Libre-échange avec l’Europe : la pilule ne passe pas

2016/10/27 | Par Stephen Léger

L’auteur est 4e vice-président de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS)

La ministre canadienne du Commerce internationale Chrystia Freeland était bien déçue vendredi dernier de quitter la Belgique sans avoir réussi à convaincre les Wallons de ratifier l’Accord économique et commercial global (AÉCG) entre le Canada et l’Union européenne.

À l’inverse, l’annonce de cet échec a été reçue dans l’allégresse du côté des opposants à cet accord, qui manifestaient au même moment devant un grand hôtel montréalais.

J’étais parmi eux en tant que représentant d’un syndicat allié depuis plusieurs années à des coalitions qui s’insurgent contre le secret entourant les négociations des accords de libre-échange comme l’AÉCG. S’il n’y avait rien à craindre de ces accords, pourquoi n’en révèlerait-on pas la teneur? C’est bien ce que les Wallons se sont demandés et c’est aussi ce dont nous devons nous inquiéter.

Une des questions qui chicote le parlement de la Wallonie et qui angoisse les défenseurs des services publics, dont fait partie mon syndicat, est celle de l’arbitrage.

Comme dans toute entente il y a parfois des différends, comment allons-nous trancher?

L’AÉCG ne le précise pas clairement. D’où la crainte de voir les États écartés des prises de décisions qui vont pourtant déterminer la vie de leurs citoyens. Les choix se feront plus que jamais en fonction de lois commerciales et sans considération pour le bien-être des populations et pour le modèle de société auquel elles aspirent.

Les lois qui nuisent aux investissements étrangers et à la concurrence internationale pourront être contestées. Le petit Québec comme la petite Wallonie n’ont pas les reins assez solides pour défendre les aspirations particulières de leurs citoyens devant les tribunaux internationaux.

Un seul exemple parmi tant d’autres : le coût des médicaments. L’AÉCG empêcherait le Canada de limiter la durée des brevets, réduisant la possibilité d’introduire des médicaments génériques moins chers sur le marché.

On estime qu’avec cet accord, le coût des médicaments des Canadiens pourrait connaître une augmentation se situant entre 850 M$ et 1,6 G$ annuellement. Ça fait cher la pilule!

Quel prix devrons-nous payer en termes de pertes de services ainsi que de protections sociales et environnementales pour la croissance et la création d’emplois que nous promet cette ouverture tout azimut des marchés? La question se pose.

En fait elle aurait dû être posée par les négociateurs canadiens et les réponses devraient être connues. Or il n’y a pas eu de débat démocratique. On a décidé sans nous. Heureusement que les élus wallons ont porté attention aux voix citoyennes qui ont insisté pour avoir des réponses. Appuyons maintenant leur résistance pour la sauvegarde de notre droit de décider ce qui est bon pour nous.