COP 22 : Trudeau doit passer des paroles aux actes, demandent les Autochtones

2016/11/28 | Par Monique Pauzé

L’auteure est députée du Bloc Québécois.

J’ai eu l’honneur de représenter le Bloc Québécois à la COP22, du 14 au 18 novembre à Marrakech. Cette 22e conférence des Nations unies sur les changements climatiques visait à mettre sur pied un plan d’action, à traduire en gestes concrets les engagements de la conférence de Paris.

Les journées à la COP22 sont passionnantes. Outre le fait de courir d’un atelier à l’autre pour ne rien manquer parce que certains ateliers sont particulièrement intéressants.

Il y a eu cet atelier avec les peuples autochtones, auquel participait la ministre fédérale de l’Environnement, Catherine McKenna. Des chefs régionaux, des Inuits[A1]  et des femmes autochtones ont pris la parole à tour de rôle pour témoigner de leur connaissance de la terre, de l'eau.

En remerciant le gouvernement fédéral de son ouverture (après l'ère Harper, on les comprend), ils lancent un message très clair : il faut maintenant que les actions suivent les belles paroles.

L´un des chefs a vilipendé l'extraction des sables bitumineux et a demandé un moratoire sur tout nouveau pipeline. Il demeurait près d'une rivière où il a toujours pêché[A2] .  Depuis le développement des sables bitumineux, son mode de vie n'est plus du tout le même. Fini la pêche, fini l'eau propre, fini la chasse.

Un autre chef a déclaré que le Canada ne pourra atteindre les objectifs de Paris avec le développement de nouveaux oléoducs. Cela rejoint tout à fait le discours du Bloc Québécois. Nous n'avons plus de temps à perdre à discourir, passons vite à l'action.

Les Premières Nations ne veulent pas seulement être consultées. Elles veulent faire partie des discussions à chacune des étapes. Après tout, elles ont les conditions de vie les plus pénibles dans un pays qui compte parmi les plus riches. Ce sont les Autochtones qui polluent le moins, mais ils sont aussi ceux qui sont les plus touchés par les bouleversements climatiques.

C’est le même constat que font les pays plus pauvres. Ils ont moins pollué, mais ils subissent les contrecoups des changements climatiques et cela coûte cher, très cher.                          

La COP22 devait d’ailleurs aborder cet enjeu.

 

Les pays riches doivent contribuer

Les parties ont réaffirmé l’engagement de verser 100 milliards de dollars US par année à compter de 2020. Que ce soit clair : il ne pourra pas y avoir d’actions concrètes sans la contribution financière des pays riches à l’effort des pays pauvres.

Or, à ce jour, les adaptations nécessaires pour faire face aux bouleversements du climat sont déjà de l’ordre de plus de 20 milliards de dollars. Par exemple, quand les effets du changement climatique se traduisent par des inondations, il faut pouvoir s'attaquer aux conséquences de ces intempéries. Il faut avoir accès aux sources de financement nécessaires. Aujourd'hui, plusieurs projets sont envisagés. Mais les sommes promises sont déjà considérées comme insuffisantes par les pays du Sud.

Le monde est conscient de la nécessité de changer, aussi bien pour les pays en développement que pour les pays développés. Ce ne sont même pas des centaines de milliards qu’il faut mobiliser pour transformer les économies en économies vertes, mais des billions! J’ignore même comment écrire ce chiffre, ça dépasse l’entendement. Je comprends simplement que c’est énorme, vraiment énorme, et qu’on est en retard.

On peut conclure que l’objectif de Marrakech en matière de financement n’aura pas été atteint.

 

Pas de progrès significatif

Cette COP n'aura pas été marquée par de grandes avancées quant aux objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les pays développés tardent à réévaluer à la hausse leurs ambitions. Cela cause un réel problème car, à l’heure actuelle, les contributions annoncées sont insuffisantes pour maintenir le réchauffement climatique en deçà de 2 °C. Mais tous affirment s’inscrire dans la continuité de l'Accord de Paris.

Prenons les cibles canadiennes annoncées à Marrakech. Que signifie l’objectif de 80 % d’ici 2050 ? Pourquoi pas 100 % ? Pourquoi pas 150 % ? Tant qu’à inventer un chiffre. Parce qu’à peine débarquée de l’avion du retour, tout ce dont j’entends parler ici, c’est des pipelines de Kinder Morgan, de TransCanada, d’expansion des sables bitumineux, de milliards de dollars qui sont donnés en subventions pour les énergies fossiles.

Malheureusement, une fois le rideau baissé sur ces grandes conférences internationales, les masques tombent et ce sont les gestes qui parlent, ceux que l’on pose comme ceux que l’on refuse de poser. Aujourd’hui, le Canada fait partie des pays qui croient qu’il faut agir, mais il ne fait pas d’efforts. C’est un double langage que tient le gouvernement fédéral.

La COP de Marrakech a, plus que jamais, fait place aux acteurs non étatiques. Les villes, les provinces, les ONG seront les véritables leaders de la lutte pour le climat. Avec une incertitude de taille : l'attitude des États-Unis après l’élection de Donald Trump.

À Marrakech, John Kerry, secrétaire d’État des États-Unis, nous a adressé la parole mais, en réalité, il lançait un message au président nouvellement élu. Le monde a changé, disait-il, les entrepreneurs sont engagés dans la lutte pour contrer les changements climatiques, le marché suit par des investissements dans les énergies renouvelables. Investir dans l'économie propre, c'est bon pour l'économie. On ne peut plus revenir en arrière.

Espérons qu'il a raison.

 [A1]Je ne comprends pas pourquoi les Inuits sont isolés. Est-ce parce qu’ils n’ont pas de chefs régionaux?

 [A2]La phrase originale, c’est «près de la rivière près de laquelle il a toujours pêché ». Pêche-t-il dans la rivière ou près de la rivière?