Loi 99 : La tentative d’invalidation constitutionnelle

2017/03/21 | Par Richard Lahaie

Le 19 mars dernier, un rassemblement d’appuis à la Loi 99 a été organisé à la salle de spectacle l’Astral à Montréal. Cette Loi 99, adoptée en 2000, fait l’objet d’une tentative d’invalidation constitutionnelle devant les tribunaux, avec la cause Henderson. Le procès débute le 20 mars à la Cour supérieure de Montréal.

 

La genèse de la Loi 99

Guy Bertrand avait introduit en août 1995 une procédure judiciaire visant à obtenir une injonction interlocutoire pour interdire la tenue du référendum le 30 octobre 1995. Sa demande avait été rejetée quelques semaines plus tard par le tribunal.

Après le référendum, il récidive avec une demande à la Cour suprême d’une injonction permanente interdisant la tenue de tout autre référendum sur le fractionnement du Canada.

Puis le gouvernement Chrétien annonce qu’il s’engage dans le débat judiciaire enclenché par Guy Bertrand et qu’il plaidera l’illégalité d’une déclaration unilatérale de la souveraineté du Québec.

La contestation de la légalité de la démarche référendaire s’inscrit dans la nouvelle approche du gouvernement fédéral, soit celle du fameux « plan B » et qui comprend la menace de partition du territoire du Québec.

La stratégie choisie par le gouvernement fédéral est de demander l’avis de la Cour suprême sur trois questions :

1- « L’Assemblée nationale, la législature, ou le gouvernement du Québec peut-il, en vertu de la Constitution du Canada, procéder unilatéralement à la sécession du Québec du Canada? »

2- « L’Assemblée nationale, la législature, ou le gouvernement du Québec possède-t-il, en vertu du droit international, le droit de procéder unilatéralement à la sécession du Québec du Canada? À cet égard, en vertu du droit international, existe-t-il un droit à l’autodétermination qui procurerait à l’Assemblée nationale, la législature, ou le gouvernement du Québec le droit de procéder unilatéralement à la sécession du Québec du Canada? »

3- « Lequel du droit interne ou du droit international aurait préséance au Canada dans l’éventualité d’un conflit entre eux quant au droit de l’Assemblée nationale, de la législature ou du gouvernement du Québec de procéder unilatéralement à la sécession du Québec du Canada? »

Selon la Cour suprême, la Constitution repose sur des principes de fédéralisme, de démocratie, de primauté du droit, et de respect des minorités, ce qui permet d’affirmer qu’il y a obligation pour le Canada de négocier.

Le Québec ne peut cependant pas invoquer le droit des peuples à l’autodétermination, car il « ne constitue pas un peuple colonisé ou opprimé ».

Toutefois, lorsqu’une province exprime par référendum la volonté de se séparer, le gouvernement fédéral et les autres provinces ont l’obligation constitutionnelle de négocier avec elle.

La Cour suprême pose deux conditions à cette obligation : la question posée au référendum doit être claire et le résultat du référendum doit être clair. Les parties ont en outre l’obligation de négocier de bonne foi.

La question de l’intégrité du territoire et de sa partition éventuelle est considérée comme une matière négociable, avec une prépondérance accordée à l’État fédéral : « Le droit international attache une grande importance à l’intégrité territoriale des États Nations et, de manière générale, laisse le droit interne de l’État existant dont l’entité sécessionniste fait toujours partie de décider de la création ou non d’un nouvel État ».

À la suite de ce jugement, Stéphane Dion élabore le projet de loi C-20 qui porte sur les conditions de « clarté » préalables à toute négociation. La loi prévoit que, « dès divulgation de la question posée au référendum, la Chambre des communes du Canada l’examine et détermine si elle est claire et permet à la population de la province de déclarer clairement sa volonté de cesser de faire partie du Canada et devenir un État indépendant. Une question portant uniquement sur l’ouverture de négociations ne serait pas acceptable. Une question référendaire claire et une majorité claire constituent des conditions sine qua non afin que le Canada accepte de négocier les modalités de sécession de l’une de ses provinces ».

Cette loi contredit les conclusions de la Cour suprême. En cas d’une victoire du OUI, le gouvernement fédéral se posera en juge et partie de l’exercice référendaire, en s’appropriant à l’avance le droit de définir unilatéralement le niveau de « clarté » suffisant à ses yeux pour décider s’il négociera ou non.

Ainsi, le Canada se comporte déjà de mauvaise foi dans cette histoire. Il manipule les Québécois et joue lâchement la carte de l’intimidation avec le partitionnement du territoire du Québec, reniant les principes fondamentaux de la démocratie.

Lucien Bouchard fait voter à l’Assemblée nationale la Loi 99, « Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec ».

Cette loi met l’accent sur le droit à l’autodétermination des peuples en vertu du droit international. Elle manifeste qu’une majorité simple de 50 % des voix plus une constitue une expression claire au droit du peuple québécois de disposer de lui-même. Elle revendique aussi le droit à l’intégrité territoriale de la province de Québec.

Cette loi reconnaît aussi le respect des droits de la minorité québécoise d’expression anglaise et des Autochtones du Québec.

Dans les dispositions finales de cette loi, l’article 13 répond clairement à la loi fédérale canadienne sur la clarté référendaire en énonçant : « Aucun autre parlement ou gouvernement ne peut réduire les pouvoirs, l’autorité, la souveraineté et la légitimité de l’Assemblée nationale ni contraindre la volonté démocratique du peuple québécois à disposer lui-même de son avenir ».

 

La contestation de la Loi 99

En 2001, Keith Henderson et le Parti Égalité ont déposé une requête en Cour supérieure afin d’invalider six articles de la Loi 99. Ils invoquent que le Québec, en adoptant ces dispositions, a outrepassé ses pouvoirs et que la Loi 99 cause à monsieur Henderson un préjudice personnel en tant que citoyen canadien. Ils prétendent que la Loi 99 met la table à une éventuelle déclaration unilatérale d’indépendance, en violation de la Constitution canadienne.

Pendant plus de dix ans, l’avancement de cette requête a été gêné par des jugements sur l’irrecevabilité en Cour supérieure et en Cour d’appel. Mais ces jugements ont finalement été réglés, de sorte qu’en mai 2013, le gouvernement du Québec a présenté sa défense.

À l’automne 2013, c’était au tour du gouvernement du Canada d’intervenir dans cette contestation en présentant une position similaire à celle de Henderson, selon laquelle le fait que la Loi 99 ne veut rien dire, ou bien elle doit être invalidée.

Le 23 octobre 2013, l’Assemblée nationale a adopté une motion unanime dénonçant l’intervention du gouvernement fédéral dans cette affaire, et réitère son appui à la Loi 99.

La population du Québec est invitée à signer une pétition électronique pour demander au gouvernement fédéral de se désister de la contestation judiciaire. Pour signer la pétition, allez à cette adresse : https://petitions.parl.gc.ca/fr/Petition/Sign/e-773 .