À propos du discours d’ Emmanuella Lambropoulos, candidate libérale dans Saint-Laurent

2017/03/10 | Par Frédéric Lacroix

Ce qui est admirable avec les inconnues du grand public, c’est qu’elles maitrisent encore mal les codes de la langue de bois et révèlent ingénument des vérités que les candidates plus aguerries savent mieux cacher.

Mme Emmanuella Lambropoulos, donc, a tenu son discours de victoire en anglais d’abord. Quand le Devoir lui a demandée d’expliquer la chose, elle a répondu, tout simplement: « Je suis beaucoup plus à l’aise en anglais… Je préfère l’anglais, c’est sûr…la majorité des personnes qui sont venues voter pour moi, ce sont des anglophones….je sais que les gens qui m’ont appuyé, for sure, ce sont des anglophones ».

Comment dire? Tout est là. Le français qui est la « langue commune » au Québec dans les fantasmes des Québécois de « souche » seulement, l’anglais qui est la langue « préférée », la langue qui est le déterminant majeur du vote des « anglophones ». Toute notre situation linguistique nous est jetée en pleine face par cette ravissante personne. Tant de candeur est rafraîchissant!

Mais il y a plus. Mme Lambropoulos a été professeur de …. français à Beaconsfield High School et elle enseigne maintenant les sciences (en français!) à LaurenHill Academy. Oui, oui, cette charmante personne (qui a fait toutes ses études en anglais) enseigne en français. Le concept de « français, langue seconde » est poussé à son paroxysme! Mme Lambropoulos est une candidate parfaite pour le Canada Liberal Party/Parti libéral du Canada.

Ce fait divers constitue une illustration parfaite de l’inanité des politiques linguistiques centrées sur la « connaissance du français ». Rien n’empêche quelqu’un de connaitre le français, mais de préférer l’anglais, bref d’avoir le français comme langue seconde, simple outil de communication, et non socle d’une culture vivante et dynamique. La langue des institutions constitue une matrice qui forme et définit les identités des personnes qui les fréquentent. L’Enquête sur les comportements linguistiques des étudiants du collégial (ECLEC) (http://irfa.ca/site/_pdf/note_irfa_SEPTEMBRE2010A.pdf) avait prouvé que les étudiants qui fréquentent le Cégep anglais avaient une nette tendance à faire de l’anglais leur « langue préférée », même s’ils avaient une bonne connaissance du français (et même si le français était leur langue maternelle dans plusieurs cas!).

La conclusion? Les politiques de « connaissance du français », comme par exemple imposer des examens de français dans les Cégeps anglophones n’auront pas pour résultat de ralentir l’effondrement du français comme langue « préférée » à Montréal.

 

Photo : Jacques Nadeau – Ledevoir.com