Quelle excellence pour l’enseignement supérieur?

2016/08/29 | Par Mario Beauchemin et al.

Mario Beauchemin, vice-président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
Anne Dionne, présidente de la Fédération du personnel de soutien de l’enseignement supérieur (FPSES-CSQ)
Lucie Piché, présidente de la Fédération des enseignantes et enseignants de cégep (FEC-CSQ)
Suzanne Tousignant, présidente de la Fédération des professionnelles et professionnels des collèges (FPPC-CSQ)

Dans une lettre ouverte publiée en juillet, la ministre de l’Enseignement supérieur, madame Hélène David, affirmait que les cégeps et les universités avaient besoin de nouvelles institutions « afin de poursuivre et de maintenir l’excellence » en enseignement supérieur. Alors que les étudiantes et étudiants du réseau collégial reprennent le chemin des classes et que les universitaires s’y préparent, nous pensons qu’il est nécessaire de préciser ce que nous attendons collectivement de nos institutions postsecondaires.

Nous nous interrogeons aujourd’hui sur la notion d’excellence mise de l’avant par la ministre. Des chercheurs universitaires soulignaient récemment qu’il s’avérait nécessaire de réfléchir à cette notion d’excellence qui peut recouvrir différentes perspectives (De Ketele et collègues, « Quelle excellence pour l’enseignement supérieur? », 2016).

Ils distinguent en effet l’excellence élitiste, basée sur la performance individuelle de quelques personnes privilégiées, de l’excellence sociétale ou sociale. Cette deuxième vision, que nous souhaitons promouvoir, vise davantage la démocratisation du savoir et le développement de la citoyenneté. Elle se concrétise notamment par l’accès à des établissements d’enseignement postsecondaire sur l’ensemble du territoire, favorable aux étudiantes et étudiants de première génération, et par l’offre d’une formation générale commune au collégial.

 

Conseil des collèges et Conseil des universités

Nous souhaitons donc que les nouvelles institutions que la ministre désire mettre en place, soit le Conseil des universités et le Conseil des collèges, visent à nous rapprocher de cette excellence sociétale et sociale.

Rappelons que l’éducation doit être considérée comme un bien commun et que, tout en intégrant l’accès à une qualification, elle doit aussi permettre la socialisation et l’instruction pour toutes et tous. Il ne faudrait donc pas que les projets de réformes du régime pédagogique des collèges, notamment le diplôme d’étude collégial (DEC) par cumul d’attestations d’études collégiales (AEC), ouvrent la voie à une formation uniquement axée sur les besoins du marché du travail. Il en va de même avec la pression mise sur certaines disciplines universitaires moins directement liées au besoin de main-d’œuvre. Un groupe d’enseignantes et d’enseignants rassemblés au sein de la Nouvelle alliance pour la philosophie au collégial (NAPAC) se demandait d’ailleurs avec justesse si les libéraux ne souhaitaient pas réduire l’éducation à l’idée d’employabilité.

Plutôt que de s’inscrire dans un modèle dominant inspiré du secteur privé, nous invitons la ministre ainsi que les experts mandatés que sont messieurs Claude Corbo et Guy Demers à prendre en considération cette perspective dans les recommandations qu’ils formuleront. Si le Conseil des collèges et le Conseil des universités devaient renaître (ils ont fonctionné tout au long des années 80), nous souhaitons que ces institutions permettent de mieux comprendre et de définir l’importance de l’enseignement supérieur au Québec et cela avec la participation du personnel de l’éducation, toutes catégories confondues. Nous sommes d’ailleurs prêts à participer activement aux consultations annoncées. Toutefois, ces débats ne pourront occulter l’impact des mesures d’austérité sur le service aux étudiantes et étudiants et le nécessaire réinvestissement en éducation.