus près du développement local que de la globalisation des marchés. Les sympathisants de la CAQ sont des pragmatiques, ayant une vue enracinée dans leur milieu. Mais est-ce mieux d'entretenir une vision très globale et détachée du "plancher des vaches" comme certains idéologues très en vue dans des cercles dits progressistes? Les caquistes se fondent dans une strate sociologique présente au Québec depuis des décennies et qui compose au moins le cinquième de la population francophone.

 Sur le plan politique, elle s'est incarnée autant dans le Crédit social que le Ralliement national, l'ADQ ou la CAQ. Elle s'est parfois fondue dans de plus grands ensembles politiques comme l'Union nationale, le Parti québécois de René Lévesque ou même à certains moments le Parti conservateur. Elle compose une part substantielle de ce que Pierre Drouilly a déjà appelée "le ventre mou du Québec" car géographiquement les limites de cette zone à la frontière des USA forment comme une sorte de "bédaine" de la carte du Québec.

Enfin, il m'apparaît assez illusoire de croire que le PQ puisse redevenir le véhicule politique de ceux qui l'avaient rallié à sa fondation en 1968 en provenance du Ralliement national. Leurs successeurs l'ont quitté, le trouvant sans doute trop "montréalisé" pour se donner dans un premier temps l'ADQ, puis la CAQ. Ce n'est pas demain la veille qu'ils y reviendront. Il faut savoir l'accepter et trouver l'intérêt supérieur qu'une telle réalité commande.

Pourquoi rechercher, au-delà du remplacement d'un régime usé, une telle alliance? Parce qu'il y a des enjeux que nous devons relever, dont celui de mettre un terme à la gabegie libérale qui ne fait que nous appauvrir collectivement. Puis, il y a l'enlisement du statut politique du Québec et sa lente assimilation au cadre constitutionnel "canadian". Pour s'en sortir, ça va prendre minimalement une majorité à un référendum sur une troisième voie rencontrant les aspirations d'une pluralité de Québécois: quelque chose comme un statut particulier pour le Québec. Si le Québec reçoit, suite à une consultation populaire gagnante, une fin de non-recevoir du Canada, les Québécois sauront en tirer les conséquences et alors ils prendront une décision finale: soit de devenir indépendant, soit d'accepter le statu quo.

Enfin, il y a un dernier enjeu qui concerne cette fois la préservation, voire le renforcement du "modèle québécois". Nous sommes un peuple qui accorde de l'importance au "vivre ensemble" et non pas des jusqu'au-boutistes adeptes du "chacun pour soi" comme trop de nos voisins du Sud. Il faut préserver cette qualité dont nous avons hérité par le métissage culturel avec les premières nations. Car elle risque d'être une clé nous permettant de faire face aux crises qui guettent notre civilisation d'ici la fin du siècle.