Manque d’intérêt des jeunes pour la politique : blâmez les écoles !

2017/02/24 | Par Étienne-Alexandre Beauregard

Ce n’est plus à prouver, la grande majorité des jeunes Québécois ne sont ni informés ni intéressés par la politique. Cynisme généralisé, tabou entourant le milieu, les raisons ne manquent pas pour expliquer cette perte d’intérêt pour un domaine pourtant ô combien essentiel de la vie en société.

En tant qu’adolescent et étudiant en quatrième secondaire, j’ai pu observer ce cynisme et cette lourde ignorance dans toute leur triste splendeur. Du même coup, il a été facile de comprendre les raisons expliquant ce triste état des choses et il se trouve que les écoles elles-mêmes en sont responsables malgré elles.

En effet, dans le monde de l’éducation, que ce soit au public ou au privé, il ne faut pas présumer que les élèves ont des connaissances extérieures à la matière enseignée, car la plupart du temps, ce n’est malheureusement pas le cas.

La culture générale est en chute libre et cela touche la politique plus que nul autre domaine. Les familles ne parlent plus de politique par peur du débat et les connaissances des enfants en sont appauvries, c’est donc à l’école de remplir ce vide afin de bien former les citoyens de demain.

Sincèrement, j’ai été pétrifié lorsque ma voisine de bureau m’a demandé en plein cours d’histoire ce qu’était un souverainiste. Dans deux ans, cette fille devra voter pour le parti qui formera le prochain gouvernement, mais sans même connaître le débat sur la question nationale, qui monopolise la scène politique depuis près de cinquante ans, elle n’aura pas les outils pour voter de manière éclairée.

Que faire ? Je n’allais pas attendre que le ministère de l’Éducation y change quelque chose, le Parti libéral a trop avantage à garder la jeunesse ignorante quant au plus beau des projets de société afin qu’elle ne vote pas en sa faveur.

Il fallait donc prendre sur moi pour faire réfléchir mes camarades, alors j’ai convoqué le directeur afin de lui proposer l’idée d’un comité dédié à sensibiliser les élèves de l’école sur l’enjeu de la souveraineté. J’avais même des idées de conférences à lui proposer, deux personnalités liées au Parti Québécois.

À mots voilés, je me suis fait répondre qu’il serait absolument impensable de prendre position en milieu scolaire et que si je voulais mener mon projet de comité à bien, il faudrait que je sois neutre, quitte à faire la promotion du fédéralisme pour montrer que les deux idées se valent, en commençant par inviter des conférenciers fédéralistes pour contrebalancer les péquistes. J’étais sidéré d’entendre une pareille déclaration.

C’est ave des positions fortes que l’on forme les opinions, pas en cultivant la neutralité ! Ceci fait état d’un problème généralisé : très peu d’institutions sont prêtes à laisser entrer la partisanerie chez elles, mais s’entendent toutes pour dire qu’il faut que les jeunes aillent voter.

Comment faire lorsqu’on ne connaît ni les enjeux, ni les opinions, ni les partis ? C’est comme si on disait qu’il est important de savoir écrire, mais qu’on enlevait la grammaire du programme.

D’ailleurs, ce n’est pas le cours d’histoire nationale qui ira changer cela. Sur deux ans, on y voit l’histoire du Québec de 1534 à aujourd’hui, mais là-dessus, seulement un mois ou deux sont alloués à la période entre 1960 et aujourd’hui, la plus cruciale pour choisir son orientation politique.

Dans les manuels, à peine un paragraphe est dédié à la Crise d’Octobre et d’autres événements importants comme l’Accord du lac Meech ou la traitrise constitutionnelle de 1982 n’obtiennent guère plus. (À noter qu’on n’emploie jamais la locution « nuit des longs couteaux » dans des manuels scolaires.)

Face à ces lacunes évidentes du système d’éducation québécois incapable de produire des électeurs réfléchis, il faut agir pour changer les choses. Il est certain que le cours d’histoire est à changer afin d’y faire une plus grande place pour les enjeux plus actuels et ainsi confronter les élèves aux enjeux pour faire évoluer leur pensée.

Dans les écoles et dans les familles, on ne doit plus avoir peur de prendre position sinon la neutralité ravageuse continuera de faire des adolescents québécois des citoyens sans opinion, purement inaptes à se prononcer lors de futures élections.