L’insidieux « repli sur soi »

2017/03/03 | Par Étienne-Alexandre Beauregard

Depuis quelques années, on peut constater une montée en popularité des termes « repli sur soi » et « ouverture sur le monde » dans le débat public. Le premier, à forte connotation négative, est utilisé par les libéraux de ce monde pour balayer du revers de la main toute idée faisant passer le Québec en premier, alors que le second, toujours vu positivement, désigne leur utopie d’un Québec asexué, dénué de toute identité.

Dans le débat qui a fait rage à l’Assemblée nationale la semaine dernière concernant l’entente signée par Loto-Québec avec un chef français pour qu’il ouvre un restaurant au casino de Montréal, les partis d’oppositions se sont insurgés contre le fait qu’aucun appel d’offres n’a été fait, ce qui aurait donné la chance au savoir-faire québécois de briller.

Le ministre Leitao a tout simplement répondu qu’il fallait faire attention au repli sur soi, comme si faire un appel d’offres pour permettre à un chef québécois de soumissionner constituait un dangereux « repli identitaire ».

Ainsi, le fameux « repli sur soi » est devenu une étiquette qu’on accroche à tout projet ou idée priorisant le Québec, à commencer par la souveraineté. C’est devenu l’expression favorite des antinationalistes qui voient d’un bien mauvais œil toute fierté québécoise.

Si c’était aujourd’hui, aurait-on accolé ce qualificatif peu flatteur aux campagnes de Jean Lesage en 1962 (« Maîtres chez nous ! ») et de Daniel Johnson en 1966 (« Le Québec d’abord ») ?

Veiller à la pérennité de la langue française est une idée qui est à coup sûr qualifiée de repli sur soi chaque fois qu’elle émerge. Pourtant est-ce un repli que de vouloir assurer la survie de notre langue, de notre culture, de qui nous sommes profondément ?

À l’inverse, « l’ouverture sur le monde » est fortement louangée partout où on va, mais désigne pourtant une mentalité nocive où l’on oublie qui on est parce qu’on priorise trop ce qui a lieu ailleurs.

Lorsque je vois cette belle ouverture à l’œuvre dans ma classe d’histoire, où une majorité obsède sur les deux guerres mondiales tout en se foutant royalement de l’histoire nationale, je me demande bien où nous mènera cette mentalité.

L’excès est peu souhaitable pour toute chose, à commencer par l’ouverture sur le monde, qui n’a pour effet que de créer des apatrides désensibilisés aux problèmes de leur nation et prêts à la voir s’éteindre au nom du multiculturalisme canadien.

Au-delà de de tout cela, le terme « repli sur soi » a une influence bien plus perverse sur les Québécois, qui ont toujours tendance à s’autoflageller dès qu’ils commencent à réclamer ce qui leur revient.

En effet, ce sont maintenant les Québécois eux-mêmes qui utilisent l’expression pour qualifier leurs propres aspirations, se donnant bonne conscience en laissant ces dernières de côté.

Si les Québécois ne veulent plus réfléchir à l’avenir de leur nation et le prendre en main parce qu’ils jugent que ce serait un repli sur eux-mêmes que de réclamer leur droit à l’autodétermination, alors les libéraux auront gagné, le Québec sera échec et mat.