Des nouvelles du Bateau des femmes pour Gaza

2016/10/06 | Par Rose St-Pierre

Le 14 septembre 2016, le bateau Zaytouna-Oliva a commencé son voyage à travers la mer Méditerranée vers Gaza, à partir de Barcelone. 13 femmes sont à bord du voilier et espèrent accoster sur les côtes de la bande de Gaza, brisant ainsi le blocus illégal d’Israël. Après un arrêt en Corse et en Grèce, la Freedom Flotilla Coalition, organisation qui parraine la mission, a annoncé le 4 octobre dernier que le Zaytouna-Oliva n’était plus qu’à quelques dizaines de milles nautiques de Gaza. Des femmes et des enfants se sont alors rassemblés sur la plage et le port de Gaza, certains y passant même la nuit, avec banderoles, ballons et mots d’accueil pour leurs courageuses invitées. Les pêcheurs étaient prêts à aller à la rencontre du Zaytouna-Olivia dès qu’il entrerait en territoire palestinien (c’est-à-dire 6 miles au-delà des côtes).

Vers 13h le 5 octobre, la Freedom Flotilla Coalition a annoncé, via sa page Facebook, qu’on venait de perdre tout contact avec le Bateau des femmes vers Gaza. Probablement arrêté par les autorités israéliennes dans les eaux internationales, un geste illégal, le bateau a vraisemblablement été escorté vers Israël et les participantes risquent d’être incarcérées. Parmi les femmes à bord se trouvent Mairead Maguire, la lauréate du prix Nobel de la paix en Irlande du Nord, Mina Harballou, journaliste pour Aljazeera, Marama Davidson, mère de six enfants et députée en Nouvelle-Zélande, Leigh-Ann Naidoo, athlète olympique sud-africaine ainsi que plusieurs autres politiciennes et activistes.

Dans un communiqué publié mercredi, la marine israélienne a déclaré que ses forces avaient "redirigé" le voilier afin d'éviter une «violation du blocus maritime légal" de l'enclave palestinienne et que l’opération avait été effectuée "en conformité avec les directives du gouvernement et après avoir épuisé toutes les voies diplomatiques" et «sans incident ».

En 2010, une telle opération avait tourné au drame. L’armée israélienne avait alors attaqué par hélicoptère (et dans les eaux internationales) le Mavi-Marmara, navire amiral d'une flottille internationale composée de 8 bateaux abritant 700 personnes parties pour briser le blocus israélien de la bande de Gaza. La flottille affrétée par une ONG turque transportait également 10 000 tonnes de vivres, médicaments, vêtements, maisons préfabriquées et aires de jeu pour enfants. Les commandos avaient ouvert le feu, tuant neuf militants et faisant de nombreux blessés.

Les participantes étaient bien conscientes des risques liés à une telle entreprise. « Il y a toujours des risques chaque fois que les actions illégales des forces d'occupation israélienne sont contestées », expliquent-elles sur leur site web. « Cependant, ces risques sont minimes par rapport à ceux qui sont confrontés tous les jours par les femmes palestiniennes à Gaza, qui n’ont pas le choix de vivre en zone de guerre. » La bande de Gaza étant fréquemment comparée à une prison à ciel ouvert.

La Freedom Flotilla Coalition (FFC) est un mouvement populaire et solidaire travaillant à mettre fin au siège israélien illégal de Gaza et soutenant le peuple palestinien dans « leur droit de résister à l’oppression et l’injustice ». Associée à aucun parti politique ou organisation politique particulière, la FFC a été formée en 2010 pour coordonner l'action entre les nombreuses campagnes contre le siège du peuple palestinien de la bande de Gaza. Leurs différentes campagnes et initiatives sont régies par des principes de résistance non violente. Depuis 6 ans, la Flottille tente de briser le blocus israélien de Gaza via la mer.

Le projet du Bateau des femmes pour Gaza vise « à rendre visible l’esprit de résistance indomptable des femmes palestiniennes, à leur manifester leur solidarité, à leur faire parvenir un message d’espoir jusque derrière les murs de leur prison à Gaza », précise la Fédération des femmes du Québec, un des partenaires québécois du projet, tout comme le Centre international de solidarité ouvrière (CISO).

Les agressions israéliennes de 2014 ont tué 299 femmes et 197 fillettes selon l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens. 790 sont devenues veuves ou monoparentales. Le taux de mortalité maternelle et néonatale a doublé depuis cette dernière attaque. 23,300 fillettes et 22, 900 femmes sont toujours sans abri et vivent dans des conditions déplorables. Elles souffrent de ne pouvoir obtenir pour leurs enfants les soins et les médicaments requis, de ne pouvoir leur apporter toute la sécurité dont ils auraient besoin et d’assurer leur alimentation.

Wenry Goldsmith est membre du comité de direction du Bateau des femmes pour Gaza pour le Canada. Originaire de London en Ontario, elle a accordé une entrevue à l’Aut’journal le 5 octobre dernier. Wenry Goldsmith a travaillé toute sa vie auprès d’enfants, de jeunes et de familles qui ont subi des traumatismes graves : « J'ai vu les effets dévastateurs de la violence dans les familles et les communautés. » Ayant grandi en banlieue en Ontario, Wenry Goldsmith en savait peu sur la situation palestinienne, mis à part qu’il s’agissait « d’un «conflit» qui durait «depuis toujours», et que c’était en fait «pas de nos affaires».

« C’est à l’université que j'ai réalisé que la question entre Israël et la Palestine n'est pas un conflit du tout. C’est une occupation illégale et une punition collective envers le peuple palestinien par Israël qui viole le droit international. En tant que travailleuse sociale, je comprends les effets dévastateurs des traumatismes et je sais que près de la moitié de la population vivant dans la bande de Gaza est âgée de moins de 15 ans. Les traumatismes qu'ils vivent et qu’ils vivront seront ancrés en eux pour le reste de leur vie. »

Et c’est au moment où les médias internationaux ont diffusé des images de l’opération « Plomb durci » en 2008 que Wenry Goldsmith a décidé d’agir. « J’ai vu des images de femmes et d’enfants brûlés au phosphore blanc, enterrés à la hâte. Pour moi, le silence est synonyme de complicité. J'ai appelé quelques amis activistes et, ensemble, nous avons décidé de parler. Nous avons commencé avec un sit-in au bureau de notre député, puis nous avons organisé une marche pour la libération de Gaza. En Égypte, j'ai rencontré de nombreux militants de partout dans le monde et notre réseau a grandi énormément. »

En entrevue avec l’Aut’journal le 4 octobre dernier, la participante Emma Ringqvist, une enseignante de musique suédoise membre de l’équipage du Zaytouna-Oliva, nous expliquait ses motivations à traversée la Méditerranée : « Le message le plus important que je souhaite transmettre c’est que le monde ne doit pas garder le silence, ne doit pas renoncer à mettre en évidence la lutte du peuple palestinien. Depuis trop d’années déjà nombreux sont ceux qui ont cessé d’écouter et de comprendre ce conflit. Nous devons continuer de nous battre pour la liberté du peuple palestinien et nous devons garder le fort et ne pas abandonner malgré les difficultés. 

Si nous arrivons à la côte de Gaza, nous nous attendons à un accueil émotionnel et chaleureux de la part du peuple palestinien. Nous savons que notre geste de solidarité leur donne de l’espoir. Et ce simple constat nous fait réaliser que tout cela vaut la peine. » Samira Douaifia, activiste et membre du parlement algérien ainsi que Mairead Maguire, lauréate du prix Nobel, ont également accepté nos demandes d’entrevues. Malheureusement, leur bateau a été intercepté avant que ne se tiennent les entrevues prévues.

L'ONU a récemment qualifié les conditions de vie à Gaza d’«intolérables». Deux ans après les bombardements israéliens massifs en 2014, les Gazaouis luttent toujours pour leur survie, malgré le travail des agences humanitaires, elles-mêmes étant affaiblies par le sous-financement grave, qui tentent de répondre aux besoins fondamentaux des plus vulnérables. Depuis 2007, Israël a ravagé les terres agricoles, les écoles, les lieux de travail, les hôpitaux, l'approvisionnement en eau, l'électricité et les maisons dans la bande de Gaza, privant les Palestiniens à Gaza des ressources dont ils ont besoin pour vivre. Il est même dorénavant impossible de nager dans les eaux de la Méditerranée en bordure de Gaza depuis que les bombes israéliennes ont détruit le système d'égout local. 72% des Palestiniens vivent à Gaza, dont 65% sont des enfants souffrant d'insécurité alimentaire. Les Gazaouis ne peuvent ni sortir ni recevoir famille et proche vivant à l’extérieur de l’enclave. Ils ne peuvent ni produire, ni importer ou exporter normalement des biens.

L’équipage et l’organisation en appellent à tous les citoyens afin d’attirer l’attention du monde sur la situation à Gaza : seuls l’attention médiatique et l’engagement des individus assureront la sécurité des participantes du Bateau des femmes vers Gaza et feront pression sur l’autorité israélienne. On invite les sympathisants à s’adresser à leurs députés, à publier des lettres d’appui ou à signer les multiples pétitions disponibles en ligne exigeant la libération des 13 participantes.