Vers un front commun contre le Pacte fiscal Québec-municipalités

2016/04/13 | Par Simon Paré-Poupart

Des syndicats et des groupes sociaux ont répondu à l’appel de Chantal Racette, la présidente du Syndicat des Cols bleus regroupés (SCFP-301) de Montréal, de s’opposer avec force au Pacte fiscal du gouvernement libéral de Philippe Couillard avec les municipalités. Le tout avait l’apparence d’un début de Front commun.

Au Centre social des cols bleus de Montréal, Mme Racette était accompagnée sur la tribune par, entre autres, Jean Gagnon, président de la Fédération indépendante des Syndicats autonomes (FISA), Dominic Lemieux, directeur adjoint des Métallos, Lucie Levasseur, présidente du SCFP-Québec.

Par l’intermédiaire des médias, ces syndicalistes voulaient informer leurs membres et la population de leur opposition au Pacte fiscal que le gouvernement entend scellé avec le dépôt au mois de mai d’un projet de loi qui donnerait un pouvoir démesuré aux municipalités face à leurs employés.

Après une période de négociations, le recours à l’arbitrage serait obligatoire. Ainsi, à l’image des pompiers et des policiers, les autres employés syndiqués de la municipalité pourraient se voir imposer leurs conditions de travail.

 

Un peu d’histoire

C’est au terme de nombreuses manifestations, de multiples grèves illégales et la menace d’une grève générale que le gouvernement Lesage adoptera le 22 juillet 1964 un nouveau Code du travail qui reconnait, entre autres, le droit de grève aux employés des hôpitaux, des commissions scolaires et des municipalités.

En vertu du code du travail, « la demande d’un arbitrage doit être faite par les deux parties (C.t. 74) ». Le Pacte fiscal autoriserait les municipalités d’en faire la demande de façon unilatérale.

Pour Jean Gagnon de la FISA: « On retourne à l’époque Duplessis où les maires vont remplacer le clergé contre les travailleurs ». Il rajoute que l’on s’attaque « au final, aux travailleurs de la base, aux travailleurs de la classe moyenne ».

Ce devoir de mémoire s’illustre sur les chandails des travailleurs avec un : « J’me souviens, Just watch me ».

 

Actions costaudes à venir

La deuxième partie du slogan, « Just watch me », annonce ce qui s’en vient. D’entrée de jeu, Chantal Racette y a fait écho en déclarant qu’il ne fallait pas enlever aux employés municipaux « le seul moyen PACIFIQUE qu’il leur reste ». Au cours de la période de questions, elle a tempéré ses propos. Mais elle clame tout de même l’illégitimité du pacte fiscal puisque le gouvernement n’a pas pris l’engagement en campagne électorale d’adopter un tel projet de loi.

À certains médias qui lui reprochaient de se plaindre avant de connaître la teneur exacte de ce pacte fiscal, Mme Racette explique qu’on en voit déjà les contours. À preuve, elle cite le licenciement des 38 pompiers de Rosemère, malgré une mobilisation impressionnante de la population en soutien à ses pompiers avec une pétition de 6 000 signatures. « De simples signatures n’ont pas suffi à sauver les emplois », de déclarer Chantal Racette.

 

Un Front commun se profile

Lucie Levasseur a expliqué la nécessité de ce regroupement : « Je vous parie que, si cette loi passe, ça va s’étendre à tous les milieux de travail ». Pour l’instant, le projet de loi ne vise que les municipalités, mais les syndicalistes craignent que les employeurs du secteur privé jalousent la latitude conférée aux municipalités. Ce qui explique la présence des Métallos et des Travailleurs et Travailleuses Unis de l'Alimentation et du Commerce  (TUAC Québec) à la conférence de presse.

Des membres des partis d’opposition à l’Assemblée nationale étaient aussi présents. Notamment, André Frappier de Québec Solidaire. Plus remarquée encore, la présence de Martine Ouellet du Parti Québécois qui a déposé à l’Assemblée nationale la pétition dénonçant le Pacte fiscal.

Au moment de la tenue de la conférence de presse, 10 000 personnes l’avaient déjà signée. La présidente des cols bleus lance un appel aux 300 000 syndiqués visés par le Pacte fiscal pour qu’ils la signent.

Aux nombreuses tables à l’avant-scène réservées aux journalistes, peu de représentants des médias étaient présents. Comme si le sujet n’était pas d’actualité. Cette réalité confirme les mots de la présidente, lorsqu’elle décrit son groupe comme « les mal-aimés de la presse ».

Sommes-nous en train de participer à l’avènement de la détérioration des conditions de travail de la couche sociale la plus syndiquée de notre société? Le résultat de la lutte nous le dira. Mais comme l’expliquait en 2004 Jean Gérin-Lajoie : « Les relations du travail dans le secteur public québécois sont instables et tumultueuses depuis leur début, il y a maintenant 40 ans, et personne ne se hasarde à prédire qu’elles deviendront soudainement stables dans un proche avenir »1. Nous en sommes là.

Les syndiqués invitent la population à signer la pétition sur le site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante : https://www.assnat.qc.ca/fr/exprimez-votre-opinion/petition/Petition-5901/index.html

  1. GÉRIN-LAJOIE, Jean. Les relations du travail au Québec, gaëtan morin éditeur, 2e édition, 2004, p. 109.