Manifeste pour le progrès social

2016/06/02 | Par IPSP

Parrainage

Ce manifeste est soutenu par 300 chercheurs internationaux parrainés par un comité présidé par Amartya Sen (Prix Nobel, université Harvard, Etats-Unis). 

Il est composé de Kenneth Arrow (Prix Nobel, université Stanford, Etats-Unis) ; Anthony Atkinson (London School of Economics, Royaume-Uni) ; Manuel Castells (université de Californie à Los Angeles, Etats-Unis) ; -Kemal Dervis (Brookings Institution, Etats-Unis) ; James Heckman (prix Nobel 2000, université de Chicago, Etats-Unis) ; Kumari Jayawardena (université de -Colombo, Sri Lanka) ;Ira Katznelson (université Columbia, Etats-Unis) ; Inge Kaul (Hertie School of Governance, Berlin, Allemagne) ; Edgar Morin (professeur émérite, CNRS, France) ; -Sunita Narain (Centre for Science &  Environment, New Delhi, Inde) ; Julian Nida-Rümelin (université de Munich, ancien ministre, Allemagne) ; Mustapha Nabli (ancien ministre et ancien gouverneur de la banque centrale, Tunisie) ; -Michael Porter (Harvard Business School, Etats-Unis) ; Robert Reich (université de Californie à Berkeley, ancien ministre, Etats-Unis) ; Youba Sokona (vice-président du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, GIEC, Mali) ; Margot Wallström (ministre, Suède).


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Il existe des possibilités considérables d'améliorer la condition humaine. Forts de cette conviction, 300 chercheurs internationaux en sciences humaines et sociales vont rédiger un rapport sur l'état des connaissances et des solutions, à l'attention de dirigeants politiques et d'opinions publiques tétanisés par la montée des périls

Notre monde contemporain est sous tension. Nous faisons face à une intensification rapide des crises économiques, sociales, politiques, environnementales, mais aussi culturelles et morales. Nous vivons dans un monde de plus en plus instable, imprévisible et donc anxiogène - anxiété qui menace la paix et la cohésion sociale. Cette anxiété est nourrie par l'absence de perspectives et d'opportunités pour de larges segments de la population, travailleurs peu qualifiés, jeunes sans emploi, migrants et réfugiés. La précarité, l'insécurité, réelle ou perçue, l'augmentation des inégalités structurelles qui génère à son tour une réduction forte de la mobilité sociale intergénérationnelle touchent aujourd'hui une large majorité de la population mondiale.

Face à ces défis, que trouve-t-on ? Les -partis politiques traditionnels n'offrent aucune perspective réellement attractive et se concentrent sur la gestion des contraintes financières du moment, cachant leur impuissance dans un discours focalisé sur des questions morales ou sociales secondaires. Les errances et les dysfonctionnements dans la conduite des politiques publiques nationales sont aggravés par la difficulté à coopérer au sein d'instances internationales (par exemple, l'Organisation mondiale du commerce ou l'Union européenne). Le résultat le plus dramatique de ces impuissances cumulées est le retour ou l'émergence d'alternatives autoritaristes ou populistes.

L'absence d'une vision positive de long terme est souvent invoquée comme une des causes de cette insuffisance politique lourde de conséquences. Les mouvements protestataires qui secouent les élites dans les pays développés (Occupy, Indignados, Nuit debout) ou renversent les dictatures dans les pays émergents (" printemps arabes ") buttent eux-mêmes sur la difficulté de trouver des idées porteuses et rassembleuses, et de former des structures organisées autour de programmes charpentés. Il y a une pénurie d'alternatives, et les politiciens qui surfent sur la colère populaire ne font qu'exploiter l'instabilité sans apporter de perspectives sérieuses. Pour affronter collectivement ces nombreux défis, les décideurs et tous les acteurs doivent disposer d'outils permettant de comprendre l'évolution des économies et des sociétés, les obstacles entravant l'identification et/ou la mise en oeuvre de solutions durables aux menaces qui pèsent sur le bien commun, les possibilités de transformation et les -risques associés.

Nous sommes plus de 300 chercheurs en sciences humaines et sociales à travers le monde à avoir pris l'initiative de répondre à ce besoin en plaçant une contribution collégiale unique au coeur du débat public. Nous nous sommes réunis au sein du -Panel international pour le progrès social (International Panel on Social Progress, IPSP, www.ipsp.org) afin de produire collectivement un rapport sur les initiatives que peuvent prendre institutions et acteurs politiques et sociaux pour l'épanouissement de sociétés meilleures et plus justes dans les décennies à venir. -

Toutes les disciplines sont convoquées, notamment l'histoire, l'économie, la sociologie, la science politique, le droit, l'anthropologie, l'étude de la science et de la technologie, la philosophie. Au cours des vingt dernières années, plusieurs panels internationaux d'experts ont été créés afin de produire un état des lieux des connaissances scientifiques sur plusieurs sujets de préoccupation pour le futur de notre planète : le changement climatique, la biodiversité, la pollution chimique, la sécurité alimentaire, la prolifération nucléaire... Nous sommes le premier panel à nous attaquer au défi du progrès social.

 

Un meilleur accès aux données

Pourquoi un panel aussi large ? Des développements considérables dans les sciences sociales et humaines sont intervenus au cours des trente dernières années et ont permis une meilleure compréhension de ce que le progrès social peut signifier et, plus crucialement encore, comment le réaliser. Par exemple, les vertus et limites de l'économie de marché, tout comme celles de l'intervention publique, ont fait l'objet d'un examen attentif à l'intersection de l'économie, de la science politique, de l'anthropologie et de la sociologie. Les déterminants des inégalités ainsi que leurs possibles remèdes sont encore très débattus mais les échanges ont beaucoup avancé, notamment grâce à un meilleur accès aux données. Alors que la science moderne était portée par sa contribution au progrès technologique et social, il est désormais -reconnu que les avancées scientifiques et techniques n'apportent pas mécani-quement un progrès social, politique et moral, et que l'interaction entre les sciences et techniques et les sphères sociales, politiques et morales, est particulièrement complexe.

Ces développements importants ont coïncidé avec une spécialisation croissante des savoirs au sein et entre les disciplines, et une diversification des perspectives régionales ou culturelles dans un monde où institutions, niveaux de développement et dynamiques de croissance évoluent rapidement. Il est devenu impossible pour un chercheur individuel ou pour un petit groupe d'experts de synthétiser les connaissances accumulées par des corpus différents. Produire une synthèse de ce savoir qui soit accessible aux acteurs locaux, nationaux et transnationaux, qu'ils soient politiques ou sociaux, requiert un effort réellement collégial comme celui que nous avons entrepris, rassemblant les analyses d'un groupe transnational et multidisci-plinaire d'experts, représentatif des genres et des cultures.

Quel impact recherchons-nous ? Par cette initiative d'envergure, nous espérons aider les citoyens, les acteurs politiques et sociaux, et enrichir les débats publics menant à l'élaboration et à la mise en oeuvre des politiques publiques, en -mettant à la disposition de tous idées, synthèses et recommandations sur de nombreuses questions.

Le rapport se penchera dans une première partie sur les transformations socio-économiques - explorant les perspectives de croissance et les contraintes environnementales, les inégalités, l'avenir du travail, l'urbanisation, les marchés, les entreprises et l'Etat-providence. La deuxième partie fera le point sur les grandes évolutions politiques - quel avenir pour les institutions démocratiques, l'Etat de droit, les organisations transnationales, la gouvernance globale, les conflits et le management des crises et de la violence, le rôle des médias et des formes de communication. Enfin, la troisième partie sera consacrée aux transformations des cultures et des valeurs, des religions, des familles, de la santé, du rapport à la vie et à la mort ainsi qu'aux évolutions des identités et du lien social. 

De manière transversale, sur l'ensemble de ces questions, le rapport posera la question du rôle de la science et de la technologie, et soulignera la nécessité d'une collaboration approfondie entre sciences de la vie et de la nature et sciences humaines et sociales, compte tenu des défis sans précédent qui s'annoncent. Le large spectre du rapport nous permettra, dans les chapitres conclusifs, de proposer une perspective systémique de l'évolution des sociétés dans les différentes parties du monde.

 

L'émergence d'une dynamique

Le message principal qui sortira de ce travail sera positif et volontariste. Il existe des opportunités considérables d'améliorer la condition humaine, presque partout dans le monde. Il est possible d'éradiquer la pauvreté tout en préservant l'environnement, de rendre l'Etat-providence viable en s'attaquant aux inégalités primaires, de libérer la politique des pressions financières et de démocratiser les décisions économiques qui déterminent le sort des populations. Réaliser ces opportunités suppose toutefois de trouver un chemin et de vaincre des obstacles et des résistances considérables. Nous croyons qu'offrir aux acteurs et -citoyens une vision des possibilités peut contribuer à l'émergence d'une dyna-mique porteuse de progrès social.

Un groupe aussi divers peut-il produire un message fort ? On entend souvent dire que les sciences humaines et sociales seraient continuellement sous le régime du désaccord et de la controverse. Pour éviter cet écueil, notre panel présentera de manière scientifique et objective les points d'accord et de controverse, en combinant rigueur analytique et exactitude factuelle. Notre panel représente une expérimentation grandeur nature de la capacité des sciences humaines et sociales à jouer un rôle central dans la promotion concrète du progrès social. Qui plus est, nous accordons dans le processus une large place aux commentaires extérieurs et aux débats publics. Les experts des gouvernements, les ONG, les think tanks, les représentants de la société civile, et tous les citoyens intéressés sont invités à réagir sur la première version du rapport qui sera mise en ligne et accessible à tous, d'août à décembre  2016, sur www.ipsp.org. Cette interaction nous permettra d'être le plus en phase possible avec les grands débats de notre époque.

Notre panel peut-il légitimement prétendre à conseiller la société ? La science moderne s'était construite sur la promesse de contribuer à l'amélioration du genre humain et au progrès des sociétés. Beaucoup d'espoirs se sont concrétisés, mais d'autres restent cruellement en attente de réalisation. En ce début de XXIe  siècle, les sociétés sont aux prises avec les guerres, la violence, le terrorisme, des inégalités considérables, anciennes ou nouvelles, qui rongent le lien social, des défis relatifs au maintien durable de notre environnement d'une ampleur inégalée. L'ambition de notre panel, composé de scientifiques reconnus, n'est pas d'imposer une expertise et une contribution unilatérale mais bien de contribuer à susciter et nourrir un grand débat sur l'avenir des sociétés humaines et à relancer une dynamique de progrès social.

 

Collectif
Calendrier

Août 2015
Réunion de lancement des travaux du Panel à Istanbul. Constitution d'un conseil scientifique de 49 membres et d'un comité de direction de 18 membres. Répartition des chercheurs du Panel en 22 groupes travaillant chacun sur un chapitre du rapport.

Printemps 2016
Travaux des 22 " chapitres ", en ligne et en ateliers.

Août 2016 
Mise en ligne de la première version du rapport pour commentaires.

Automne 2016
Réunions publiques et tables rondes de présentation du rapport.

Janvier 2017
Réunion plénière de finalisation du rapport, à Lisbonne.

Fin 2017
Diffusion en ligne des textes et vidéos.

Début 2018
Publication du rapport et du livre, édité par Cambridge University Press.

Informations sur www.ipsp.org