Appel humanitaire relancé

2016/09/30 | Par Pierre Jasmin

L’auteur est vice-président Artistes pour la Paix, Membre exécutif de Pugwash Canada et du Réseau canadien pour l’abolition de l’arme nucléaire

Le Secrétaire général de l’ONU avait en 2013 proclamé le 26 septembre Journée internationale pour l'élimination totale des armes nucléaires : « Engageons-nous à œuvrer à l’élimination totale des armes nucléaires, de toute urgence et pour le bien commun. Notre survie même en dépend. » Cet engagement, il l’avait voulu prioritaire de son deuxième mandat à l’ONU qui s’achève, alors qu’il a pu rallier autour de son objectif les cinquante-quatre nations africaines, les dix du Sud-Est asiatique, les trente-trois pays sud-américains et caribéens y compris le Mexique et plusieurs autres d’Europe et d’Asie.

Le ministre autrichien des Affaires étrangères - plus jeune que Justin Trudeau - vient d’annoncer à l’ONU la présentation par l’Autriche, avec des dizaines d’autres pays dont le Mexique, le Brésil, le Nigéria, l’Afrique du sud et l’Irlande, une résolution en vue d’entreprendre dès 2017 des négociations pour une interdiction légale des armes atomiques. Son annonce a été saluée par l’International Coalition to Abolish Nuclear Weapons (ICANW.org) qui rappelle que le Humanitarian Pledge du ministre avait été appuyé par 127 pays en 2014. Le ministre a déclaré devant l’Assemblée générale :

« Dans un monde de moins en moins sûr et qui fait face à de plus en plus de tensions entre les grandes puissances, le désarmement nucléaire demeure le plus grand problème non résolu. Les récents essais de la Corée du Nord devraient être un signal d’alarme. Nous sommes tous d’accord sur le fait que les conséquences de l’explosion d’armes nucléaires seraient inacceptables et pour cette raison nous devons enfin nous débarrasser de ces armes. Le passé montre que la première étape pour éliminer les armes de destruction massive est de les interdire grâce à des normes juridiquement contraignantes. En partenariat avec d’autres États membres, l’Autriche présente un projet de résolution pour convoquer des négociations en vue d’un instrument global et juridiquement contraignant pour interdire les armes nucléaires en 2017. »

Mais hélas les vœux de Ban Ki-moon, quoique partagés par la très grande majorité des habitants de la planète, ont été bafoués par les dirigeants des quatre pays suivants:

  • les États-Unis : le président Obama, dont le discours 2009 à Prague prônant l’élimination des armes atomiques lui avait valu le Prix Nobel de la Paix, annonce un investissement de mille milliards de $ à court terme dans les bombes nucléaires américaines,
  • la France : le président Hollande a annoncé qu’il doublerait les milliards d’euros consacrés à «la frappe nucléaire» totalement inutile,
  • la Grande-Bretagne : la première ministre Theresa May veut maintenir la construction onéreuse de sous-marins nucléaires, à laquelle s’oppose heureusement Jeremy Corbyn, reconfirmé le 24 septembre par un vote à 62% comme chef du Parti Travailliste,
  • et en une évidemment bien moindre mesure, le Canada : Trudeau fils cherche en début de mandat à bien se faire voir par les grandes puissances, quitte à trahir les principes de son père qui en 1983 pressait avec succès la Russie et les États-Unis de réduire le nombre de leurs ogives nucléaires. Voilà qui serait une action méritoire pour la paix à entreprendre, en ces jours de tension épouvantable avec la Russie alimentée par des médias à la propagande guerrière anti-syrienne (a-t-on oublié Daech? On risque de paver la route à des politiques totalitaires et guerrières d’extrême-droite et de marginaliser les citoyens écoeurés des manœuvres par les industries militaires).

Le Canada a donc voté du côté des possédants de bombes nucléaires à l’ONU1 et à Genève2, contre les avis unanimes du Regroupement Canadien pour l’Abolition des Armes Nucléaires, de Pugwash Canada, des Artistes pour la Paix et de neuf cents membres de l’Ordre du Canada prônant l’adhésion du Canada à une convention pour un monde sans armes nucléaires (avis généralement boycottés par les médias).

Notons en parallèle les efforts de paix locaux de la mairesse de Magog, Vickie May Hamm : elle a inauguré le vernissage de l’exposition d’œuvres internationales de trente-quatre femmes Imaginaïves (répondant à l’appel pour la paix lancé par John Lennon et Yoko Ono dans leur chanson imagine), au seul Musée international d’Art naïf au Canada, situé dans sa ville (expo prolongée jusqu’en décembre). Elle a aussi subventionné le Projet Écosphère 2016 dont le comité des sages, formé de Claude Béland, Roméo Bouchard, Renée Frappier, du directeur Éric Ferland et moi, a le 24 septembre à Magog abondamment commenté le sujet des armes nucléaires devant une centaine de personnes attentives.

Enfin, la mairesse a joint les plus de sept mille Maires pour la Paix, organisme auquel adhèrent des maires comme Denis Coderre (Montréal a célébré avec faste le 21 septembre la Journée internationale de la Paix – ONU avec YMCA-Paix) et Gaétan Ruest (Amqui). Rappelons que les Maires pour la Paix ont été créés par l’ancien maire de Hiroshima, Dr. Tadatoshi Akiba (voir photo prise à Pugwash, Nouvelle-Écosse, en juillet 2007).

1 Le 7 décembre dernier en s’opposant à une motion appuyée par 83% des pays contre l’arme atomique.

2 Le 19 août dernier, le Canada a en effet rejeté le rapport produit par le Groupe de travail à composition non limitée de l’ONU à Genève, pourtant adopté par 68 pays, intitulé Vers un monde libéré des armes nucléaires. Voir : http://lautjournal.info/20160831/trudeau-trahit-lobjectif-dun-monde-sans... ainsi que http://lautjournal.info/20160923/manifestation-devant-le-bureau-montreal...