Un système léger sur rail pour l’Est de Montréal

2016/05/11 | Par IREC

L’annonce du projet de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) a provoqué une surprise de taille : le projet est plus gros et plus ambitieux que ce qui était attendu! L’ambition, pour une fois dans le domaine du transport collectif, semble être au rendez-vous!

La surprise passée, les réactions généralement très positives ont été suivies de récriminations et de critiques devant l’absence de liens vers l’Est de Montréal.

Comparaissant en commission parlementaire Michael Sabia a eu raison de l’affirmer : ce n’est pas à la Caisse de planifier le transport collectif dans la région métropolitaine. Les lacunes dans la desserte de l’Est ne doivent pas être imputées au projet de CDPQ Infra qui n’agit qu’en fonction des mandats qui lui sont donnés. La desserte de l’Est doit faire l’objet d’un mandat spécifique, qui tiendra compte des choix déjà privilégiés. C’est l’affaire des citoyens, des autorités municipales et du gouvernement.


 

Un mandat pour l’Est?

La situation du transport en commun (TC) au Québec, et en particulier dans la région métropolitaine, est dramatique. Les infrastructures de TC font face à un déficit d’entretien cumulé aigu ; les contributions des municipalités et des usagers à l’exploitation des services atteignent des niveaux qui laissent peu de marge de manœuvre ; les incertitudes créées chez les organismes responsables par les changements de cap et les retards à décider du gouvernement les ont rendus hésitants à s’engager résolument dans des projets d’investissement à long terme.

Ces incertitudes quasi perpétuelles quant à la participation financière gouvernementale à long terme constituent le principal obstacle au développement du TC.

Depuis le milieu des années 1990, les gouvernements qui se sont succédé ont fait de l’austérité la pièce maîtresse de leur politique économique. Les résultats ont toujours été les mêmes : un sous-financement des transports collectifs avec des répercussions concrètes sur le terrain des opérateurs de transport en commun, qui doivent gouverner sur le court terme. Cela laisse des traces profondes dans les mentalités.

C’est dans ce contexte qu’est tombée en janvier 2015 la nouvelle assez inattendue de la création d’un nouvel outil de la Caisse de dépôt et placement du Québec, CDPQ Infra, et d’une entente en matière d’infrastructure publique entre la Caisse et le gouvernement du Québec, dans laquelle ce dernier donnait à la Caisse le mandat d’étudier deux projets : le système léger sur rail (SLR) du pont Champlain et le train vers l’aéroport de Dorval et l’Ouest de Montréal. Ce sont ces deux projets que CDPQ Infra a choisi de fusionner dans le projet annoncé le 22 avril 2016.


 

L’épargne québécoise pour financer la transition énergétique

Il est depuis longtemps apparu aux chercheurs de l’IRÉC que le recours au vaste bassin d’actifs que constitue l’épargne québécoise représente l’une des principales pistes de solutions pour le financement de la transition énergétique au Québec1. Pour mobiliser les capitaux qu’implique ce grand projet de société pour une économie à faible émission, il est évident que le Québec devra innover financièrement.

Dans ce contexte, compte tenu du rôle que joue notamment la Caisse de dépôt dans la gestion des réserves de la régie des rentes du Québec (RRQ) et des principales caisses de retraite publiques québécoises, une initiative comme la mise sur pied de CDPQ Infra est tout à fait appropriée et apporte plusieurs avantages majeurs.

C’est la raison pour laquelle dans le scénario de transition des transports que nous avons présenté l’an dernier, nous avons ajouté un troisième projet aux deux prévus dans l’entente entre le gouvernement du Québec et CDPQ Infra : un projet SLR qui, partant du même pôle central soit la Gare Centrale, cheminerait vers l’Est de Montréal en suivant l’itinéraire Notre-Dame/Dickson/Souligny/Pointe-aux-Trembles.

Ces trois projets de train léger électrique seraient complémentaires pour CDPQ Infra dans la mesure où ils partageraient une même technologie évitant ainsi de nouveaux frais de développement et d’apprentissage, favoriseraient une économie d’échelle dans la logistique et l’entretien et concentreraient vers un même pôle central un nombre élevé d’utilisateurs.

Nous estimions que les investissements requis s’élèveraient à 7,5 milliards $. Étant donné que 5,5 milliards $ sont maintenant accordés par CDPQ Infra pour les deux premiers projets et la transformation de la ligne de train de banlieue de Deux-Montagnes en SLR, il nous semble que le SLR vers l’Est pourrait compléter le réseau électrique métropolitain (REM) avec un budget de 2 milliards $ supplémentaires. Pour un trajet de 26 kilomètres, comptant entre 10 et 12 gares et des stationnements incitatifs aux endroits appropriés, cette ligne améliorerait sensiblement la desserte en transport pour une large portion de la population de l’Est.

La ligne vers l’Est de l’île représente selon nous un bel exemple d’un projet qui pourrait en partie être financé sur le mode de la captation de la plus-value foncière (CPVF), étant donné le potentiel de développement que constitue le trajet proposé.

Généralement, toute la plus-value foncière générée par les projets de transport collectif est accaparée par l’industrie immobilière. Le mode de la CPVF permet qu’une partie importante de cette dernière soit captée par le développeur des projets de TC. Mais l’effet de levier est encore plus grand pour le gouvernement dans la mesure où sa contribution ne représenterait qu’une fraction des investissements totaux. Et c’est sans parler de l’effet sur les revenus de la Ville de Montréal qui bénéficierait de l’amélioration de la valeur foncière et de la densification des fonctions urbaines le long du parcours.

Ce type de projets souligne le potentiel de la contribution du privé à la transition dans les transports, sans nécessairement tomber dans la privatisation pure et simple. Dans la mesure où nous avons une institution financière collective comme la Caisse de dépôt, qui possède les expertises financières et immobilières ainsi que les actifs financiers stratégiques pour ce type de projets, il est possible de planifier des investissements publics dans le cadre d’une stratégie concertée de création de nouvelles richesses. En outre, puisque ces investissements conduisent à une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) grâce au transport électrifié, ces projets pourraient par ailleurs miser sur des émissions d’obligations vertes qui sont en forte demande de la part des investisseurs institutionnels, en particulier les grandes caisses de retraite.

 

1. Bourque, Gilles L. et Michel Beaulé, Financer la transition énergétique dans les transports, rapport de recherche de l’IRÉC, octobre 2015, 89 p. [http://www.irec.net/upload/File/rrc2015_10_06financetransport(1).pdf].